Les Affaires

Fiez-vous aux entreprise­s phares

- – Simon Lord

Vous n’êtes pas certain de la marche à suivre pour passer au 4.0? Une bonne manière de lancer votre réflexion est de mieux comprendre comment s’y prennent les leaders dans le domaine. Voici donc un survol des meilleures pratiques observées par deux spécialist­es.

« L’usine 4.0 est un phénomène assez récent, mais certaines entreprise­s se démarquent déjà, et il y a des leçons à tirer de leurs pratiques », assure Placide Poba-Nzaou, professeur à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal, spécialisé notamment en adoption des technologi­es de l’informatio­n et en transforma­tions numériques.

Mais quelles leçons ? La première est que les entreprise­s qui ont réussi leur transforma­tion sont celles qui ne percevaien­t pas la décision de passer au 4.0 comme un simple choix, mais carrément comme une nécessité, une question de survie.

« Lorsqu’on se met dans cet état d’esprit, ça vient complèteme­nt changer la dynamique de l’organisati­on et sa perception des efforts à déployer », dit M. Poba-Nzaou. Selon lui, le risque de disparaîtr­e advenant une résistance à la transforma­tion 4.0 est bien réel pour les entreprise­s. Non seulement les concurrent­es qui embrassent la quatrième révolution sontelles en mesure de produire plus vite, mais elles le font également en améliorant la qualité et à moindre coût.

Les entreprise­s qui ont du succès dans leur transforma­tion sont généraleme­nt aussi celles qui ne voient pas cette métamorpho­se comme un projet – semblable à l’implantati­on d’un progiciel de gestion intégrée, par exemple –, mais bien comme une nouvelle façon de travailler. « Cela signifie notamment de continuer à se remettre en question et de garder l’esprit ouvert à ce qui se fait de nouveau, parce que les technologi­es continuent d’évoluer, explique M. Poba-Nzaou. Ce n’est pas une transition ponctuelle. Il faut rester vigilant et penser en matière de changement continu. »

« Les avantages sont grands d’être parmi les premiers, et il est difficile de rattraper un retard. » – Placide Poba-Nzaou, professeur à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM

Réfléchir, mais pas seulement

Une autre leçon à tirer de l’expérience des leaders du 4.0 est qu’il est important de ne pas tergiverse­r trop longtemps : le moment parfait n’existe pas, estime le professeur Poba-Nzaou. Selon lui, certains dirigeants et certaines entreprise­s pourraient avoir tendance à croire que les organisati­ons qui ont réussi leur transforma­tion avaient réuni tous ingrédient­s nécessaire­s avant de se lancer. À son avis, ce n’est pourtant pas le cas. « Pour la plupart, les conditions de réussite perçues n’étaient pas toutes réunies avant l’initiation de la transforma­tion. Il ne faut donc pas attendre que la situation soit idéale; il faut se lancer. »

Cet impératif est selon lui d’autant plus important qu’il est payant d’être au-devant de la file. « Il ne faut surtout pas attendre que nos concurrent­s aient adopté la technologi­e avant de l’adopter nous-même, avertit-il. Les avantages sont grands d’être parmi les premiers, et il est difficile de rattraper un retard. »

La directrice de projet et responsabl­e du volet industries 4.0 au CEFRIO, Geneviève Lefebvre, insiste toutefois sur une chose : les entreprise­s qui réussissen­t ne sont pas non plus celles qui se « garrochent ». Il importe auparavant de faire un exercice de réflexion stratégiqu­e afin de déterminer où les investisse­ments en technologi­e seront les plus rentables. L’entreprise aimerait-elle éviter les doublement­s de tâche? Ou plutôt solutionne­r un enjeu de pénurie de main-d’oeuvre? Comment peut-elle utiliser la technologi­e pour se donner un avantage par rapport au reste de son marché?

« Dans les entreprise­s qui sont avance, c’est très clair que cette réflexion a eu lieu », note Mme Lefebvre. Les délais doivent cependant demeurer raisonnabl­es, rappelle-t-elle. « Pour une telle réflexion, cinq ans, c’est trop long, et 50000 $, trop cher payé. »

Tirer profit du capital humain

Pour beaucoup, transforma­tion technologi­que signifie réduction du nombre de postes. Pourtant, selon un rapport publié l’hiver dernier par le Forum économique mondial, les chefs de file mondiaux dans l’adoption des technologi­es liées à la quatrième révolution industriel­le présentent un fort intérêt pour le développem­ent du capital humain.

« Plutôt que de remplacer les employés par des machines, les chefs de fil déploient des efforts pour transforme­r le travail afin de le rendre moins répétitif, plus intéressan­t, plus diversifié et plus productif », indique le document intitulé Fourth Industrial Revolution: Beacons of Technology and Innovation in Manufactur­ing.

Pour ce faire – et pour réussir les autres changement­s requis pour avoir du succès à l’ère 4.0 –, il faut toutefois avant tout qu’un membre du comité de direction prenne la responsabi­lité de la stratégie numérique et qu’il soit le porteur de la transforma­tion, explique Mme Lefebvre. « Ce n’est pas quelqu’un aux finances, ni le directeur des opérations, dit-elle. Il peut s’agir de quelqu’un des technologi­es de l’informatio­n, mais rarement d’un expert trop technique : cette personne doit comprendre la gestion de changement. »

Là réside tout le défi du passage au 4.0 : changer, mais pour le mieux, et gérer la transforma­tion avant qu’elle ne nous gère.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada