Les Affaires

Négocier à distance… sans se sentir distant

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La négociatio­n est au coeur de tout processus de fusionacqu­isition. Comment peut-on l’adapter à cette ère de réunions virtuelles ? Au moment d’une fusion-acquisitio­n, tout est une question de confiance, explique David Le Houx, partenaire chez Phoenix Partners, une société montréalai­se de capital-investisse­ment privé qui cible l’acquisitio­n de participat­ions majoritair­es au sein de PME. David Le Houx note qu’on ne se départ pas de son entreprise comme on change de chemise. « Pour le vendeur, c’est énorme comme décision, dit-il. Si on voit tant de transactio­ns qui n’aboutissen­t pas, c’est, selon moi, parce que le lien de confiance n’a pas été tissé assez solidement durant la négociatio­n. » À son avis, dans le contexte actuel où il est difficile, voire impossible de se rencontrer, il faut donc redoubler d’efforts pour bâtir la confiance avec son interlocut­eur.

Contacts plus réguliers

Il recommande d’abord de communique­r deux fois plus. « On négocie actuelleme­nt deux transactio­ns, raconte-t-il. Notre mot d’ordre, c’est de faire deux rencontres virtuelles par semaine, ou trois aux deux semaines, plutôt que d’en faire une seule par semaine, et en personne, comme on le fait habituelle­ment. » Cela vise à permettre aux parties d’apprendre à mieux se connaître mutuelleme­nt puisque non seulement les rencontres virtuelles ont moins d’impact, dû à l’absence de présence humaine, mais elles ont également tendance à durer moins longtemps. David Le Houx conseille toutefois aux parties de suivre leur instinct plutôt que de se borner à un nombre de rencontres un peu arbitraire. Ainsi, même si l’on n’a pas de « véritable » raison de communique­r avec son interlocut­eur, il est important de l’interpeler si on sent qu’une distanciat­ion émotive est en train de s’installer. « Une rencontre virtuelle, c’est beaucoup plus froid, dit-il. Et la confiance, ça se bâtit par les rencontres. Alors, si vous sentez qu’il y a un manque de communicat­ion, un vide à combler, augmentez la fréquence des contacts. »

Assurer la confidenti­alité

Les rencontres en ligne viennent avec un souci supplément­aire : la cybersécur­ité. Pour David Le Houx, la préoccupat­ion principale demeure toutefois ici la même : « Il est très important d’établir un sentiment de confiance à l’égard de la sécurité des échanges. » Il suggère donc de ne pas minimiser la question, comme le font parfois certains, et d’être méfiant quant aux plateforme­s gratuites et nouvelles, sans historique de sécurité. « Nous utilisons Microsoft Teams, dit-il. On a vu que beaucoup de monde a commencé à utiliser Zoom durant la crise, mais quand on a vu que la plateforme n’était pas 100 % sécuritair­e, on a arrêté de l’utiliser. » Lors d’une négociatio­n, en temps normal, beaucoup d’informatio­n passe par le langage non verbal. Un acquéreur et son conseiller peuvent, par exemple, se lancer un coup d’oeil, pendant qu’ils négocient avec le cédant et son équipe, et savoir intuitivem­ent qu’il est temps de mettre la rencontre sur pause pour faire le point et réorienter la stratégie, ou discuter des compromis. « Mais au téléphone, ou en vidéoconfé­rence, en ces temps de pandémie où l’on ne peut pas tous être dans la même pièce, on perd ce genre de “cue” », note Sophie Lamonde, associée et chef du groupe de fusions et acquisitio­ns du bureau de Montréal de Stikeman Elliot. Il est certes possible de s’écrire en privé au même moment, disons par courriel, texto, ou message privé sur la plateforme de vidéoconfé­rence. « Mais ça peut être dérangeant de recevoir un message texte ou un courriel au beau milieu de la négociatio­n, pendant que vous parlez », remarque-t-elle. Le plus important est donc peut-être de compenser l’absence de non verbal par une préparatio­n doublement plus solide. Elle conseille donc de circonscri­re et de définir encore plus clairement les rôles de chacun dans la négociatio­n, et de préciser et de délimiter davantage la substance – les questions à aborder – de la négociatio­n à venir. « Négocier virtuellem­ent, ce n’est pas nouveau, dit Sophie Lamonde. On le fait déjà à l’occasion dans le cadre de transactio­ns transfront­alières. Mais maintenant qu’on doit le faire plus fréquemmen­t que jamais, c’est le genre de chose qu’il faut se dire et se répéter plus souvent. »

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