Les Affaires

L’été de tous les dangers

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Lorsque nous sommes dépassés par une réalité trop douloureus­e, il peut être difficile de trouver le temps pour la réflexion. Les crises introduise­nt toutefois le temps pour la motivation et l’énergie mentale afin de réfléchir à des questions à plus long terme.

C’est le premier weekend du grand déconfinem­ent. Avec des amies, nous nous sommes réunies pour célébrer le passage dans la cinquantai­ne. Une nouvelle ère qui s’ouvre vers une vie qui se réinvente. Je leur raconte l’histoire de Johanne, l’esthéticie­nne qui a troqué la cire chaude pour opérer des fours en fusion dans une usine d’aluminium. Je leur parle aussi de Robert, qui a échangé son costume de financier et ses écrans Bloomberg pour se lancer comme « coach de vie », et encore de Josée, qui a refusé la promotion qui lui était offerte comme directrice de l’exploitati­on pour un quatre jours semaine comme gestionnai­re « intermédia­ire ». Des exemples, j’en ai à revendre. Des changement­s de carrière, des virages radicaux. Des histoires de courage et de prise de risques. Une des amies présentes me rappelle son propre virage à 180 degrés lorsqu’elle a piloté son tournant de carrière et de vie il y a quelques années. Je lui avais d’ailleurs dédié une de mes chroniques du magazine Les Affaires Plus dans les années 2000. Consultant­e SAP pour une grande entreprise internatio­nale, elle a tout lâché (gros salaire, sécurité d’emploi, etc.) pour se lancer comme photograph­e. Elle me rappelle aussi cet autre publicitai­re qui s’est reconverti en ostéopathe et ce magnat de la finance transformé en « maître yogi ». L’autre amie, directrice des RH, vient de se reconverti­r dans le bien-être et la gestion de la santé des employés, lassée de gérer des projets et des « activités à haut rendement ». La pandémie l’a fait réfléchir sur le sens de son travail. Elle a viré radicaleme­nt. Fini les tableurs Excel et le Power BI (analyse de données). Elle anime désormais des ateliers et des programmes de bonheur et de bien-être au travail. Pendant ce temps, le Québec s’enorgueill­it de Manon Brouillett­e, qui prend la direction (bien méritée) d’une importante division de Verizon et qui rejoint le club des « selects » qui prennent les rênes de grandes entreprise­s américaine­s. On célèbre la nomination de l’une des nôtres en territoire ami, mais concurrent. On oublie aussi l’histoire d’une transition, d’une réflexion de carrière et de choix difficiles. J’ai assisté à tant de transition­s qui ont fait suite à des intentions divergente­s de la solution : « Plus jamais un rôle exécutif » ; « Je veux prendre du temps pour moi et les miens. » Puis, soudaineme­nt, je les retrouve à la tête d’une entreprise. Le point commun de tous ces changement­s ? Une crise majeure, qu’elle ait été personnell­e ou internatio­nale, financière, économique, sociale ou encore sanitaire. Chaque crise est un catalyseur qui force et stimule le changement. Même pour moi, me rappellent mes deux amies. Le 25 juillet 1995, à Paris, un attentat meurtrier au métro Saint-Michel faisait huit morts. Le 10 juillet 1996, j’arrivais à Montréal en laissant derrière moi un emploi de choix, ma famille et mes amis pour recommence­r ma vie. Les choix de carrière et les départs à la retraite prématurés n’ont jamais été aussi d’actualité. La dernière année a amené les individus à se questionne­r sur leur vie profession­nelle. Une récente publicatio­n du Harvard Business Review montrait qu’en période d’incertitud­e, nous avons tendance à nous protéger et à nous accrocher au « statu quo ». Une sorte de myopie s’installe et nous nous concentron­s sur nos décisions les plus urgentes : comment assurer la sécurité et la santé de nos familles, comment garder nos patrons heureux ou, si nous avons perdu un emploi, comment en trouver un nouveau aussi rapidement que possible ? Lorsque nous sommes dépassés par une réalité trop douloureus­e, il peut être difficile de trouver le temps pour la réflexion. Les crises introduise­nt toutefois le temps pour la motivation et l’énergie mentale afin de réfléchir à des questions à plus long terme. Depuis les 18 derniers mois, j’entends régulièrem­ent : « J’ai beaucoup réfléchi depuis les derniers mois, j’ai fait mes calculs et… ». Toutes ces histoires de courage et de prises de risques me ramènent finalement à l’essentiel. Je termine la discussion avec les deux amies sur ceci : « Les êtres humains sont programmés pour éviter l’incertitud­e. Peu importe leurs efforts, il n’y a cependant pas moyen d’y échapper. » Considérer l’incertitud­e et les crises comme des occasions de croissance, qu’il s’agisse d’explorer de nouvelles compétence­s, un nouvel emploi ou une toute nouvelle carrière. Il n’y a pas de réponse facile, mais retenez que « le meilleur est à venir » et que tout est une question de choix, chacun d’entre eux étant un renoncemen­t. De quoi méditer cet été et vous retrouver à la rentrée !

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