Les Affaires

Dompter les monstres et les taureaux

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Il y a près d’un an, le 2 novembre 2020, le fabricant de boissons énergisant­es Guru faisait une entrée remarquée à la Bourse de Toronto, grimpant de 57 % à sa première séance. Après un premier appel public à l’épargne à 5,45 $, le titre a touché un sommet de 23,48 $ en janvier avant de se replier pour se stabiliser au niveau actuel. « La dernière année a été intense, mais aussi satisfaisa­nte. Après l’entrée en Bourse, il nous fallait exécuter ce qui était prévu dans le plan d’affaires, qui est de répliquer nos succès au Québec dans le reste du Canada et en Californie », raconte le président et chef de la direction de Guru, Carl Goyette. Le dirigeant explique que Guru a retardé son expansion canadienne de quelques années afin d’avoir les poches assez profondes pour financer la campagne de marketing qui accompagne son ambitieux plan de croissance partout au pays. « L’entrée en Bourse nous a permis de récolter 35 millions de dollars (M$) pour étendre notre présence dans des milliers de magasins. C’est ce qu’on a fait en ouvrant 4000 nouveaux points de vente dans des grandes chaînes de dépanneurs et de stations-service, comme Couche-Tard et Petro-Canada », dit le dirigeant. En parallèle, l’entreprise a amorcé les négociatio­ns d’un contrat de distributi­on avec PepsiCo Canada, entré en vigueur pour une période de 10 ans (après le 4 octobre), et a procédé, en juin, à une émission d’actions qui lui a rapporté un montant brut d’environ 50 M$. « En ce moment, nous avons près de 70 M$ dans le compte de banque pour faire la promotion de Guru au Canada anglais et en Californie », dit Carl Goyette. Sur le marché québécois, la société dit posséder une part de marché de 14 %, derrière les deux géants du secteur, Red Bull et Monster. Ces grandes dépenses ont fait chuter la rentabilit­é de l’entreprise. En dévoilant ses résultats financiers du troisième trimestre à la mi-septembre, Guru a fait état de ventes en hausse de 22 % sur un an, à 8 M$, mais d’une perte nette de plus de 2 M$. Au trimestre correspond­ant il y a un an, la société avait déclaré des revenus de 6,6 M$ et un bénéfice net de 1,2 M$. Cette baisse de rentabilit­é ne semble pas inquiéter les analystes, qui y voient là une décision stratégiqu­e. « Guru a le choix de rester rentable et de ne pas investir dans les ventes et le marketing ou d’être plus agressive de ce côté et d’espérer croître plus rapidement », soutient Amr Ezzat, analyste à Echelon Marchés de capitaux. Ce dernier ne s’attend pas à un retour à la rentabilit­é à court terme, mais que la stratégie permettra à Guru d’augmenter ses ventes et, par le fait même, ses parts de marché. « Monster a suivi exactement le même chemin et la société a commencé à être rentable lorsque ses revenus ont dépassé 350 M$ US », affirme-t-il. Martin Landry, analyste à Stifel GMP, entreprise qui a conseillé Guru tout au long du processus qui a mené à son introducti­on en Bourse, attribue aussi la baisse de rentabilit­é de la société à la hausse des coûts de transport et des Carl Goyette, président et chef de la direction, Guru Organic Energy ingrédient­s et à une industrie qui requiert de plus en plus de budgets promotionn­els.

Des revenus de 400M$ d’ici 10 ans?

Amr Ezzat s’attend à ce que les revenus de Guru totalisent 28,8 M$ durant l’exercice 2021, qui se terminera le 31 octobre, ce qui constituer­ait une croissance de 30 % sur un an. Il a par contre revu à la baisse sa prévision de revenus pour 2022 à 35,4 M$, elle qui était auparavant de 41,7 M$, en raison de l’entente de distributi­on avec PepsiCo. « Pepsi va se charger de distribuer les produits Guru dans tout le Canada et de placer les produits sur les tablettes et dans les réfrigérat­eurs dans tous les points de vente. Il est normal que Guru lui vende ses produits à meilleur prix. Par contre, l’explosion attendue des ventes devrait plus que compenser pour cette baisse de prix », explique celui qui prévoit que les revenus annuels de l’entreprise atteindron­t 400 M$ d’ici 10 ans. « C’est ce qu’il faut comprendre quand on investit dans une telle entreprise, dit-il. Le plan d’affaires est éprouvé et la société peut arriver à percer au Canada anglais et aux États-Unis. Cette prévision repose sur une part de marché de seulement 1,3 % au Canada et aux États-Unis, un marché qui est évalué à 16 milliards de dollars américains annuelleme­nt et qui croît à un rythme de 8 % par année, alors que dans son ensemble, l’industrie des boissons progresse de 1 % à 2 %. » Guru, dont les produits sont actuelleme­nt vendus dans 10 000 établissem­ents, souhaite faire passer ce nombre à 25 000 d’ici le printemps 2023 grâce à l’entente avec PepsiCo. Sans oublier que le géant des boissons gazeuses possède aussi des ententes avec des chaînes de restaurant­s, des stations de ski et d’autres commerces qui n’étaient pas accessible­s à Guru auparavant.

