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FAVORISER LA COLLABORAT­ION ENTRE LES PETITS ET LES GRANDS

- Kévin Deniau redactionl­esaffaires@tc.tc

Et si l’innovation passait par la collaborat­ion entre les start-up et les grands groupes ? « Aujourd’hui, c’est évident que l’innovation doit être ouverte. On ne peut plus travailler en vase clos, car tout va plus vite et l’expertise n’est plus forcément dans nos murs », clame André Bélanger, fondateur et président d’Hyperliens, une « agence de rencontre » entre grandes entreprise­s et start-up. Avant d’émettre un bémol : « Mais ça bouge très lentement au Québec à ce sujet. »

Un avis partagé par de nombreux experts. « Ce sont deux mondes qui ne se parlent pas encore beaucoup, alors qu’il y a manifestem­ent un intérêt mutuel à collaborer », constate Aurélie Wen, directrice, Amérique du Nord, d’Agorize, une plateforme qui organise des marathons de programmat­ion ( hackathons) et d’autres défis pour de grandes entreprise­s. « On est très en retard sur ce mode d’action ici, même si on voit de plus en plus d’individus au sein des grandes organisati­ons qui croient en ses bénéfices », poursuit Louis-Félix Binette, directeur général du Mouvement des accélérate­urs d’innovation du Québec.

Développem­ent et risques

Basée sur la collaborat­ion entre start-up et grands groupes, l’innovation en écosystème comporte de nombreux avantages. « En général, c’est plus souvent gagnant-gagnant que l’inverse », observe Jean-François Ouellet, professeur agrégé au départemen­t d’entreprene­uriat et innovation à HEC Montréal. « Pour la start-up, un grand groupe est un lieu d’expériment­ation qui permet de valider sa technologi­e

et d’accélérer son développem­ent », ajoute M. Bélanger.

Du côté de la grande entreprise, c’est une façon agile d’externalis­er son innovation en limitant ses risques. « Il y a toujours une aversion au risque chez les grandes organisati­ons. Quand on a un produit qui fonctionne et qui génère des revenus, c’est difficile de vouloir tout réinventer. D’où le recours à des start-up pour vérifier l’adéquation entre une nouvelle solution et un problème perçu par le marché », explique M. Ouellet. Ce dernier cite l’exemple de Google, qui investit souvent en capital d’amorçage dans des projets… avant de racheter les start-up qui ont de la traction, comme ce fut le cas pour Nest ou Google Earth, entre autres.

Un changement des mentalités

« L’innovation ouverte n’est pas une chose que les grands groupes vont faire de gaieté de coeur. Personne n’aime changer. Surtout que dans tout processus d’innovation, on est obligé de détruire une partie du passé qu’on a mis des années à construire, indique MmeWen. Mais si tu ne le fais pas, des joueurs plus rapides vont venir te manger des parts de marché. » Chez Agorize, 20% du chiffre d’affaires provient des banques et des assurances, deux secteurs où de nombreux joueurs émergent progressiv­ement.

La directrice parle toutefois d’un changement des mentalités depuis le début des années 2010, illustré par le cas Microsoft. Sous l’ère du président, puis PDG Steve Ballmer, l’entreprise américaine a fonctionné en circuit fermé et a rendu ses produits inaccessib­les sur les autres plateforme­s... mais a raté le virage des téléphones intelligen­ts, des médias sociaux et des moteurs de recherche.

En 2014, son nouveau président, Satya Nadella, a opté pour une stratégie d’innovation en écosystème et est allé jusqu’à racheter la plateforme de développem­ent en accès libre GitHub. « Microsoft a ouvert les yeux de beaucoup d’entreprise­s qui rencontrai­ent les mêmes difficulté­s, affirme MmeWen. Surtout avec la pression des GAFA qui, eux, innovent de façon très ouverte. »

« Il y a toujours une aversion au risque chez les grandes organisati­ons. Quand on a un produit qui fonctionne et génère des revenus, c’est difficile de vouloir tout réinventer. » – Jean-François Ouellet, professeur agrégé au départemen­t d’entreprene­uriat et innovation à HEC Montréal

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Basée sur la collaborat­ion entre start-up et grands groupes, l’innovation en écosystème comporte de nombreux avantages.
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