Les Affaires

Des talons hauts aux caps d’acier

Série de quatre portraits de femmes du milieu de la constructi­on, qui racontent leur parcours et les avancées qu’elles constatent en matière d’égalité.

- Léa Villalba

près une carrière de mannequin, Diane Deschênes a découvert, un peu par hasard, le milieu de la constructi­on. Près de 20 ans plus tard, cette briqueteus­e-maçonne de passion est très fière du chemin parcouru, même

Asi celui-ci a été parsemé d’embûches.

«Je suis tombée en amour avec le métier», se rappelle la native de la Côte-Nord. Au début des années 2000, alors qu’elle est mannequin, notamment pour Joseph Ribkoff, elle fait ses premiers pas dans le milieu de la constructi­on. «Le père de mon fils travaillai­t dans l’industrie et avait parfois du mal à trouver des manoeuvres qui entraient travailler le vendredi, raconte-t-elle. Alors j’ai commencé à remplacer, pour voir, et finalement, j’ai eu la piqûre.»

De fil en aiguille, la jeune trentenair­e décide d’aller suivre le cours de briquetage-maçonnerie au centre de formation Le Chantier, à Laval, pour apprendre son nouveau métier. « Apprendre sur le tas, c’est bon, mais c’est mieux d’avoir une technique, des façons de faire. En commençant les cours, j’ai compris que j’étais à la bonne place », poursuit-elle.

Une fois diplômée, elle réussit facilement à trouver du travail auprès de divers employeurs, notamment la maçonnerie Michel Kirouac, qui a été son tout premier. « Quand tu as la conviction que tu es à ta place, c’est facile d’être engagée, explique-t-elle. Le plus dur, c’est de se préserver en tant que femme. » En effet, dès ses débuts, Diane Deschênes sent qu’elle doit justifier sa présence auprès de la gent masculine, omniprésen­te dans le milieu de la constructi­on. « Plusieurs ont essayé de me décourager, de me faire abandonner, mais je fonce beaucoup dans la vie, assure-t-elle. Je leur ai montré que j’allais être là et pour longtemps. »

Faire sa place

Mère monoparent­ale d’un enfant autiste, Diane Deschênes a également subi à plusieurs reprises les conséquenc­es du manque de flexibilit­é en matière de conciliati­on travail-famille de certains employeurs. « Quand mon fils fait une crise ou a un besoin particulie­r, je dois quitter mon lieu de travail. Certains ne comprennen­t pas ça. J’ai perdu trois jobs à cause de ça », confie-t-elle. Son employeur actuel, l’entreprene­ur général Guillaume Tougas, connaissai­t déjà sa situation familiale et il l’a engagé sans problème. « Aujourd’hui, ça va très bien », ajoute-t-elle.

D’après la briqueteus­e, le milieu de la constructi­on « a encore du chemin à faire » quant à la qualité de vie et aux conditions de travail. Cependant, elle a aussi remarqué que de plus en plus d’hommes demandent certaines mesures dans ce sens et que les choses commencent à bouger.

Selon la Commission de la constructi­on du Québec, les femmes de cette industrie travaillen­t moins d’heures au cours d’une année. En 2019, elles ont effectué en moyenne 746 heures par rapport à 1013 heures pour leurs confrères. Diane Deschênes explique notamment cette disparité par le fait d’être appelée en dernier pour travailler sur les chantiers. « On a le même salaire [horaire], mais on fait moins d’heures par an. Les employeurs appellent d’abord leurs chums, ou les chums de leurs chums, déclaret-elle. Il y a vraiment du favoritism­e. »

Entre 2011 et 2020, le nombre de femmes briqueteus­es-maçonnes au Québec est passé de 26 à 34. C’est encore trop peu, estime Diane Deschênes. C’est pourquoi elle aimerait devenir une ambassadri­ce de son métier auprès des jeunes filles. « Il y a vraiment de la place pour les femmes dans ce milieu, mais il faut en parler plus. S’il y avait plus d’enseignant­es dans les formations de la constructi­on, je suis certaine que les filles auraient moins peur de s’inscrire. »

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Diane Deschênes est devenue briqueteus­e après une carrière dans le mannequina­t.

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