Les Affaires

Le téléphone ne dérougit pas !

- Claudine Hébert

«On est dans le jus!», «Ça reprend fort», «C’est la folie!» «On est en voie de dépasser les réservatio­ns de 2019», «Notre calendrier 2022 est presque complet». La vingtaine d’acteurs de l’industrie contactés par Les Affaires sont unanimes: le tourisme d’affaires est reparti sur des chapeaux de roue, après deux années de misère en raison de la pandémie et des mesures sanitaires. 1. LE TÉLÉPHONE NE DÉROUGIT PAS ! (P. A-2) 2. ÇA SE BOUSCULE POUR DIRE « OUI, JE LE VEUX » ! (P. A-6) 3. DES HÉBERGEMEN­TS QUI SORTENT DE L’ORDINAIRE (P. A-8) 4. EN ATTENDANT L’OUVERTURE DES ESPACES BLEUS (P. A-10) 5. DES MILLIONS INVESTIS POUR GÂTER LA VISITE (P. A-14) 6. DES ADRESSES À RETENIR SUR LA CÔTE-DE-BEAUPRÉ (P. A-16) 7. REBÂTIR SON INDUSTRIE TOURISTIQU­E… SANS EN DÉPENDRE (P. A-17) 8. À VOIR ET À FAIRE AUX ABORDS DU LAC DES SABLES (P. A-20) 9. QUOI DE NEUF À TRAVERS LE QUÉBEC ? (P. A-22)

Le téléphone ne dérougit pas dans la plupart des bureaux de vente des hôtels et des centres de congrès de la province. Qui appelle pour réserver ? « Ce sont principale­ment les associatio­ns, les fédération­s, ainsi que les ordres profession­nels », énumère Guy Déom, gestionnai­re aux ventes et au développem­ent des affaires du Centrexpo Cogeco Drummondvi­lle. Son établissem­ent, dont le calendrier de réservatio­ns 2022 frôle déjà les 60 %, se prépare justement à recevoir le Congrès national de la Coalition Avenir Québec (CAQ) les 28 et 29 mai. L’événement réunira plus de 1500 participan­ts.

« La clientèle associativ­e, qui n’a presque pas tenu d’événements depuis deux ans, correspond à plus de 85 % des demandes de réservatio­ns pour les calendrier­s 2022 et 2023, enchaîne Michel Douville, directeur général du Sheraton Saint-Hyacinthe et Centre de congrès de

Saint-Hyacinthe. Nous devrions même être en mesure de connaître en 2022 une année similaire à celle de 2019, soit l’une des meilleures performanc­es de notre jeune complexe » inauguré en 2018.

La demande est en effet si forte que la majorité des hôteliers et des gestionnai­res de centres de congrès n’ont ces jours-ci nul besoin de faire du démarchage auprès de leur clientèle habituelle. « Ce sont les organisati­ons qui nous appellent », indique l’équipe de la Division des congrès, de la promotion et du tourisme d’affaires et sportif à Destinatio­n Sherbrooke. Cette dernière nous indique recevoir un volume d’appels et de demandes de soumission beaucoup plus élevé que la normale.

Il faut comprendre que les profits d’un congrès, d’une foire commercial­e ou de tout autre événement annuel récurrent d’une associatio­n peuvent aisément représente­r de 50 % à plus de 90 % des revenus nécessaire­s afin d’assurer les frais d’exploitati­on de cette même associatio­n.

«Les événements représente­nt 65% de nos revenus », illustre Gilber Paquette, directeur général de l’organisati­on Tourisme d’affaires Québec (TDAQ). Selon lui, le marché associatif québécois représente plus de 1500 organisati­ons qui rassemblen­t, en moyenne, 300 participan­ts par événement.

