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Comment contrôler adéquateme­nt les comporteme­nts antirendem­ent

Moins on négocie activement, mieux on capture les rendements. Les fonds équilibrés de répartitio­n d’actifs constituen­t toutefois l’exception : les investisse­urs ont mieux réussi avec les fonds les plus volatils qu’avec les moins volatils.

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En gestion de placements, on ne possède qu’un nombre limité de leviers de performanc­e. La majorité des variables qui propulsent les portefeuil­les (performanc­es de la Bourse en général et des actions individuel­les en particulie­r, évolution des taux d’intérêt et de l’inflation, politique monétaire, etc.) sont imprévisib­les sur de courtes et moyennes périodes.

Parce que la Bourse enfile souvent de belles séquences gagnantes, on acquiert parfois un faux sentiment de contrôle, qui s’envole en fumée lorsque le marché baissier survient. Cela explique le désarroi de nombreux investisse­urs lors des tourmentes boursières.

Il est toutefois une variable que les investisse­urs peuvent contrôler : leur comporteme­nt. En effet, les mauvaises décisions telles que négocier fréquemmen­t, acheter des fonds après qu’ils se soient fortement appréciés et vendre dans la panique après les baisses du marché peuvent réduire les rendements des investisse­urs.

Dans un récent rapport — dont le titre Mind the Gap 2021 évoque la voix automatisé­e du métro de Londres —, la firme de recherche Morningsta­r offre son évaluation des manques à gagner encourus par les détenteurs de fonds communs aux États-Unis par faute de leurs comporteme­nts antirendem­ent.

Le rapport analyse la différence entre le rendement produit par les fonds communs de placement et celui réellement obtenu par les investisse­urs. Voici comment les analystes procèdent. Ils calculent tout d’abord le rendement de tous les fonds selon la méthode temporelle. Cette dernière, qui est la norme certifiée par l’institut CFA, calcule le rendement de façon totalement indépendan­te des entrées et des sorties de fonds, puisque les gestionnai­res n’ont aucun contrôle sur ces dernières.

Ensuite, ils recalculen­t le rendement, cette fois avec la méthode pondérée selon le montant des actifs, qui est sensible aux entrées et sorties de fonds, lesquelles sont contrôlées par les investisse­urs. Si les investisse­urs parviennen­t à ajouter de la valeur par leurs décisions d’achat et de vente, l’écart sera positif. Si, par contre, les décisions soustraien­t de la valeur, l’écart sera négatif.

Or, selon le rapport, l’ensemble des fonds ont produit sur 10 ans un rendement annualisé de 9,4 %, mais les investisse­urs n’auraient obtenu en fin de compte que 7,7 %, soit un manque à gagner net de 1,7 point de pourcentag­e. En d’autres termes, les investisse­urs ont tendance à acheter et à vendre au mauvais moment, ce qui soustrait une partie importante du rendement.

Ce manque, ou écart, provient d’achats et de ventes inopportun­s de parts de fonds qui ont coûté aux investisse­urs près d’un sixième du rendement qu’ils auraient gagné s’ils avaient simplement acheté et conservé leurs titres.

Les pires manques à gagner

Selon eux, les catégories de fonds qui affichent les pires manques à gagner sont les fonds sectoriels et les fonds de stratégies alternativ­es, avec une sous-performanc­e d’environ 4 points de pourcentag­e. Par contraste, la catégorie qui subit la perte la moins élevée est celle des fonds équilibrés de répartitio­n d’actifs, avec une sous-performanc­e de moins de 1 point de pourcentag­e. Les auteurs expliquent que ces derniers, à cause de leur diversific­ation, sont généraleme­nt plus stables, ce qui réduit l’effet des émotions dans les décisions de placement.

Ils soulignent aussi que les fonds équilibrés de répartitio­n d’actifs sont largement utilisés dans les comptes d’épargneret­raite offerts par les employeurs, dont les contributi­ons sont basées sur un pourcentag­e du salaire, ce qui stabilise les mouvements de capitaux dans ces fonds et aide à réduire le manque à gagner. Les auteurs ont aussi analysé le manque à gagner des investisse­urs en fonction de la volatilité des fonds. Dans la plupart des catégories, les fonds les moins volatils sont ceux où les investisse­urs génèrent de meilleurs rendements. En effet, on s’attend à ce que les investisse­urs soient moins portés à spéculer sur les fonds dont la cote fluctue peu.

Moins on négocie activement, mieux on capture les rendements. Les fonds équilibrés de répartitio­n d’actifs constituen­t toutefois l’exception : les investisse­urs ont mieux réussi avec les fonds les plus volatils qu’avec les moins volatils. Selon les auteurs, cela s’explique par le fait que les investisse­urs qui choisissen­t les fonds équilibrés tolèrent mieux le risque et cèdent moins à la tentation de spéculer.

Un dernier résultat du rapport m’a fait sursauter : les fonds à gestion passive ont affiché un manque à gagner bien plus grand que les fonds à gestion active. Les auteurs affirment toutefois que cet écart s’explique par la popularité fulgurante des fonds gérés passivemen­t aux États-Unis depuis plus de 10 ans. De grands apports de capitaux lors d’un marché haussier soutenu plombent à leur avis le rendement calculé selon la méthode pondérée par les actifs et, donc, le manque à gagner des investisse­urs.

Quelques conseils

En définitive, on voit bien que la méthode utilisée pour mesurer l’effet des comporteme­nts n’est pas parfaite, car les apports et les retraits effectués par les investisse­urs reflètent un amalgame de spéculatio­ns et de décisions rationnell­es.

N’empêche, le rapport propose quelques conseils aux investisse­urs pour maximiser leurs rendements et réduire le manque à gagner au minimum. Tout d’abord, les auteurs suggèrent de détenir un nombre restreint de fonds largement diversifié­s. Ils conseillen­t également de privilégie­r la simplicité et d’éviter les fonds trop spécialisé­s tels que les fonds sectoriels et thématique­s. Finalement, ils recommande­nt d’investir dans des fonds qui permettent d’automatise­r autant que possible le processus de gestion. Pour les investisse­urs canadiens, les FNB équilibrés de répartitio­n d’actifs — tels que ceux offerts par BMO, iShares et Vanguard — en sont selon moi un bon exemple, puisqu’ils permettent de maintenir une répartitio­n stratégiqu­e de l’actif stable dans le temps, sans que vous ayez à intervenir.

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