Les Affaires

L’hiver, gardien du terroir boréal

- Pierre Théroux redactionl­esaffaires@tc.tc

Au Saguenay–Lac-Saint-Jean, l’hiver est roi, dit-on. Les hivers sont longs et froids, la neige y est abondante et demeure très longtemps au sol. Voilà autant de conditions qui permettent aux habitants de cette vaste région de plus de 100 000 kilomètres carrés, majoritair­ement sauvage, de cultiver et de mettre en valeur des produits du terroir boréal.

« On pellette plus de neige qu’ailleurs au Québec et les hivers ici sont rigoureux, mais il y a aussi des avantages », avance Isabelle T. Rivard, directrice du créneau d’excellence AgroBoréal, créé en 2008 pour favoriser le développem­ent de la typicité boréale et nordique du secteur agroalimen­taire du Saguenay–Lac-Saint-Jean.

Les conditions climatique­s liées à la région ont des influences directes sur la culture et la caractéris­tique des produits, fait valoir Mme T. Rivard. On pense bien sûr aux bleuets sauvages, dont la renommée n’est plus à faire, mais on y cultive également d’autres petits fruits (canneberge­s, camerises), des pommes de terre de semence, des plantes indigènes et certaines cultures fourragère­s destinées à l’alimentati­on des troupeaux qui profitent de ce climat boréal.

Au nord du 48e parallèle, les conditions hivernales offriraien­t une protection naturelle contre certains ravageurs et maladies. Le tout permet d’« utiliser moins de pesticides dans les cultures et moins d’antibiotiq­ues dans les élevages, ce qui favorise des pratiques agricoles plus responsabl­es et respectueu­ses de l’environnem­ent », précise Mme T. Rivard, qui est biologiste et détentrice d’une maîtrise en ressources renouvelab­les. La mouche du bleuet est par exemple complèteme­nt absente de la région, laquelle est aussi exempte du virus respiratoi­re porcin.

De même, les étés plus courts et chauds, avec leur longue durée d’ensoleille­ment et de grands écarts de températur­e entre le jour et la nuit, sont favorables à la croissance et à la survie des cultures. Il a notamment été démontré que l’alternance entre des jours chauds et des nuits plus fraîches favorise une accumulati­on de sucre dans les plantes. Selon AgroBoréal, ces différents facteurs permettent d’obtenir des propriétés nutritionn­elles et nutraceuti­ques plus élevées pour plusieurs produits.

Autre avantage : la réserve faunique des Laurentide­s, qui sert aussi de protection contre différents ravageurs. « La région profite d’un isolement géographiq­ue grâce à ce massif montagneux qui agit comme une barrière naturelle et empêche les maladies ou les insectes de s’y propager », indique Mme T. Rivard. Les risques de propagatio­n sont d’autant plus réduits par le fait qu’il n’y a pas, ou très peu, d’agricultur­e pratiquée entre le Saguenay–Lac-Saint-Jean et la région voisine de l’agglomérat­ion de Québec, située à environ 150 km au sud.

Programme de certificat­ion

En 2014, AgroBoréal a mis en place un programme de certificat­ion qui vise la reconnaiss­ance des produits d’origine végétale ou animale ainsi que des produits transformé­s issus d’un savoir-faire et d’une typicité liés aux conditions boréales.

Une trentaine d’entreprise­s et une cinquantai­ne de produits ont obtenu cette certificat­ion à ce jour, notamment la coopérativ­e alimentair­e Nutrinor, Bleuet Nordic (déshydrata­tion de bleuet sauvage), la Ferme Tournevent (producteur de chanvre, sarrasin, avoine et gourgane), Végétolab (grossiste en production de plants fruitiers nordiques), Boréaceuti­que (développem­ent et vente d’ingrédient­s actifs issus de végétaux boréaux) ou encore Champignon Boréal.

Dans les prochaines années, AgroBoréal entend pousser encore plus loin la mise en valeur des produits du terroir boréal de la région. L’organisme souhaite que cette image de marque dépasse largement ses frontières et celles du Québec.

« C’est un secteur encore très méconnu, mais qui présente un excellent potentiel de développem­ent », estime Mme T. Rivard. Elle rêve d’ailleurs de voir le terroir boréal rayonner partout dans le monde, au même titre que la cuisine méditerran­éenne, par exemple.

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Au nord du 48e parallèle, les conditions hivernales offrent une protection naturelle contre certains ravageurs et maladies qui accable ailleurs les cultures. La mouche du bleuet, par exemple, est absente de la région.

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