Nettoyer l’industrie des boissons énergisant­es

Le président et chef de la direction de Guru soutient que la mission de l’entreprise est de « nettoyer l’industrie des boissons énergisant­es », elle qui traîne une mauvaise réputation. « On le pense vraiment. Ce n’est pas normal que des personnes se ruinent la santé en buvant des boissons contenant une longue liste d’ingrédient­s artificiel­s alors qu’il existe des options avec des ingrédient­s naturels qui donnent les mêmes bénéfices. Beaucoup de gens qui ne boivent pas de boissons énergisant­es pensent que c’est de la cochonneri­e. Il faut changer cette perception », explique Carl Goyette, selon qui le corps humain réagit mieux à la caféine naturelle qu’à celle qui est conçue en laboratoir­e. « Le marketing des géants de l’industrie qui met l’accent sur les sports extrêmes, les Monster Trucks et les femmes en bikini est “passé date”. Guru veut mettre de l’avant un marketing plus écorespons­able », explique le président et chef de la direction de la société. C’est pourquoi l’entreprise a décidé d’attaquer le marché américain en commençant par la Californie. « La population, là-bas, possède des caractéris­tiques communes avec celle du Québec, étant ouverte aux boissons biologique­s et à base de plantes. De plus, juste dans cet État, le marché des boissons énergisant­es est trois fois plus important qu’au Canada pour une population comparable. Juste de 2 % à 3 % du marché californie­n, ce serait déjà gros », dit Carl Goyette. Si l’entreprise cible avant tout la Californie, cela ne l’empêche pas de distribuer ses produits dans tous les États-Unis dans des chaînes comme WholeFoods Market, propriété d’Amazon, qui vendent uniquement des produits biologique­s. Les ventes en ligne ne sont pas non plus à négliger, puisque Guru y vend directemen­t ses produits en caisses de 4, 12 ou 24 canettes. « Ça fait aussi partie de notre stratégie de bâtir une équipe de commerce en ligne. La demande est en forte croissance parce que nous ne sommes pas présents dans tous les dépanneurs et épiceries. Il y a bien sûr des frais de livraison, mais les marges sont bonnes et ça élimine les barrières de distributi­on », ajoute Carl Goyette.

Attirer les prétendant­s

Guru, dont la capitalisa­tion boursière atteint environ 540 M$, carbure à la croissance de ses revenus, pourrait-elle devenir une cible d’acquisitio­n de choix pour un géant du secteur de l’alimentati­on comme Pepsi ? PRINTED AND DISTRIBUTE­D BY PRESSREADE­R PressReade­r.com +1 604 278 4604 ORIGINAL COPY . ORIGINAL COPY . ORIGINAL COPY . ORIGINAL COPY . ORIGINAL COPY . ORIGINAL COPY COPYRIGHT AND PROTECTED BY APPLICABLE LAW

Martin Landry, de Stifel GMP, estime que les revenus de Guru sont encore trop faibles pour attirer des prétendant­s. « À moyen terme, l’entreprise pourrait effectivem­ent être la cible d’une offre publique d’achat, mais il va falloir que l’équipe de direction soit réceptive à la transactio­n, elle qui contrôle plus de 36 % des actions », dit-il.

De plus, grâce à son entente de distributi­on avec Guru, PepsiCo possède aussi des bons de souscripti­on pouvant être convertis en 1,65 million d’actions de la société. Il s’agit là d’un autre frein pour tout autre acquéreur potentiel. « N’importe quelle entreprise montrant une croissance soutenable des revenus comme Guru peut devenir une cible », ajoute Amr Ezzat, d’Echelon Marchés de capitaux, ajoutant que tous les grands joueurs de l’industrie des boissons veulent augmenter leur présence dans celle des boissons énergisant­es.

Cela dit, du côté de Guru, on ne ressent aucune pression à ce sujet. Carl Goyette soutient qu’avec le plan de croissance en place, l’équipe de direction « laisserait beaucoup d’argent sur la table » en acceptant une offre d’achat.

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