Prioriser les principes plutôt que les profits
«Ils ont priorisé leurs profits astronomiques plutôt que les gens. » Ainsi commence le témoignage de Frances Haugen contre son ancien employeur Facebook devant le Congrès américain. Les preuves qui suivent sont accablantes, mais c’est cette accusation qui m’a le plus marquée. Historiquement, on n’attendait pas d’une entreprise qu’elle agisse autrement que dans le but de faire du profit, et ce, quel qu’en soit le coût pour le reste de la société. Aujourd’hui, cela suscite l’indignation. C’est majeur ! Nous assistons à un changement de paradigme profond et cela ne va aller qu’en s’amplifiant. Avec le pas de recul permis par le télétravail, les employés ont pu poser un regard différent sur la contribution plus globale de leur entreprise. Résultat : ceux pour qui le sens donné à leur travail est plus important que le salaire refusent désormais d’être complices de pratiques allant à l’encontre de leurs valeurs (voir l’analyse de Nathalie Francisci en page 42). Les entreprises ont donc tout intérêt, si ce n’est pas déjà le cas, à faire un examen de conscience, puis à intégrer la composante incontournable de la responsabilité sociale. Frances Haugen n’est en effet que la plus récente d’une longue série d’employés qui dénoncent les comportements inacceptables de leur entreprise. La semaine précédente, c’était Blue Origin, l’entreprise spatiale de Jeff Bezos, qui était sous le feu des critiques. Avant une série d’incidents l’ayant menée à quitter, une ex-employée a confié avoir tellement la mission dans la peau qu’elle avait envisagé de se faire tatouer la plume du logo. Cela semble anecdotique, mais c’est révélateur. Ce sont souvent les employés les plus engagés qui sont le plus durement déçus lorsqu’une société ne tient pas ses promesses. Le retour du balancier sera violent pour celles dont les bottines ne suivront pas les babines. Certes, tous les employés désabusés ne deviendront pas des lanceurs d’alerte. Ils quitteront, tout simplement. Mais à l’heure de la pénurie de main-d’oeuvre, l’effet peut être tout aussi dévastateur. Désormais, les candidats ont en main toutes les cartes pour choisir là où ils souhaitent aller travailler (voir notre dossier Recrutement en page 29). Et si ce sont surtout les faux pas des plus grandes entreprises qui sont médiatisées, il ne faut pas croire que les plus petites sont à l’abri. Les révélations d’un ancien employé mécontent sur les réseaux sociaux coûtent cher, quelle que soit la taille de la société. Aujourd’hui, aucune entreprise peut se permettre de n’avoir rien de moins qu’une réputation irréprochable.