Les Affaires

L’ENCAISSE, CE « GROS PROBLÈME »

- Philippe Le Blanc redactionl­esaffaires@tc.tc

Aux dernières nouvelles, Berkshire Hathaway disposait d’une encaisse record de 122,4 G$ (il s’agit bien de milliards!). Cela représente une hausse de 10,5 G$ depuis le début de l’exercice 2019. Cette situation n’est pas nouvelle : l’encaisse de la société atteignait déjà la jolie somme de 86,4 G$ à la fin de 2016. Si les conditions restent inchangées, cette encaisse continuera d’augmenter, car la société dégage près de 5,0 G$ de flux de trésorerie libres par trimestre.

L’encaisse dont disposait Berkshire Hathaway au 30 juin dernier représente près du quart de la capitalisa­tion boursière de la société. À mon avis, elle explique en partie le fait que le titre de Berkshire Hathaway n’a pas mieux performé que l’indice S&P 500 au cours des cinq dernières années.

De nombreux observateu­rs sont déçus par le niveau d’encaisse élevé de Berkshire Hathaway. Comment Warren Buffett, l’oracle d’Omaha et possibleme­nt le plus grand investisse­ur des temps modernes, peut-il rester assis sur une telle montagne d’encaisse alors que les marchés boursiers continuent de s’apprécier? La question lui a d’ailleurs été posée lors de l’assemblée des actionnair­es de la société en mai dernier: « Pourquoi ne pas avoir investi cette encaisse dans un fonds indiciel du S&P 500? »

Buffett a répondu que Charlie Munger et lui « aiment avoir beaucoup de liquidités disponible­s pour pouvoir agir rapidement. Les occasions sont peu fréquentes et nous espérons qu’elles se présentero­nt éventuelle­ment ». Quant à Munger, il a dit : « Ce n’est pas un péché d’avoir beaucoup d’encaisse. »

Dans un environnem­ent où les taux d’intérêt sont presque nuls et où les marchés boursiers continuent de bien performer, la tentation est forte d’investir, même si les rendements offerts ne sont guère attrayants. On constate d’ailleurs que de nombreuses entreprise­s ont augmenté leur endettemen­t au cours des dernières années. Les rares sociétés qui disposent d’un fort niveau d’encaisse font souvent l’objet de fortes pressions pour l’investir ou la verser à leurs actionnair­es sous forme de dividendes ou de rachats d’actions. Ce n’est peut-être pas un péché de disposer de beaucoup d’encaisse, mais c’est généraleme­nt mal vu.

De notre côté, nous avons toujours privilégié les titres de sociétés qui disposent d’une généreuse encaisse.

À mon avis, un dirigeant d’entreprise doit posséder au moins trois qualités pour bien réussir : il doit à la fois être prudent et alerte. Il ne doit pas hésiter à investir lorsque de véritables occasions se présentent. Il doit rester indépendan­t d’esprit, c’est-à-dire prêt à agir différemme­nt des autres lorsque cela lui semble la chose à faire. Il me semble que c’est précisémen­t ce que font Buffett et Munger en accumulant l’encaisse dans les coffres de Berkshire Hathaway.

Ces trois qualités se transposen­t très bien à l’investisse­ur. Même si la pression est forte de minimiser son encaisse, un bon investisse­ur demeure prudent et investit celle-ci seulement lorsqu’il décèle de véritables occasions. Il ne se laisse pas influencer par la hausse des marchés boursiers et reste patient, dans l’attente d’occasions.

Le but ultime de l’investisse­ur est d’obtenir de bons rendements sans prendre trop de risque. C’est le même objectif que devraient avoir le propriétai­re et le dirigeant d’une entreprise. Il est vrai que l’investisse­ur cherche à battre les marchés dans leur ensemble, mais sur une longue période, pas nécessaire­ment chaque trimestre et chaque année.

J’estime que disposer d’encaisse en portefeuil­le est une bonne chose à faire en attendant de dénicher des occasions d’investisse­ment intéressan­tes. Il est d’ailleurs important de souligner qu’une correction des marchés boursiers n’est pas nécessaire­ment requise pour que des occasions se présentent; elles peuvent survenir à tout moment dans certains secteurs ou des titres spécifique­s.

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Warren Buffett (à gauche sur la photo) a dit que Charlie Munger et lui « aiment avoir beaucoup de liquidités disponible­s pour pouvoir agir rapidement ».
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Philippe Le Blanc est gestionnai­re de portefeuil­le chez COTE 100 et éditeur de la Lettre financière COTE 100.

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