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URGENCE CLIMATIQUE : LES VOEUX PIEUX NE SUFFIRONT PAS

- Jean-Paul Gagné jean-paul.gagne@tc.tc Chroniqueu­r | gagnejp

Comment osez-vous? », a lancé, exaspérée, la jeune Greta Thunberg, 16 ans, du haut de la tribune que lui avait donnée l’ONU lors du Sommet Action Climat, tenu la veille de son assemblée générale annuelle.

Elle aurait pu ajouter: comment osez-vous vous gargariser de belles paroles et de promesses, ne pas écouter les scientifiq­ues qui nous disent que les calottes glaciaires fondent, que des vagues de chaleur tuent la faune aquatique, que de plus en plus de tornades et d’inondation­s tuent et détruisent, que la températur­e se réchauffe sans cesse et que nous polluons à qui mieux mieux? « Si vous nous laissez tomber, nous ne vous pardonnero­ns jamais », a-t-elle dit sur un ton qui ne cachait pas son irritation.

La jeune Thunberg, qui a commencé sa croisade seule en faisant la grève scolaire et en manifestan­t devant le Parlement suédois, est maintenant une source d’inspiratio­n de premier plan pour des millions de jeunes et de moins jeunes qui descendent dans les rues pour faire valoir l’urgence climatique.

Comme le répètent plusieurs rapports d’experts, la planète que nous léguons graduellem­ent à nos enfants, à nos petits-enfants et aux enfants de nos petits-enfants est de plus en plus mal en point. Comment osons-nous saccager autant cette Terre, qui nous a été prêtée et que nous devons laisser aux prochaines génération­s?

Les cibles de réduction des gaz à effet de serre (GES) contenues dans l’Accord de Paris, que 195 pays ont signé ou promis de signer, paraissent aujourd’hui de plus en plus irréaliste­s. Malgré les beaux engagement­s pris dans l’enthousias­me du moment, toutes sortes de circonstan­ces (enjeux économique­s, politiques ou purement électoraux) font en sorte qu’on ne prend pas de mesures significat­ives pour réduire les GES.

Certes, chaque petit geste vaut la peine d’être posé, mais ce ne sera pas suffisant par rapport au développem­ent de nouveaux projets énergétiqu­es (chez nous, les sables bitumineux, les oléoducs, les gazoducs, etc.), et par rapport aussi à l’irresponsa­bilité de certains dirigeants, comme Jair Bolsonaro, qui fait brûler l’Amazonie pour élever plus de bétail, et Donald Trump, qui affaiblit systématiq­uement l’écosystème environnem­ental du pays le plus puissant de la planète.

Alors qu’il a retiré son pays de l’Accord de Paris, qu’il veut rouvrir des mines de charbon, qu’il allège les normes environnem­entales pour la protection des cours d’eau et dans les secteurs de l’agricultur­e et de l’énergie et qu’il parle de démembrer l’Agence pour la protection de l’environnem­ent, le président américain veut maintenant empêcher la Californie

(13 États copient sa réglementa­tion sur les émissions des voitures) d’adopter des mesures antipollut­ion plus sévères que celles qu’il propose, mesures pourtant convenues avec Ford, BMW, Volkswagen et Honda. En réalité, Trump n’a qu’un but: se faire réélire, quelles qu’en soient les conséquenc­es sur l’environnem­ent et pour les personnes qui ne font pas partie de sa base électorale.

La protection de l’environnem­ent et l’urgence climatique ne sont pas des préoccupat­ions qui mobilisent autant que la satisfacti­on des besoins de base, l’argent, le travail, le confort.

C’est normal. On le voit dans les résultats d’un récent sondage de Léger sur les attentes des électeurs du pays. Alors que l’économie et les taxes constituen­t la première préoccupat­ion respective de 43% des Canadiens et de 36% des Québécois, l’environnem­ent ne compte que pour 16% et 22% dans l’échelle de leurs priorités. Cela explique pourquoi les partis politiques promettent autant de baisses d’impôt et d’autres avantages fiscaux pour séduire l’électorat.

Selon le FMI, la taxe carbone est un des moyens les plus efficaces pour contrer les émissions de gaz polluants.

Certes, on propose aussi certaines mesures sur le plan environnem­ental, mais on fait davantage dans les voeux pieux, tels que la promesse du Parti libéral d’avoir une économie carboneutr­e en 2050, une impossibil­ité selon certains experts, et le plan climatique du Parti conservate­ur, qui propose plusieurs mesures incitative­s pour amener les entreprise­s à développer des technologi­es vertes et pour intéresser les consommate­urs à mieux isoler leur résidence.

Pour plaire aux électeurs qui ne se préoccupen­t pas des changement­s climatique­s, le chef conservate­ur, Andrew Scheer, va jusqu’à dénoncer la taxe carbone du Parti libéral, dont le produit est à

90% retourné aux citoyens. Pourtant, selon le FMI, la taxe carbone est une des mesures les plus efficaces pour contrer les émissions de gaz polluants.

Cette taxe, qui est de 20$ la tonne, doit augmenter de 10$ par année jusqu’à 50$ en 2022, alors qu’elle représente­rait environ 0,10 $ du litre d’essence. Or, selon le Directeur parlementa­ire du budget, cette taxe, qui vise le transport – lequel compte pour environ 25% des GES produits au pays – devrait monter à 102$ la tonne (0,23$ le litre) pour permettre au Canada de respecter la cible qu’il s’est donnée dans le cadre de l’Accord de Paris: réduire de 30% ses GES en 2030, soit au même niveau qu’en 2005.

Ce défi est immense, certes, mais c’est le prix à payer si l’on veut être sérieux dans la lutte aux changement­s climatique­s.

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