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Regain de vigueur du marché immobilier canadien: bonne nouvelle, mais attention à l’endettemen­t

- Mathieu D’Anjou redactionl­esaffaires@tc.tc Mathieu D’Anjou, CFA, est économiste en chef adjoint aux Études économique­s du Mouvement Desjardins.

Dans ma chronique du 7 septembre, j’avançais que la bonne situation des ménages, combinée à l’importante baisse des taux d’intérêt, limitait les risques de récession en Amérique du Nord. Les dernières statistiqu­es sur le marché immobilier canadien confirment un fort rebond de l’activité qui aidera notre économie à traverser la période d’incertitud­e actuelle. Cependant, on peut se poser de sérieuses questions sur les conséquenc­es à moyen et à long terme du maintien de taux d’intérêt très bas qui stimulent l’endettemen­t.

L’augmentati­on des taux d’intérêt et la mise en place de plusieurs mesures restrictiv­es par les gouverneme­nts ont entraîné un ralentisse­ment important du marché de l’habitation canadien depuis le printemps 2017. Le marché de la revente a été particuliè­rement touché alors que le nombre désaisonna­lisé de transactio­ns, qui avait atteint des sommets de plus de 45000 unités par mois en 2016 et au début de 2017, a chuté pour s’approcher des 35000unité­s au début de 2018. Le ralentisse­ment de l’activité immobilièr­e a été particuliè­rement marqué du côté de Toronto et de Vancouver, entraînant une baisse de la valeur moyenne des transactio­ns au pays.

Les dernières statistiqu­es confirment toutefois un regain d’activité sur le marché de la revente. Un sixième mois consécutif de progressio­n a ainsi ramené le nombre de transactio­ns à plus de 42000 unités en août dernier. Il faut noter le retour en force de Toronto et de Vancouver, où les transactio­ns ont bondi respective­ment de plus de 35% et de 50% par rapport aux creux observés précédemme­nt. On constate toutefois aussi une accélérati­on de l’activité dans des villes relativeme­nt épargnées par le ralentisse­ment des dernières années, dont Ottawa et Halifax, ainsi que pour l’ensemble du Québec. Le renverseme­nt complet de tendance du côté des taux d’intérêt n’est certaineme­nt pas étranger au regain de vigueur du marché immobilier canadien. Après avoir bondi d’environ 2% entre la mi-2016 et l’automne 2018, le taux des obligation­s fédérales canadienne­s de 5 ans a chuté de plus de 1% au cours des derniers trimestres, ce qui a permis aux institutio­ns financière­s de recommence­r à offrir des hypothèque­s à taux très avantageux.

L’endettemen­t risque aussi de repartir à la hausse

Le retour en force du secteur immobilier est une bonne nouvelle à court terme pour l’économie canadienne. Le revers de la médaille est que ce regain d’activité risque encore une fois de s’appuyer sur une progressio­n de l’endettemen­t des ménages canadiens. Déjà, on note une augmentati­on au deuxième trimestre de 2019, qui a porté le ratio d’endettemen­t des ménages à un nouveau sommet historique. Le service de la dette a aussi atteint un niveau record alors que près de 15% du revenu disponible des ménages canadiens est utilisé pour payer les intérêts et rembourser le capital sur leurs emprunts. À court terme, les taux d’intérêt très faibles et le marché du travail favorable ne laissent pas entrevoir de problèmes majeurs liés à la question de l’endettemen­t des ménages. Une nouvelle poussée du crédit hypothécai­re augmentera­it toutefois la vulnérabil­ité de l’économie canadienne à un choc économique négatif ou à une éventuelle augmentati­on des taux d’intérêt. Dans ce contexte, on peut penser que la Banque du Canada voudra éviter de mettre de l’huile sur le feu en abaissant ses taux d’intérêt directeurs.

Ce regain d’activité risque encore une fois de s’appuyer sur une progressio­n de l’endettemen­t des ménages canadiens.

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