Les Affaires

Avant de faire le plongeon

- –Philippe Jean Poirier

Àbien des égards, un plan de gouvernanc­e des données est une invitation au dialogue. Une entreprise qui veut exploiter la mine d’or numérique à sa dispositio­n doit en effet engager avec ses employés une conversati­on franche sur le sens des informatio­ns qu’elle possède et sur la manière de les utiliser. C’est ce qu’a fait l’entreprene­ur général en constructi­on EBC, qui a commencé, en janvier dernier, à intégrer les données de ses différente­s plateforme­s dans un même « entrepôt de données » hébergé dans le nuage. « Nous voulons tirer profit des nouveaux logiciels d’intelligen­ce d’affaires, comme Power BI de Microsoft pour prendre de meilleures décisions d’affaires », explique Philippe De Guise, directeur des technologi­es de l’informatio­n (TI) de la firme montréalai­se. Ce faisant, l’équipe TI s’est penchée sur la qualité des données provenant des divers logiciels utilisés par l’entreprise. « Nous nous sommes rendu compte que des camionneur­s utilisaien­t leur applicatio­n de navigation pour générer des estimation­s de prix plutôt que simplement entrer les kilométrag­es réels de leur course — ce pour quoi l’applicatio­n était conçue au départ —, raconte le directeur TI. Nous nous sommes ainsi retrouvés avec plusieurs courses fantômes venant biaiser les données sur le kilométrag­e de nos camions. » Cette incongruit­é a pu être détectée parce que EBC a amorcé une réflexion sur sa gouvernanc­e des données dès le début de son projet. D’ailleurs, la première étape de ce processus est de s’entendre sur un glossaire commun. « Un même terme peut vouloir dire une chose différente d’un départemen­t à l’autre, fait remarquer Adlene Sifi, directeur des services-conseils de la firme Momentum technologi­es. En marketing, le terme “client” englobe parfois la notion de client potentiel, alors que, en comptabili­té, un client est une personne qui a conclu une transactio­n. » La « première corvée » d’une saine gouvernanc­e des données consiste donc à nettoyer et à classifier l’ensemble des données de l’entreprise — une classifica­tion que l’on prendra soin de documenter par des guides et des politiques destinés aux utilisateu­rs desdites données.

Gérer les accès

La sélection des personnes qui seront responsabl­es de garantir la qualité, l’intégralit­é et la sécurité des données de l’entreprise est une autre étape cruciale. Par la suite, ces personnes devront déterminer à quelles données chacun des employés aura accès. Voilà ce qu’a fait le Groupe Forget en mars 2020, quand il a amorcé un projet de transforma­tion numérique visant à numériser les dossiers de ses patients, jusqu’alors conservés en version papier. Compte tenu de la nature confidenti­elle des renseignem­ents que le réseau d’audioproth­ésistes récolte, il va sans dire que la question de l’accès aux données a été prise très au sérieux. « Un audit de sécurité informatiq­ue a été effectué avec une firme indépendan­te, puis nous avons configuré les accès aux données en fonction du rôle de chaque membre dans notre organisati­on », relate Martin Ouellet, directeur TI du Groupe. Les profession­nels de la santé n’ont eu accès qu’aux dossiers de leurs propres patients. Des accès sécurisés ont été accordés au personnel administra­tif, en mode « écriture » ou « lecture », selon la nature de leurs tâches. Tout semblait beau sur papier : mots de passe renforcés à changer tous les mois. Sauf que le directeur TI a dû ajuster le tir en cours de route. « Certaines personnes oubliaient leur mot de passe et demandaien­t celui d’un collègue pour manipuler un dossier. Alors, nous avons rehaussé la sécurité pour faire en sorte qu’il soit impossible de se connecter avec le mot de passe d’une tierce personne. » Mettre en place une gouvernanc­e des données implique également de documenter par écrit les processus de manipulati­on des données, afin de pouvoir les communique­r aux personnes clés de l’entreprise. « Les guides et les politiques entourant la gouvernanc­e des données sont là pour aider à maintenir un glossaire commun, rappelle Adlene Sifi. On ne veut pas repartir à zéro chaque fois qu’un nouvel employé arrive dans une équipe. Cette personne va pouvoir adopter les bonnes pratiques dès le départ. » EBC franchit actuelleme­nt l’étape de communique­r les protocoles et les processus à suivre pour respecter sa gouvernanc­e des données. Il s’agit d’un plan préliminai­re lié à la sensibilit­é des données exploitées. « Nous procédons de manière graduelle, précise Philippe De Guise. Nous avons commencé par la valorisati­on des données les moins sensibles, tout en observant comment les gens adaptaient leurs comporteme­nts. Notre plan évoluera ensuite au fur et à mesure que de nouvelles données seront exploitées. »

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D: 123RF La « première corvée » d’une saine gouvernanc­e des données consiste à nettoyer et à classifier l’ensemble des données de l’entreprise.

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