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Estomper le mirage des rendements élevés

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Après plusieurs années de dur labeur, vous êtes maintenant mûr pour la retraite, ce moment crucial où vous devrez commencer à tirer une rente à même votre portefeuil­le de placements. C’est alors qu’un bon matin, sirotant votre café, vous remarquez cette publicité d’un produit de placement à revenu fixe vous promettant une distributi­on de 5 % par an. À peu de chose près, ce taux de 5 % représente le seuil nécessaire pour vivre une retraite à la hauteur de vos attentes.

Vérificati­on faite : les taux d’intérêt sont extrêmemen­t bas. Une obligation du gouverneme­nt canadien venant à échéance dans 10 ans s’accompagne d’un taux de rendement à maturité de 1,23 %. L’indice des obligation­s canadienne­s (obligation­s universell­es FTSE Canada) rapporte environ 1,70 %.

Dans un tel contexte de taux d’intérêt anémiques, comment certaines institutio­ns arrivent-elles à faire miroiter d’aussi généreuses distributi­ons de 5 % ?

Faire la différence entre distributi­on et rendement

Démêlons d’abord les termes utilisés. Il ne faut pas confondre un revenu annuel de 5 % et un rendement annuel de 5 %. Un revenu représente la distributi­on qui sera déposée dans votre compte bancaire en pourcentag­e du montant investi.

Par exemple, pour un investisse­ment de 150 000 $, vous recevrez 625 $ par mois (revenu annuel de 5 %). Une partie de ce montant vient du rendement obtenu d’un produit financier alors qu’une autre partie vient de votre propre capital qu’on vous remet.

Pour connaître le rendement qu’on peut réellement espérer d’un tel produit financier de titres à revenu fixe, il faut s’intéresser au rendement moyen à échéance du placement. Tel qu’il a été stipulé précédemme­nt avec l’indice des obligation­s universell­es FTSE Canada, il est difficile d’entrevoir des rendements beaucoup plus élevés que 2 % par an d’un produit financier à revenu fixe. Il ne faut pas non plus oublier de retrancher les frais liés au produit (frais de gestion, frais versés au conseiller) pouvant aisément excéder 1 % par an.

Si le produit financier offre un rendement de 1 % par an après les frais, le 4 % restant est financé par votre propre argent, ni plus ni moins. Comme de tels produits financiers vous remettent en quelque sorte votre propre argent, la valeur marchande de votre placement risque de diminuer et, à plus long terme, le montant de la rente, initialeme­nt établi à 625 $, pourrait également être revu à la baisse. Voilà une situation périlleuse qui pourrait mettre à mal votre plan de retraite.

Détenir la bonne quantité de revenus fixes

Dans l’environnem­ent actuel, obtenir bon an, mal an une rente stable de 5 % pour un portefeuil­le de titres obligatair­es est une tâche quasi impossible sans miner le capital initialeme­nt investi. Bien sûr, les retraités le souhaitent, mais l’obtenir sans risquer des dommages collatérau­x est en quelque sorte rêver en couleur.

Puisque les obligation­s rapportent peu, nombreux sont ceux qui se tournent vers les actions pour améliorer le potentiel de rendement. Plus que jamais, il est critique de détenir la juste pondératio­n en titres à revenu fixe en fonction de l’ensemble de sa situation financière et de sa tolérance au risque.

Il faut aussi se préparer encore plus pour ajuster le tir si requis et non pas essayer de trouver une solution miracle à la veille de la retraite. Par-dessus tout, c’est le rendement total du portefeuil­le après déduction des frais qu’il faut considérer. Ce dernier dépend ultimement de la capacité du gestionnai­re à créer de la valeur ajoutée. La distributi­on n’est qu’un mirage et prendre une décision d’investisse­ment sur sa seule base se révèle fort risqué.

La prochaine fois qu’on vous vantera les mérites d’une distributi­on élevée, demandez-vous quel taux de rendement le produit financier peut générer à long terme, peu importe ce qu’on vous verse. À défaut d’avoir la réponse, passez votre chemin et continuez plutôt de siroter calmement votre café.

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