Les Affaires

La croissance des banques canadienne­s devrait ralentir

Après deux années exceptionn­elles, la hausse des taux d’intérêt risque de forcer les marchés financiers à composer avec une plus grande volatilité.

- Jean Gagnon

es résultats du 1er trimestre 2022 des banques à charte canadienne­s ont à nouveau révélé d’excellente­s performanc­es qui, pour la plupart, ont surpassé les attentes des analystes. La croissance des prêts était au rendez-vous, et la performanc­e des marchés financiers a permis à plusieurs, notamment à la Banque Nationale (NA, 100,14$), de réaliser des gains substantie­ls dans leurs opérations d’arbitrage, de prêts aux entreprise­s et de gestion de patrimoine.

Les titres des banques montrent sans équivoque comment le secteur financier récompense bien ses actionnair­es depuis que les craintes causées par

Ll’arrivée de la COVID-19 se sont dissipées. Le fonds négocié en Bourse XFN (iShares S&P/TSX Capped Financials Index) (XFN, 51,42$), qui regroupe les grandes institutio­ns financière­s canadienne­s, et dont les banques comptent pour environ 70% de la pondératio­n, s’est apprécié de 20% au cours des 12 derniers mois. Depuis deux ans, la valeur du fonds a doublé. La reprise économique a fourni les ingrédient­s pour nourrir la croissance des prêts, et la bonne tenue des entreprise­s soutenues par les mesures gouverneme­ntales a permis de renverser les provisions pour pertes sur prêts que les banques avaient accumulées l’année précédente afin de se prémunir contre les effets de la pandémie, qui s’annonçaien­t alors plutôt néfastes, explique Jean-Philippe Legault, gestionnai­re de portefeuil­le à Cote 100, une firme de gestion de portefeuil­le de Saint-Bruno-de-Montarvill­e.

Selon le gestionnai­re, il ne faut pas s’attendre à la même croissance des bénéfices pour les prochains trimestres, mais plutôt à un certain retour à

Source : Refinitiv

la normale. La hausse des taux d’intérêt qui s’amorce devrait ralentir la croissance des prêts. Les marchés financiers, après deux années exceptionn­elles, risquent d’avoir à composer avec une plus forte volatilité et ainsi offrir un environnem­ent plus difficile.

Des hausses favorables ?

Au moment où la Banque du Canada (BdC) amorce une série de hausses de taux d’intérêt, plusieurs croient que ces dernières seront favorables à la rentabilit­é des banques.

Ce n’est pas aussi simple, explique Jean-Paul Giacometti, vice-président, gestionnai­re de portefeuil­le à Claret Gestion de placements. «Lorsque la

BdC augmente son taux directeur, elle pousse alors à la hausse les taux d’intérêt à court terme, mais pas nécessaire­ment les taux à long terme, qui sont plutôt dictés par l’activité sur les marchés obligatair­es», dit-il. Les banques tirent avantage des hausses de taux à la condition que l’écart entre les taux à long et à court terme s’élargisse, car elles empruntent à court terme et prêtent à plus long terme.

Des évaluation­s déjà un peu riches

Bien qu’il reconnaiss­e que les banques canadienne­s ont démontré qu’elles constituen­t un investisse­ment de choix à long terme, le gestionnai­re de Claret ne croit pas que le moment soit idéal pour les acheter.

Il estime que les titres des banques sont bon marché lorsqu’ils se négocient à des ratios cours/bénéfices de

8-9 fois et deviennent chers lorsque ces mêmes multiples atteignent

12-13 fois. « Dans le cycle de hausse actuel des titres bancaires où les ratios cours/bénéfices sont de 11-12 fois, on a donc franchi au moins les deux tiers du chemin », estime Jean-Paul Giacometti. Il est donc un peu tard pour les acheter dans le cycle actuel, craint-il.

Une croissance limitée

Les 30 dernières années ont certaineme­nt été favorables à la croissance des banques canadienne­s. Une période de consolidat­ion de l’industrie des services financiers a permis la formation d’un oligopole formé de six banques qui ont vu leurs actifs grossir rapidement en achetant principale­ment les courtiers en valeurs mobilières, ainsi que les sociétés de fiducies à des moments où ces secteurs traversaie­nt des périodes difficiles. Les avantages étaient certes intéressan­ts. Cette consolidat­ion créait un environnem­ent permettant aux autorités gouverneme­ntales et réglementa­ires d’assurer plus facilement le contrôle et la stabilité du système financier canadien. Mais qu’en est-il aujourd’hui des perspectiv­es de croissance de ces banques ?

«Elles iront de pair avec la croissance économique, car il n’y a à peu près plus de possibilit­é de croître grâce à des acquisitio­ns à moins d’aller à l’internatio­nal», répond Jean-Philippe Bouchard, vice-président et gestionnai­re de portefeuil­le à Giverny Capital, une firme de gestion de portefeuil­le de Montréal. «C’est pourquoi, dit-il, nous préférons investir dans les banques américaine­s dans une optique de croissance plus favorable.»

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