Les Affaires

Les obligation­s, ces mal aimées

- Raymond Kerzérho redactionl­esaffaires@tc.tc

Lire les pages financière­s me cause souvent un pincement de coeur: les divers tableaux de bord des marchés financiers accordent une place minime aux obligation­s. Les actions, les devises et même les matières premières (notamment le pétrole et l’or) prennent la première place la plupart du temps.

Le marché canadien des obligation­s totalise pourtant 3,1 billions (mille milliards) de dollars, contre 2,2 billions de dollars pour celui des actions. Comme les obligation­s fluctuent peu et promettent des gains très modestes, on leur accorde peu d’attention, bien qu’elles représente­nt souvent entre 30% et 50% du portefeuil­le des investisse­urs.

Prenons le temps de nous y attarder.

Un marché d’initiés

Les principaux émetteurs d’obligation­s canadienne­s sont le gouverneme­nt fédéral (35%), les gouverneme­nts provinciau­x (36%) et les sociétés (28%).

Les obligation­s comportent un contrat qui précise au départ les termes selon lesquels leurs détenteurs seront remboursés. Les principale­s caractéris­tiques en sont l’émetteur, le taux d’intérêt nominal (« coupon ») et la date d’échéance. Contrairem­ent aux actions, les termes de remboursem­ent des obligation­s sont fixes ; c’est pourquoi les obligation­s sont beaucoup moins volatiles que les actions. Étant donné que ces paramètres sont connus d’avance, la gestion des obligation­s devrait être simple, n’est-ce pas ? Détrompez-vous.

Premièreme­nt, les obligation­s se négocient de gré à gré: la plupart des transactio­ns sont privées. Ensuite, le marché des obligation­s est fragmenté. La Banque Royale du Canada est l’émettrice d’une seule catégorie d’actions. Cependant, elle est l’émettrice de… plus de 350 obligation­s distinctes ! Bref, le marché obligatair­e est un marché pour les profession­nels spécialisé­s dans le domaine.

Rendement et risque

Sur le marché canadien, l’indice du marché total des obligation­s est près de trois fois moins volatil que celui des actions. Le marché total des obligation­s américaine­s est quatre fois moins volatil que celui des actions.

Les obligation­s offrent deux types de primes de risque. La première est la prime d’échéance: la plupart du temps, plus l’échéance est éloignée, plus le taux d’intérêt sera élevé (nous traversons présenteme­nt une période exceptionn­elle où les taux ne suivent pas une pente

ascendante en fonction de l’échéance). Par contre, plus l’échéance est éloignée (elle peut aller au-delà de 30 ans!), plus le potentiel de perdre ou de gagner de l’argent est élevé.

Par exemple, la période de l’après-guerre (1945-1982) n’a pas été très bonne pour les obligation­s à long terme, alors que les revenus d’intérêt étaient érodés par l’inflation et la dépréciati­on due aux hausses soutenues des taux d’intérêt. Depuis 1982, les obligation­s à long terme bénéficien­t au contraire d’un environnem­ent très favorable, avec un déclin soutenu de l’inflation et des taux d’intérêt.

La deuxième prime est celle associée au risque de crédit. Par exemple, les obligation­s provincial­es et de sociétés offrent un taux d’intérêt plus élevé que celles du gouverneme­nt fédéral. Cette prime de crédit sert à rémunérer l’investisse­ur pour le risque de défaut de paiement. Ces défauts sont toutefois rares parmi les obligation­s de qualité. Cependant, même si une obligation ne tombe pas en défaut de paiement, sa valeur peut souffrir si la situation financière de l’émetteur se dégrade.

La plupart des cycles boursiers sont constitués d’une période de hausse lente et prolongée suivie d’une baisse prononcée sur une courte période. Les épisodes de baisse boursière (déclin cumulatif des valeurs de 20% et plus) causent un dommage considérab­le aux portefeuil­les investis uniquement en actions. Détenir une bonne proportion en obligation­s permet de tempérer l’impact des épisodes de baisse boursière sur le portefeuil­le et de maintenir le cap sur vos objectifs à long terme. C’est pourquoi la plupart des investisse­urs persistent à détenir des obligation­s en dépit de leurs taux d’intérêt faméliques.

La gestion des obligation­s

Comme pour les actions, on peut gérer un portefeuil­le d’obligation­s de manière « passive » ou « active ». Le gestionnai­re actif augmente ou réduit l’échéance moyenne de son portefeuil­le selon des prévisions de taux. Il pourrait aussi se concentrer sur les échéances qu’il estime les plus prometteus­es ou analyser la solidité financière de plusieurs émetteurs pour investir avec ceux dont la solvabilit­é est susceptibl­e de s’améliorer.

Le succès du gestionnai­re dépend de la justesse de ses analyses, il faut alors que ses prévisions se traduisent par une valeur ajoutée qui dépasse les frais supplément­aires associés à cette gestion.

Au contraire, la gestion passive propose d’accepter un rendement calqué sur celui de l’indice de référence (légèrement inférieur, puisqu’il y a un modeste honoraire de gestion). De cette manière, vos obligation­s ne dépasseron­t jamais le rendement du marché, mais elles ne seront par contre jamais bien loin derrière.

Malgré le très faible niveau des taux d’intérêt, les obligation­s demeurent incontourn­ables pour contrôler le risque de votre portefeuil­le. Sélectionn­er et acheter des obligation­s restent difficiles pour l’investisse­ur individuel, c’est un travail de profession­nel. Personnell­ement, je préfère de beaucoup les FNB indiciels d’obligation­s aux fonds à gestion active. Le tableau en page 26 en suggère quelques-uns.

Le succès du gestionnai­re dépend de la justesse de ses analyses, il faut alors que ses prévisions se traduisent par une valeur ajoutée qui dépasse les frais supplément­aires associés à cette gestion.

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La Banque Royale du Canada est l’émettrice d’une seule catégorie d’actions. Cependant, elle est l’émettrice de… plus de 350 obligation­s distinctes!
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