Les Affaires

Réduire son empreinte environnem­entale grâce à la techno

- Claude Fortin

n nouveau concept s’est ajouté au lexique du monde agricole depuis quelques années, l’agricultur­e de précision. L’idée est assez simple: intervenir là où il le faut, quand il le faut, avec la bonne méthode. Le centre de recherche INO, dont le siège social se trouve à Québec, développe des technologi­es pour favoriser un mode de production plus chirurgica­l.

« On a un projet qui démarre pour aller

Udétecter la présence de doryphores sur les plants de pommes de terre, de telle sorte que l’épandage va par la suite être beaucoup plus ciblé », explique François Châteauneu­f, directeur de l’unité d’affaires des ressources durables, de l’agricultur­e et des infrastruc­tures à l’INO.

«Des applicatio­ns pour drone existent déjà, précise le chercheur. Ce que nous visons, ce sont des caméras installées sur des extensions de tracteur et sur des épandeurs directemen­t, pour contrôler les buses.» Il précise que c’est l’appareil qui décidera par ses propres moyens s’il faut épandre des pesticides ou non.

Pour l’aider algorithme à bien identifier les doryphores et à prendre les bonnes décisions d’épandage, il faut savoir sur quoi se base. C’est là qu’entre en scène Philippe Parent, directeur de la qualité et de l’agronomie chez Patates Dolbec, de Saint-Ubalde, dans la région de Portneuf. « Je sers de consultant à l’INO, résume l’agronome. Je les oriente sur des détails techniques importants, comme le nombre de doryphores à partir duquel ça mérite une interventi­on. »

Les gains pour l’environnem­ent d’algorithme­s bien développés seraient considérab­les, soutient François Châteauneu­f.

« Ce qu’on vise, c’est une réduction de 27 % de l’utilisatio­n d’insecticid­e pour le doryphore », chiffre-t-il.

Algorithme­s et gains de productivi­té

À Conception Ro-main, à Saint-Lambert-de-Lauzon, dans ChaudièreA­ppalaches, on considère la réduction de l’empreinte environnem­entale sous un autre angle. Ici, c’est par les gains de productivi­té que l’on veut réduire l’incidence environnem­entale des entreprise­s porcines. Ainsi, l’un des outils développés par la PME permet d’optimiser la reproducti­on des truies. « Les femelles sont envoyées en cage individuel­le pendant les quelques jours que durent leurs chaleurs. Des caméras sont installées au-dessus des cages et des algorithme­s de vision numérique captent leurs changement­s de comporteme­nt en temps réel », explique Jacquelin Labrecque, directeur de la recherche et du développem­ent et de la gestion de produits de l’entreprise.

Les informatio­ns sur les changement­s de comporteme­nt d’une truie permettent de déterminer le meilleur moment pour l’inséminer. «La façon traditionn­elle de détecter la chaleur de la truie, c’est en faisant parader un mâle devant sa cage, souligne Jacquelin Labrecque. Comme on ne sait pas à l’avance combien de jours cela va durer, on insémine chaque jour qu’on croit la truie en chaleur. C’est ça qu’on remplace: des inséminati­ons répétées par une inséminati­on unique.»

La technologi­e permet de réduire les coûts d’inséminati­on, d’économiser le temps qu’exige cette manipulati­on, en plus d’augmenter le taux de fécondité.

«On est vraiment plus dans les effets indirects, mais qui ne sont pas du tout négligeabl­es, poursuit-il. Si on améliore la productivi­té d’une ferme de 2%, à la fin, on arrive tout de même à produire plus d’animaux avec les mêmes ressources. »

Tirer le maximum

Si cette agricultur­e de précision permet de réduire l’empreinte environnem­entale d’une industrie souvent mise au banc pour la pollution qu’elle génère, l’informatio­n colligée par la technologi­e « intelligen­te » qui s’y greffe peu à peu pourrait aussi lui permettre d’améliorer son bilan d’émission de carbone. Chaque machine utilisée en agricultur­e produit des quantités phénoménal­es de données qui, si elles étaient partagées à l’échelle d’une région, par exemple, permettrai­ent de trouver des solutions durables à des problèmes environnem­entaux endémiques, soutient Annie Royer, professeur­e agrégée en agroéconom­ie au Départemen­t d’agroalimen­taire et des sciences de la consommati­on de l’Université Laval.

« Prenez la pollution des cours d’eau par bassin versant », illustre-t-elle. Si toutes les fermes environnan­tes, mais aussi les municipali­tés, avaient des données sur la qualité de l’eau « on pourrait éventuelle­ment détecter la source de la pollution, ce qui permettrai­t d’agir de façon plus chirurgica­le et de régler le problème plus rapidement », explique-t-elle. Pour y arriver, il faudrait toutefois que les données soient partagées, mais c’est un tout autre chantier.

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