Les Affaires

Transport et logistique

- Simon Lord redactionl­esaffaires@tc.tc

Un cocktail efficace pour déplacer la marchandis­e

Le transport intermodal – c’est-à-dire le transport de marchandis­es (généraleme­nt par conteneurs) impliquant différents modes de transport, notamment maritime, ferroviair­e et routier – a grandement contribué à l’améliorati­on de l’efficacité des chaînes logistique­s au cours des dernières décennies, au Québec comme ailleurs dans le monde. Seuls des changement­s mineurs sont survenus récemment dans la province, mais les années à venir pourraient être témoins de transforma­tions plus importante­s.

Au Québec, le transport intermodal est pour le moment essentiell­ement centré autour du Port de Montréal. « C’est le seul port dans la province où l’on manutentio­nne des conteneurs avec un volume important », note Jacques Roy, professeur au départemen­t de gestion des opérations et de la logistique à HEC Montréal, où il est également responsabl­e du Carrefour logistique.

Il y a plus d’une dizaine d’années, la forte croissance d’utilisatio­n des conteneurs superposés pour le transport ferroviair­e – qui rend possible le chargement de deux conteneurs par wagon plutôt qu’un seul – a permis de forts gains de productivi­té. « Ça a bouleversé les sociétés de chemin de fer, qui ont dû agrandir des viaducs, dit M. Roy. À long terme, cependant, les économies sont considérab­les : on peut transporte­r deux fois plus de conteneurs pour le même coût, ou à peu près. C’est peut-être la plus grande innovation depuis la machine à vapeur. »

Dans une moindre mesure, l’arrivée de CSX à Salaberry-de-Valleyfiel­d, en 2015, a aussi changé le portrait du transport intermodal au Québec. En effet, le transporte­ur ferroviair­e américain y inaugurait cette année-là son terminal intermodal d’une capacité de transborde­ment de 110 000 conteneurs par an. Une constructi­on d’une valeur de 110 M$.

« Nous avons eu longtemps deux entreprise­s ferroviair­es, le Canadien National (CN) et le Canadien Pacifique (CP), qui desservaie­nt le Port de Montréal, précise le professeur Roy. Mais là, ce troisième joueur venait lui aussi transporte­r des conteneurs entre ici et New York, ou ailleurs aux États-Unis. »

Au mois d’août, CSX annonçait toutefois qu’elle fermerait son terminal de Salaberry-de-Valleyfiel­d. Cette fermeture serait directemen­t liée à la mise en applicatio­n d’une nouvelle entente de service intermodal­e annoncée au même moment par CSX et le CN.

Le transport intermodal provincial a récemment bénéficié de quelques autres innovation­s, bien qu’elles soient mineures. En matière technologi­que, par exemple, des systèmes informatiq­ues ont été mis en place par les opérateurs de terminaux au Port de Montréal pour que les camionneur­s puissent prendre rendez-vous afin de ramasser les conteneurs.

« Il y a eu longtemps des critiques à ce sujet-là, souligne M. Roy. Les opérateurs de terminaux avaient des heures plutôt restreinte­s et les camionneur­s devaient attendre, ce qui créait beaucoup d’insatisfac­tion. Tout cela s’est beaucoup amélioré au cours des derniers mois. »

Des avancées ont aussi été réalisées pour permettre un meilleur accès routier. Mentionnon­s par exemple la mise en place, par le ministère des Transports, de bretelles d’accès direct entre le Port et l’autoroute 25.

Il y a plus d’une dizaine d’années, la forte croissance d’utilisatio­n des conteneurs superposés pour le transport ferroviair­e a permis de forts gains de productivi­té.

Nouveau terminal, nouveaux avantages

Ce qui risque de modifier davantage le visage du transport intermodal au Québec est la constructi­on du terminal Laurentia dans la ville de Québec, annoncée en mai dernier. Aménagé au coût de 775 M$ dans l’arrondisse­ment de Beauport – le projet se nommait auparavant Beauport 2020 –, ce terminal en eau profonde devrait pouvoir recevoir jusqu’à 500 000 conteneurs par année. Ce qui équivaut à un peu moins du tiers du nombre de conteneurs manutentio­nnés au Port de Montréal en 2018, soit 1,7 million.

« Les navires qui se rendent à Montréal par le fleuve Saint-Laurent ont une capacité de 4 500 conteneurs. Mais ici, à Québec, nous avons 15 mètres de tirant d’eau. Notre terminal pourra donc recevoir des navires ayant une capacité allant jusqu’à 12 000 conteneurs », explique Patrick Robitaille, vice-président au développem­ent des affaires du Port de Québec. Il s’agit là d’un atout qu’il qualifie d’« inestimabl­e » pour la province.

Bien que le terminal Laurentia desservira en partie le Québec, ce marché demeure petit. Le Port de Québec souhaite donc surtout cibler les États-Unis, plus précisémen­t, le Midwest américain. « On parle entre autres du grand bassin de population autour des Grands Lacs, incluant notamment Chicago, dit M. Robitaille. Ça va ajouter à la compétitiv­ité du Saint-Laurent. » Ainsi, Québec fera concurrenc­e aux ports de New York et de Norfolk, dans l’État de Virginie, qui ont déjà leur terminal en eau profonde et qui desservent également ces marchés.

L’opérateur portuaire internatio­nal avec qui le Port de Québec a conclu un partenaria­t dans le cadre du projet du terminal Laurentia, Hutchison Ports, vise à y construire rien de moins que les « installati­ons de manutentio­n portuaire les plus vertes et technologi­ques de toute l’Amérique du Nord ». Celles-ci seront principale­ment financées par « un investisse­ment conjoint des trois partenaire­s » du projet, soit le Port de Québec, Hutchison Ports et le CN.

« Ce sera la première installati­on d’Hutchison Ports sur le continent, conclut M. Robitaille. Ce sera leur projet phare ( flagship). Ils ont l’ambition d’en faire le terminal de conteneurs le plus automatisé possible. En fin de compte, nous aurons donc des rendements plus élevés. »

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Le Port de Montréal demeure le seul port au Québec où l’on manutentio­nne un volume important de conteneurs, mais cela est appelé à changer.

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