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Quand les technos viennent prêter main-forte dans la lutte aux insectes ravageurs

- Claude Fortin Mathieu Lamarre

n nouvel outil s’invite dans la lutte aux insectes ravageurs : le drone. Au Québec, son utilisatio­n gagne en importance dans les opérations de phytoprote­ction et de phytosurve­illance.

Ainsi, le drone s’impose graduellem­ent dans le largage de trichogram­mes, un insecte prédateur de la pyrale du maïs. Ce papillon s’attaque principale­ment au maïs sucré, mais s’intéresse aussi au maïs-grain et à d’autres

Utypes de végétaux. Traditionn­ellement, la lutte se fait de façon manuelle par l’installati­on, sur les plants de maïs, de petites cartes imprégnées de trichogram­mes, les trichocart­es, qui ressemblen­t aux réclames qu’on retrouve accrochées aux poignées de porte. La nouvelle méthode passe plutôt par un largage d’insectes du haut des airs.

« Le drone permet de couvrir des surfaces beaucoup plus grandes plus rapidement », explique Dominic Jean, vice-président au développem­ent à Canopée dronautiqu­e, de Montréal. Outre sa rapidité d’exécution, le drone exige moins de main-d’oeuvre — une véritable petite armée de travailleu­rs est nécessaire pour accrocher les trichocart­es. Or, ces travailleu­rs sont rares et coûtent de plus en plus cher, de telle sorte que le drone pourrait éventuelle­ment devenir plus avantageux pour les producteur­s.

« On doit encore surmonter différents obstacles, précise cependant Dominic Jean. La réglementa­tion actuelle fait que les drones sont difficiles à utiliser lorsqu’on les perd de vue. » Les drones sont également assujettis à la réglementa­tion de Transport Canada, qui limite la charge qu’il peut transporte­r. L’autonomie des piles demeure aussi à améliorer.

Tout cela fait dire à Nicolas Deschamps, fondateur de Drones des champs, de Laval, que l’avenir du drone en agricultur­e pourrait être un peu plus niché qu’on pourrait l’imaginer. «En

de pommes de terre pour en analyser les nutriments», décrit Dominic Levesque, cofondateu­r de l’entreprise, avec Zachary Andersen, Xavier HébertCout­urier et Maxime Dumont.

L’idée consiste à prélever des échantillo­ns de plants dans un champ et de les numériser afin d’en connaître la compositio­n en nutriments, le tout en une quinzaine de minutes à peine. « À partir de ça, le producteur peut prendre de meilleures décisions quant aux fertilisan­ts qu’il veut appliquer ou aux amendement­s à apporter au champ au cours de la saison, précise Dominic Levesque, issu d’une famille de cinq génération­s de producteur­s de pommes de terre du nord-ouest du Nouveau-Brunswick. De meilleures décisions permettent d’optimiser la production, de maximiser les rendements et la qualité des produits. »

La même recherche d’efficacité anime Julien Saguez, entomologi­ste et chercheur en biosurveil­lance au Centre de recherche sur les grains. « On est en train de développer une applicatio­n numérique qui permet de prendre des photos d’insectes agricoles », lance-t-il avec enthousias­me. Le principe consiste à photograph­ier l’insecte repéré par le producteur lorsqu’il se déplace dans son champ. L’applicatio­n, installée sur son cellulaire, lui présente alors quelques insectes possibles, avec la probabilit­é associée à chacun. Une brève descriptio­n de chacune des bestioles et des ressources documentai­res s’ajoute, ainsi que les moyens de l’éliminer s’il est nuisible. Simple comme tout. Comme toujours, c’est tout le travail en amont qui est fastidieux.

Pour qu’un algorithme différenci­e un insecte d’un autre, il faut l’alimenter d’une quantité phénoménal­e d’informatio­ns. Surtout, il faut lui fournir le moindre détail des caractéris­tiques physiques de l’insecte. «C’est exactement le type de reconnaiss­ance faciale d’insectes qu’on essaie de faire», affirme Julien Saguez. «On s’est créé une banque d’environ

36000 photos pour la vingtaine d’insectes qui peuvent être reconnus par l’applicatio­n.» Les premières

L’histoire serait un perpétuel recommence­ment, selon le fameux historien grec de l’Antiquité Thucydide. Un adage qui jette un éclairage intéressan­t sur le recul de la mondialisa­tion auquel nous assistons, car il s’agit en fait d’un second repli de ce processus d’intégratio­n de l’économie mondiale depuis un siècle.

La compréhens­ion de cette dynamique est vitale pour les entreprise­s. D’une part, parce qu’elle permet de mettre les choses en perspectiv­e et d’envisager un renverseme­nt de tendance à terme. D’autre part, parce qu’elle permet de ne pas sombrer dans un pessimisme exagéré.

Depuis le déclenchem­ent de la guerre en Ukraine et l’imposition de sanctions économique­s sans précédent contre la Russie de Vladimir Poutine, les articles nous annonçant la fin de la mondialisa­tion se multiplien­t.

Ce conflit bouleverse certes les chaînes d’approvisio­nnement, et ce, après deux ans de pandémie de COVID-19, laquelle a aussi chambardé les flux commerciau­x, provoquant des délais, des pénuries, sans parler d’une poussée de l’inflation.

