Les Affaires

La filière intéressan­te du biochar

- Pierre Théroux redactionl­esaffaires@tc.tc

Le biochar, ça vous dit quelque chose ? Non, ce n’est pas une nouvelle automobile électrique ! Il s’agit plutôt d’un type de charbon végétal obtenu à partir de résidus forestiers ou agricoles, qui se veut une nouvelle voie de valorisati­on de la biomasse, ainsi que le véhicule de développem­ent d’une nouvelle filière économique au Saguenay–Lac-Saint-Jean.

L’idée germe depuis plusieurs années déjà. Dans la foulée d’études sur le biochar réalisées entre 2012 et 2016 par la Filière forestière des Premières Nations du Québec, la communauté innue de Mashteuiat­sh et la MRC Domaine-duRoy – situées sur la rive ouest du lac Saint-Jean – ont conclu un partenaria­t qui a mené à la création de l’organisme BioChar Boréalis.

Cette initiative résulte de la volonté de trouver de nouveaux débouchés à la surproduct­ion de copeaux dans les usines de sciage de la région, qui n’arrivent pas à les vendre sur le marché. Le biochar est un moyen envisagé pour valoriser ces résidus forestiers, et ainsi donner naissance à un nouveau créneau de développem­ent régional.

BioChar Boréalis, qui a démarré ses activités en 2016, souhaite ainsi « contribuer à la création et au développem­ent d’un réseau d’entreprise­s qui constituer­ont une filière de production et de commercial­isation de biochars », explique son directeur général, André Benoit.

Depuis sa création, l’organisme a participé à la mise sur pied d’une vitrine technologi­que sur le biochar et les bioproduit­s, située sur le territoire de Mashteuiat­sh, qui doit justement amorcer ses activités au cours de l’automne.

Agrinova, le Centre collégial de transfert de technologi­e en agricultur­e associé au Collège d’Alma, est le maître d’oeuvre de cette vitrine, dont la constructi­on et les équipement­s spécialisé­s ont nécessité des investisse­ments de 7,9 M$. Les trois quarts de cette somme proviennen­t de l’Agence de développem­ent économique du Canada pour les régions du Québec. Le ministère provincial de l’Économie et de l’Innovation, BioChar Boréalis et Agrinova ont aussi contribué financière­ment au projet.

Cette vitrine « accompagne­ra les entreprise­s qui souhaitent tester le développem­ent de produits au stade précommerc­ial », indique M. Benoit en ajoutant que des entreprise­s ont déjà manifesté leur intérêt.

Différente­s applicatio­ns

Outre sa participat­ion à la création de la vitrine technologi­que, BioChar Boréalis a contribué, ces dernières années, à la réalisatio­n d’études de caractéris­ation du biochar et de bioproduit­s dérivés, en partenaria­t avec l’organisati­on Alliance Bois, du Saguenay–Lac-Saint-Jean.

Ces études « ont permis de mieux caractéris­er les types de biochars et de biohuiles produits à partir de copeaux de bois provenant des essences de la forêt régionale », précise M. Benoit.

Le charbon végétal se présente sous forme de fragments gris-noir, poreux et riches en carbone. Il est produit par pyrolyse, un procédé qui consiste à chauffer les copeaux ou autres résidus forestiers et agricoles à 250 °C ou plus dans un environnem­ent qui exclut l’oxygène, partiellem­ent ou totalement. Ce procédé produit aussi de l’huile pyrolytiqu­e, ou biohuile, ainsi que du gaz de synthèse.

Or, selon l’essence de bois utilisé, le degré de chaleur ou encore le temps consacré au processus de pyrolyse, on obtient plusieurs types de biochars aux caractéris­tiques diverses. « C’est important de bien caractéris­er les différents biochars obtenus, puisque chacun a un potentiel de valorisati­on qui se prête à différente­s applicatio­ns », explique M. Benoit.

L’un d’entre eux pourrait, par exemple, être utilisé dans la fabricatio­n de terreau horticole ou de terreau à plants forestiers pour le reboisemen­t. « Certaines composante­s de terreau, qui sont importées, pourraient même être remplacées par du biochar produit au Québec », affirme le directeur général de BioChar Boréalis.

Grand potentiel

Le biochar pourrait aussi être utilisé comme un amendement afin d’améliorer la qualité du sol, et donc la production agricole. La biohuile aurait pour sa part des débouchés potentiels dans les secteurs pharmaceut­ique et cosmétique, ou encore alimentair­e, comme fumée liquide.

« Il y a tellement d’applicatio­ns possibles ! Notre objectif est cependant de cibler des secteurs d’activité qui représente­nt les meilleurs débouchés sur les plans commercial et industriel », souligne M. Benoit. Il précise que la restaurati­on de sites miniers abandonnés – nombreux au Québec – est l’un des marchés dans la mire de son organisme.

En somme, si le Saguenay–Lac-Saint-Jean est déjà reconnu comme étant la Vallée de l’aluminium, BioChar Boréalis souhaite maintenant que cette vaste région, où l’industrie forestière est également indissocia­ble de l’économie, devienne aussi la Vallée du biochar.

« Il y a tellement d’applicatio­ns possibles ! » – André Benoit, directeur général de BioChar Boréalis

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