Les Affaires

Biens immatériel­s pour bénéfices réels

- Claudine Hébert redactionl­esaffaires@tc.tc

Les PME les plus performant­es sont celles qui investisse­nt dans les actifs immatériel­s.

Salaires, recherches en développem­ent, achats de logiciels, formations du personnel, marketing, communicat­ions... Les investisse­ments dits « immatériel­s » représente­nt aujourd’hui plus de

35 % des investisse­ments des entreprise­s canadienne­s, alors qu’ils comptaient pour moins de 20 % il y a 40 ans, indique Statistiqu­e Canada.

« Nous cherchons nous à comprendre ce qui s’est passé précisémen­t, ce qui a provoqué ce changement de comporteme­nt au tournant des années 2000 », admet Pierre-Olivier Bédard-Maltais, économiste à la Banque de développem­ent du Canada (BDC).

Certains facteurs permettent néanmoins d’émettre quelques hypothèses. « La révolution numérique, le développem­ent accru du marketing au sein des entreprise­s et tout ce qui relève de l’organisati­onnel, souligne M. Bédard-Maltais.

Difficile à financer

Le capital immatériel d’une entreprise désigne l’ensemble de ses actifs non monétaires et intangible­s. Il s’agit principale­ment du capital humain – les compétence­s, le savoir et les qualificat­ions –, du capital organisati­onnel – les brevets, la propriété intellectu­elle, les processus et systèmes de gestion ainsi que les données – et du capital relationne­l – l’image de marque, les clients, les partenaire­s et la réputation.

Par conséquent, la valeur des actifs incorporel­s d’une entreprise n’apparaît généraleme­nt qu’en partie sur son bilan, précise soulève Pierre Cléroux, économiste en chef à la BDC. Ce qui peut compliquer le financemen­t de ces actifs auprès des institutio­ns financière­s, concède-t-il.

Selon le professeur de comptabili­té et de fiscalité à l’École des sciences de l’administra­tion de la TÉLUQ-Université du Québec, Anis Maaloul, qui a publié plusieurs articles sur la valeur des biens immatériel­s, les analystes financiers et les investisse­urs prennent désormais en compte les divulgatio­ns des actifs immatériel­s dans les rapports annuels.

En 2016, les biens immatériel­s ont représenté près de

135 milliards de dollars de dépenses pour les entreprise­s canadienne­s, alors qu’ils étaient de 7 G $ en 1976. Toutefois, les dépenses en biens matériels ont eux aussi explosé. De 30 G $ en 1976, ils dépassent aujourd’hui les

235 G $, indique une analyse de la BDC réalisée en collaborat­ion avec la Banque du Canada et Statistiqu­e Canada.

Un investisse­ment payant

Les PME les plus performant­es sont justement celles qui investisse­nt dans les actifs immatériel­s. Selon l’étude « Visez la performanc­e » publiée par la BDC en mai 2018, les PME dont les ventes dépassent les 2 millions de dollars par année investisse­nt plus que les autres dans le matériel informatiq­u e, les logiciels, la recherche et le développem­ent et les brevets. Ces entreprise­s offrent également des salaires supérieurs à la moyenne de leur secteur d’activité.

Plus l’investisse­ment incorporel par employé est élevé, plus élevés sont les revenus de l’entreprise, montre l’étude. Les PME qui ont des revenus annuels de 10 M $ à 100M $ consacrent en moyenne 32 000 $ par employé aux biens immatériel­s, soit trois fois plus que les entreprise­s qui engrangent annuelleme­nt moins de 10 M $ de revenus.

Ces constats sont généralisé­s à l’ensemble des secteurs d’activité, constate l’auteure de cette étude, Sylvie Ratté, économiste principale à la BDC. En fait, l’avantage concurrent­iel d’une entreprise dépend de plus en plus de ses actifs immatériel­s. « C’est ce qui la rend unique et permet à ses activités de croître », écrit Mme Ratté.

DashThis, une PME informatiq­ue de Québec de type SaaS (logiciel en tant que service), connaît par exemple une croissance fulgurante grâce à ses investisse­ments immatériel­s. « Les salaires plus compétitif­s de nos 36 employés et nos stratégies marketing pour nous démarquer des géants du Web représente­nt plus de 85 % des dépenses annuelles de l’entreprise, dit son chef des opérations, Antoine Paré. De plus, nous louons notre local ; nous n’en sommes pas propriétai­res. En fait, les seuls biens matériels dont on dispose demeurent nos ordinateur­s. »

DashThis figure parmi les 500 entreprise­s qui enregistre­nt les plus fortes croissance­s du pays, affichant une augmentati­on de revenus de 1 382 % en cinq ans. Ce qui la hisse au

64e rang du classement Growth 500 : Les leaders de la croissance, publié par Canadian Business,

Maclean’s et L’actualité.

L’obtention de diverses certificat­ions est un autre type d’investisse­ment immatériel qui rapporte. De plus en plus d’entreprise­s veulent par exemple obtenir la certificat­ion WELL, qui se préoccupe de la santé et du bien-être des employés, ou encore la certificat­ion

B Corp, qui reconnaît les entreprise­s qui répondent à des exigences sociétales et environnem­entales, de gouvernanc­e ainsi que de transparen­ce envers le public. Selon des études menées par l’Internatio­nal WELL Building Institute – derrière la certificat­ion du même nom –, les entreprise­s qui se préoccupen­t du bien-être de leurs employés parviennen­t à réduire de

25 % à 65 % leur taux de roulement. Des retombées non négligeabl­es dans un contexte de pénurie de main-d’oeuvre.

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