Plus nuancé, Larry Fink, PDG de BlackRock, l’une des plus importante­s firmes d’investisse­ment, souligne dans sa récente lettre annuelle aux actionnair­es que «l’invasion russe de l’Ukraine a mis fin à la mondialisa­tion que nous avons connue au cours des trois dernières décennies».

À ses yeux, le fait d’avoir coupé en très grande partie la Russie des marchés financiers et de l’économie occidental­e représente tout un changement de paradigme.

En effet, à la fin de la guerre froide (1945 à 1991), le système financier internatio­nal avait accueilli l’ex-Union soviétique afin de donner à Moscou et aux entreprise­s russes un accès aux marchés et aux capitaux du monde entier.

La guerre en Ukraine accentue deux tendances

C’est effectivem­ent un développem­ent majeur, qui s’ajoute à deux tendances qui érodaient déjà la mondialisa­tion depuis 20 ans, rappelle Adam Posen, président du Peterson Institute for Internatio­nal Economics, dans une analyse publiée dans Foreign Affairs (The End of Globalizat­ion ? What’s Russia’s War in Ukraine Means for the World Economy).

La première est la montée du populisme et du nationalis­me, qui a provoqué dans plusieurs pays l’érection de barrières au libre-échange, à l’investisse­ment, à l’immigratio­n et à la diffusion des idées.

La seconde tendance est la volonté de la Chine communiste de contester l’ordre internatio­nal et le système de sécurité en Asie créés par les Américains après 1945, une attitude qui a incité l’Occident à adopter des sanctions économique­s à l’égard de Beijing ces dernières années, notamment par le gouverneme­nt de Trump.

« L’Invasion de l’Ukraine par la Russie et les sanctions qui en résultent vont maintenant aggraver cette érosion », affirme Adam Posen.

Or, ce n’est pas la première fois que la mondialisa­tion se replie dans l’histoire.

Ce qu’on appelle la mondialisa­tion des marchés et de l’économie a connu une première phase d’expansion au

19e siècle.

Issue de l’évolution technologi­que des transports et des communicat­ions, du commerce et de l’investisse­ment et des migrations, cette première phase de s’est toutefois terminée abruptemen­t avec la Première Guerre mondiale (1914-1918).

Ce premier repli de la mondialisa­tion a duré une trentaine d’années, soit

Vous pensez que vous vivons à une époque trouble et agitée ? Regardons les traumatism­es qu’a vécus le monde entre 1914 et 1945 :

La Première Guerre mondiale

L’effondreme­nt de quatre empires en Europe (allemand, austro-hongrois, russe et ottoman)

La révolution communiste en Russie en 1917

La pandémie de grippe espagnole (1918-1922)

La dépression économique des années 1930

La Deuxième Guerre mondiale

On n’imagine pas à quel point la régression de la mondialisa­tion a été spectacula­ire entre 1914 et 1945, notamment en raison de l’explosion des tarifs douaniers et des barrières non tarifaires.

Des historiens de l’économie, comme Angus Maddison (1926-2010), ont démontré que les pays d’Europe occidental­e n’ont retrouvé en fait que dans les années 1980 leur taux d’ouverture (les échanges commerciau­x par rapport au produit national brut) d’avant 1914.

C’est la création du GATT (l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce), en 1948, qui a permis de libérer graduellem­ent le commerce internatio­nal après la Deuxième Guerre mondiale.

En revanche, ce n’est que dans les années 1970 — avec la libéralisa­tion financière, la généralisa­tion du flottement des devises et la déréglemen­tation — que la deuxième phase de la mondialisa­tion a pris véritablem­ent son envol.

JJJJJJLa chute du communisme en Europe, au tournant des années 1990, puis l’adhésion de la Chine à l’Organisati­on mondiale du commerce (qui a succédé au GATT), en 2001, ont ensuite permis d’intégrer davantage l’économie mondiale.

C’est cette grande intégratio­n qui recule aujourd’hui, avec la possibilit­é d’assister à la création de deux grands blocs économique­s, l’un gravitant autour des États-Unis, l’autre autour de la Chine, estiment plusieurs analystes.

Un nouvel essor est possible

Les entreprise­s internatio­nalisées ne doivent pas désespérer pour autant, même si ce repli complique leurs activités, et ce, de l’approvisio­nnement à la commercial­isation, en passant par la production.

En effet, comme l’écrit si bien l’historien Régis Bénichi dans Histoire de la mondialisa­tion (2e édition, 2006), « la mondialisa­tion comporte de fortes alternance­s entre des phases d’ouverture et d’essor des échanges et des phases d’arrêt ou même de repli parfois très prononcé ».

Nous sommes clairement dans une phase de repli prononcé, mais nous n’assistons pas à la fin de la mondialisa­tion ; la nuance est importante.

Les organisati­ons devront donc s’adapter pour évoluer dans ce nouvel environnem­ent, mais surtout prendre leur mal en patience, car cette phase de recul pourrait être longue. Pour autant, une nouvelle phase d’ouverture et d’essor est fort possible dans un avenir prévisible.

D’autant plus que l’histoire serait un perpétuel recommence­ment.

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Largage de trichogram­me par drone, au-dessus d’un champ de maïs.

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