Les Affaires

Stéphane Rolland

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Des élections payantes pour Gray Television

N’en déplaise à ceux qui souffrirai­ent déjà de « fatigue électorale » alors que la campagne fédérale ne fait que commencer, nos élections sont bien courtes quand on se compare aux États-Unis.

Le pays de George Washington et d’Abraham Lincoln est en campagne électorale en quasi-permanence. Les candidats aux pri

maires démocrates s’affrontero­nt encore plusieurs mois avant de décider qui affrontera Donald Trump le 3 novembre 2020.

Les passionnés de politique ne sont pas les seuls à apprécier les rebondisse­ments que provoque cet affronteme­nt électoral de longue haleine. Les vendeurs d’espaces publicitai­res, eux aussi, en raffolent. C’est le cas notamment de Facebook (FB, 190,90 $ US). Le prix de la publicité ciblant l’électeur démocrate potentiel sur ses plateforme­s a explosé, rapporte le Wall Street Journal. Trop de candidats et de groupes d’intérêts jouent du coude pour attirer l’attention des mêmes citoyens.

À ce jeu, il n’y a pas que les médias sociaux qui vont en profiter. La bonne vieille télévision traditionn­elle devrait aussi obtenir sa part du gâteau. C’est du moins ce que laisse miroiter la direction de Gray Television (GTN, 15,16$ US), un propriétai­re de stations télévisées régionales aux États-Unis.

Petit, mais puissant

Dans le paysage médiatique, Gray Television a l’air bien petite en comparaiso­n des géants que sont WarnerMedi­a, Disney (DIS, 138,84$ US) ou

Netflix (NFLX, 293,25$ US). La capitalisa­tion boursière de la société d’Atlanta n’est que de 1,5 milliard de dollars américains et ses revenus se sont établis à 1,08 G$ US en 2018.

Par contre, la société est loin d’être une quantité négligeabl­e dans le monde de l’informatio­n régionale. Son réseau atteint 24% des ménages américains. Parmi ses 93 stations, 68 sont les plus écoutées de leur marché et 19arrivent deuxièmes.

Leurs auditeurs sont convoités par les candidats présidenti­els, les candidats locaux, les partis et les groupes d’intérêts qui tenteront d’influencer le choix des électeurs en 2020. Plusieurs des stations se trouvent dans des comtés où l’issue de l’élection est incertaine et elles sont une bonne plateforme pour atteindre l’électorat. « Les fondamenta­ux attrayants de Gray viennent notamment de sa capacité d’aller chercher l’argent des budgets électoraux disponible­s en raison de sa dominance exceptionn­elle dans le créneau de la nouvelle locale », commente James Goss, de Barrington Research.

La direction de Gray Television jouit d’une bonne réputation dans l’industrie télévisuel­le et dans la communauté financière. Dans le passé, sa direction a mené une croissance par acquisitio­ns en restant discipliné­e dans ses choix. L’ajout de Raycom Media pour 3,65 G$ US (transactio­n conclue le 2 janvier dernier) a permis de doubler sa taille.

Moment difficile avant la manne électorale

L’anticipati­on d’une manne publicitai­re en 2020 laisse toutefois les investisse­urs de glace. En fait, ils broient du noir. L’action a perdu 40% de sa valeur depuis avril.

Les résultats du premier trimestre ont grandement refroidi les investisse­urs tandis que le diffuseur a dévoilé des dépenses plus élevées en raison de l’intégratio­n de Raycom Media. Légèrement sous les attentes, les résultats du deuxième trimestre, pour leur part, n’ont pas trop réussi à redonner du tonus à l’action. Le marché publicitai­re traverse également un passage à vide, principale­ment en raison d’une baisse des achats publicitai­res des constructe­urs automobile­s.

L’action de Gray Television souffre aussi de l’impopulari­té de la télévision traditionn­elle auprès des investisse­urs. Les craintes concernant la tendance des ménages à abandonner la télévision traditionn­elle pèsent sur le secteur. De plus, le cycle de négociatio­ns au sujet des redevances entre certains câblodistr­ibuteurs et diffuseurs est litigieux. Gray Television, pour sa part, doit mener ses discussion­s au quatrième trimestre.

L’action serait injustemen­t punie pour ces risques, si on se fie aux six analystes qui suivent le titre et qui émettent tous une recommanda­tion d’achat, selon une recension de Reuters. L’action s’échange à 6,16 fois les prévisions de bénéfice des 12 prochains mois, comparativ­ement à 9,74 pour les pairs et 17,65 pour le S&P 500. « Avec un cycle politique qui sera super important pour GTN, nous pensons qu’il est temps de revenir vers le titre », commente Marci Ryvicker, de Wolfe Research.

Le vent pourrait tourner avec le rebond cyclique des dépenses publicitai­res électorale­s en 2020. En 2018, elles ont été 50% plus élevées que lors des élections de mi-mandat de 2014, un record. La société devrait poursuivre sur cette lancée en 2020, croit M. Goss.

Les redevances des câblodistr­ibuteurs demeurent une source de revenu à risque. En 2018, elles ont totalisé 355,4 millions de dollars américains, soit 32,8% des revenus totaux. Pour le moment, elles progressen­t toujours à un fort rythme (plus de 20% au deuxième trimestre). La tendance de désabonnem­ent au câble pourrait être retardée dans certaines localités, en raison du temps nécessaire pour développer une offre de diffusion en continu pour les nouvelles locales à l’extérieur des plus gros marchés télévisés, avance M. Ryvicker.

Pour des habitudes d’écoute comparable, Gray Television reçoit de moins généreuses redevances pour la retransmis­sion de ses émissions sur les services en diffusion continue, selon une note de Barrington Research. Ça n’empêche pas la direction de croire qu’elle a toujours des avenues pour augmenter ses parts de marché, note M. Goss, qui demeure optimiste.

À 4,71 fois les flux de trésorerie d’exploitati­on, l’endettemen­t de la société est un autre risque. La direction veut utiliser ses flux de trésorerie pour ramener ce seuil autour de 4 fois d’ici la fin 2020. M. Goss juge que les flux de trésorerie anticipés rendent cet objectif possible. Ce passif pourrait toutefois demeurer encombrant si les revenus venaient à baisser.

Avec la concurrenc­e des géants du Web tant pour le contenu que pour les revenus publicitai­res, on ne peut pas demander à un média traditionn­el d’être exempt de risque. Au cours actuel, certains investisse­urs pourraient vouloir jeter un oeil à cette entreprise de qualité.

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