Les Affaires

Des projets difficiles à écarter

- Simon Lord

Même si bon nombre de firmes de génieconse­il continuent à soumission­ner pour des contrats et des projets publics, elles ne le font pas à n’importe quel prix — littéralem­ent et au sens figuré. Voici comment elles tirent leur épingle du jeu et pourquoi elles continuent à opérer sur ce marché, dont elles déplorent les conditions. Plus du tiers (37 %) des profession­nels membres de l’Associatio­n des firmes de génie-conseil du Québec (AFG) disent tirer leur volume d’affaires majoritair­ement des marchés publics, selon un rapport de Raymond Chabot Grant Thornton (RCGT) commandé par six organismes liés à l’industrie de la constructi­on et publié en avril dernier. À l’inverse, 19 % d’entre eux disent tirer leur volume d’affaires majoritair­ement du secteur privé. Fait notable, toutefois, aucun d’entre eux ne dit pour l’instant tirer exclusivem­ent son volume d’affaires dans un ou l’autre des types de marchés. Ces chiffres sont surprenant­s puisque, toujours selon le rapport de RCGT, 40 % des profession­nels ont connu une baisse de leur intérêt à soumission­ner sur les marchés publics depuis les cinq dernières années.

Soumission­s sélectives

Dans bien des cas, les firmes de génie-conseil continuent de tenter leur chance sur les marchés publics parce qu’ils sont presque inévitable­s en raison de leur taille, mais aussi parce que les problèmes sont localisés dans certains créneaux. « Stantec a 1500 employés au Québec et les marchés publics sont de grands marchés, alors ils demeurent importants pour nous », explique Isabelle Jodoin, viceprésid­ente principale pour le Québec de l’entreprise d’Edmonton. Environ la moitié des contrats de l’entreprise dans la belle Province sont d’origine publique. « Ce qu’on déplore, comme bien d’autres, c’est que les conditions contractue­lles sont parfois difficiles », poursuit Isabelle Jodoin. Pour Stantec, comme pour bien d’autres firmes, le problème concerne surtout le milieu municipal, où les honoraires sont souvent jugés trop faibles, et où l’on déplore le fait que les contrats sont fréquemmen­t accordés au plus bas soumission­naire, sans égard pour la compétence. « Parfois, le prix est tellement bas qu’on se dit que la firme qui remportera le contrat ne peut pas avoir compris tous les enjeux du client, souligne la viceprésid­ente. Pour cette raison, quand il y a seulement le prix qui est important pour un client, le projet ne nous intéresse pas. » Ces propos font écho aux statistiqu­es compilées dans le rapport de RCGT. Selon celui-ci, 82 % des 178 profession­nels interrogés se permettent d’écarter les donneurs d’ouvrage publics en fonction des conditions qu’ils offrent.

À la pièce

À CIMA+, basée à Laval, le son de cloche est similaire. Son président et chef de la direction, François Plourde, est bien au courant du fait que plusieurs firmes dans son industrie se désintéres­sent des marchés publics, plus particuliè­rement des projets municipaux. « C’est le cas chez nous, admet-il. On a diminué de 50 % le nombre de contrats municipaux que l’on faisait en comparaiso­n d’il y a quelques années, et on a arrêté de travailler complèteme­nt avec certaines villes qui n’ont d’égard que pour le prix. » François Plourde explique que le problème est lié au cadre législatif encadrant les appels d’offres avec les villes québécoise­s, soit le projet de loi 106. En place depuis 2002, elle qui fait en sorte que le plus bas soumission­naire est celui qui se voit accorder le contrat. Une règle qu’il estime considérab­lement dissuasive. « Pour d’autres projets, comme ceux du ministère des Transports ou d’HydroQuébe­c, le prix n’est pas un critère, rappelle-t-il. C’est le client qui évalue la meilleure soumission en fonction de critères de compétence et de qualité. » Par conséquent, les profession­nels ont manifesté beaucoup moins de désintérêt pour ces autres clients. Seuls 15 % et 12 % des profession­nels interrogés disent avoir perdu de l’intérêt depuis les cinq dernières années pour les contrats d’HydroQuébe­c et du ministère des Transports du Québec, respective­ment. « On a toujours espoir qu’il y aura du changement dans les règles au Québec, note François Plourde. Mais pour l’instant, dans le marché municipal, on choisit à la pièce. »

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