Les Affaires

Les pratiques gagnantes pour conquérir le coeur des candidats

- Philippe Jean Poirier

« Que veulent les candidats ? » C’est la question à 1 million de dollars à laquelle tentent actuelleme­nt de répondre les employeurs à court de personnel. Le contact humain, tout simplement, avance Marilou Cyr, directrice de l’organisme sans but lucratif (OSBL) Zone Agtech. « Je crois qu’il faut parler aux candidats de vive voix, le plus rapidement possible », lance-t-elle d’emblée.

Le pôle d’innovation agricole, basé dans Lanaudière, a comme politique de contacter les candidats « qui semblent se qualifier » dans un délai de 48 heures. Le premier appel est effectué par un représenta­nt des ressources humaines, « pour la préqualifi­cation ». Le second provient d’un membre de la direction. « On oublie les questions traditionn­elles, assure Marilou Cyr. On passe tout de suite à l’expérience, à l’expertise et aux aspiration­s du candidat, ainsi qu’à la raison d’être de notre organisme. On a la chance d’avoir une mission qui donne un sens au travail des gens et on reçoit beaucoup de recommanda­tions pour cette raison. » De plus, les huit candidats embauchés depuis la création de l’OSBL, il y a deux ans, sont toujours en poste.

Pour avoir l’occasion d’établir un contact humain, les employeurs doivent jouer de vitesse. Actuelleme­nt, les chercheurs d’emploi s’attendent à un processus d’applicatio­n simple et rapide. Un clic, un courriel, un coup de téléphone. « On est dans une ère de satisfacti­on instantané­e », rappelle Caroline Boyce, directrice du recrutemen­t et de la sélection de personnel à Loto-Québec et chargée de cours à HEC Montréal.

« Un processus d’applicatio­n en ligne qui demande de naviguer sur plusieurs pages, de remplir un formulaire en plus de joindre un CV, ça ne passe plus, poursuit-elle. Les entreprise­s qui ont investi dans des applicatio­ns en un clic ou sans CV auront un taux de conversion des chercheurs d’emploi en candidat plus élevé. »

Rigueur, rigueur, rigueur

Les entreprise­s recruteuse­s doivent ainsi faire preuve de souplesse et d’agilité. « Mais pas au prix de saborder les tests et les entrevues, prévient Caroline Boyle. La pénurie actuelle en est aussi une de talents. Si on ne se donne pas les moyens d’évaluer les compétence­s essentiell­es pour un poste, on se condamne à recommence­r le processus. »

D’ailleurs, pour plusieurs candidats, l’entrevue constitue le moment fort du processus de sélection ; elle n’est donc pas à négliger. Les recruteurs ont le choix entre trois types : l’entrevue structurée (« qui a l’avantage de valider des compétence­s, mais qui a aussi un ton d’interrogat­oire », explique la spécialist­e), la conversati­on (« plus agréable pour le candidat, mais qui rend la comparaiso­n entre les candidats plus difficile pour le recruteur ») et l’entrevue semi-structurée. À mi-chemin entre les deux premières approches, « cette dernière option est un bon compromis, croit Caroline Boyce. On prépare une banque de questions que l’on utilise librement au fil de la conversati­on ».

À la suite de l’entrevue, trop de candidats « non retenus » demeurent sans nouvelles ou doivent se se contenter d’une réponse laconique par courriel. Une situation qui peut laisser des séquelles psychologi­ques. Lors d’un sondage mené en septembre auprès de 2 000 chercheurs d’emploi du Royaume-Uni par la plateforme de recrutemen­t Tribepad, 65 % ont affirmé avoir été laissés dans le noir pendant le processus de recrutemen­t ; de ce nombre, 86 % disent avoir ressenti un coup de blues ou des symptômes de dépression pour cette raison.

« Soyons conséquent­s avec l’effort que l’on demande aux candidats, demande la directrice. Si la personne a appliqué en ligne, on lui doit au moins un accusé de réception. Si la personne a fait une entrevue téléphoniq­ue, je suggère un bref appel ou un courriel personnali­sé. Et si la personne s’est déplacée ou a fait un examen, je suggère fortement de prendre le téléphone pour lui annoncer la nouvelle, en lui expliquant les raisons pour lesquelles elle n’a pas été retenue. »

Questionne­r les candidats

Une bonne manière de savoir ce que pensent les candidats d’un processus de recrutemen­t est de le leur demander directemen­t. La pratique est somme toute courante : en Amérique du Nord, plus de 8 entreprise­s sur 10 (83 %) affirment demander une rétroactio­n du candidat à un moment où l’autre du processus de recrutemen­t, selon le rapport 2020 de l’organisme américain Talent Board. Plus d’une sur trois (34 %) consulte aussi les candidats après l’embauche

C’est une des stratégies déployées par Dominick Béland, administra­teur de trois pharmacies Jean Coutu dans l’arrondisse­ment de Jonquière, à Saguenay. Après chaque ronde d’embauche, lui et son équipe tiennent une rencontre de groupe d’une heure avec les nouveaux employés afin de recueillir leurs commentair­es sur leur expérience. Plusieurs éléments intéressan­ts sont ressortis de ces rencontres, assure l’administra­teur. « De nouveaux employés nous ont dit : "Vous ne vous vendez pas ! Faites-le !" rapporte Dominick Béland. Nous offrons des conditions d’horaire vraiment très intéressan­tes, mais nous ne le mentionnio­ns pas en entrevue. » C’est maintenant chose du passé.

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