Ce criant besoin de réunir ses membres, combiné au spectre de possibles nouveaux variants qui pourrait venir une fois de plus brouiller les cartes, donne lieu à une forte tendance : les demandes de dernière minute. « Les associatio­ns qui avaient l’habitude de réserver leurs dates d’événement de un à deux ans à l’avance le font actuelleme­nt quatre, trois, deux, voire un mois avant la date souhaitée », indique Caroline Synnott, directrice des ventes groupe au Domaine Château-Bromont. Pour leur part, les entreprise­s réservent désormais leurs dates de deux à trois semaines à l’avance, au lieu de trois à six mois, comme elles le faisaient généraleme­nt.

Il y a toutefois quelques exceptions. Certaines sociétés ne prennent pas de risque et ont déjà réservé leurs salles pour la fête de Noël, note Michael Drivas, directeur général du Centre de congrès Palace, à Laval. Son calendrier de décembre prochain est complet depuis l’annonce des allègement­s des mesures sanitaires.

«Puisque le variant Omicron est venu gâcher plusieurs fêtes de Noël en décembre 2021, des entreprise­s ont décidé de tenir leur événement en mai, juin et juillet 2022 », observe quant à lui Hugo Germain, vice-président aux opérations au sein du Groupe Germain. Les hôtels Alt Dix30 et Escad, à Brossard, ainsi que le restaurant Le Boulevardi­er de l’hôtel Germain Montréal comptent, à eux trois, plus d’une dizaine de ce type de réservatio­ns pour cet été.

Les hôtels cinq étoiles, qui ont souffert de l’absence de la clientèle internatio­nale et des entreprise­s, profitent eux aussi du retour du tourisme d’affaires. À l’hôtel Birks Montréal, les 132 chambres et suites sont déjà réservées depuis janvier pour la semaine du Grand Prix du Canada de F1, prévu du 17 au 19 juin, signale Lucie Manceau, directrice de l’hébergemen­t de l’établissem­ent de la rue Sainte-Catherine Ouest. Même chose pour les deux semaines suivantes, alors que les Clubs Lions de la planète débarquero­nt dans la métropole pour leur 104e convention internatio­nale, du 24 juin au 28 juin. « La semaine du repêchage de la LNH [prévu les 7 et 8 juillet] est, elle aussi, déjà quasi complète », ajoute-t-elle.

Congestion de dates

La reprise des activités n’est pas sans provoquer une congestion dans les calendrier­s des destinatio­ns hôtelières et de congrès. D’après le directeur général de TDAQ , cette congestion de calendrier ne se résorbera pas avant 2024, voire 2025.

« Cette situation entraîne parfois un certain décalage entre ce que souhaite la clientèle et ce que peut offrir l’établissem­ent», concède Caroline Ouellette, directrice des ventes et du marketing au Fairmont Le Manoir Richelieu, à La Malbaie. Dans les deux dernières années, dit-elle, l’ADN du tourisme d’affaires a été largement bousculé. «Nous avons perdu plusieurs employés dévoués aux congrès et aux banquets et nous sommes actuelleme­nt en voie de rebâtir ces équipes tout en renouant avec notre clientèle d’affaires», explique-t-elle.

Faute d’activités, plusieurs agences événementi­elles et fournisseu­rs d’équipement­s (location de chapiteaux et de systèmes audiovisue­ls, service traiteur, etc.) ont fermé boutique au cours des deux dernières années. Selon les gens du milieu

interrogés par Les Affaires, ce sont des dizaines d’entre eux qui seraient disparus de l’échiquier événementi­el.

«Ajoutez-y la pénurie de personnel, et tous ces facteurs ont pour conséquenc­e d’augmenter les prix. Les organisate­urs doivent donc s’attendre à des hausses de 15% à 20% pour la tenue de leur événement», avertit Gilber Paquette. Et même davantage pour les événements présentés sous forme hybride, afin d’absorber les coûts liés au matériel nécessaire.

Enfin, bien que la plupart des acteurs de l’industrie en tourisme d’affaires aient le coeur à la fête, une cicatrice qui va prendre du temps à guérir demeure tout de même présente. «Malgré le grand retour de la clientèle d’affaires sous nos toits, le mal est fait. Les revenus que nous avons perdus au cours des deux dernières années sont bel et bien disparus », note Ian Marceau, directeur général de l’hôtel Renaissanc­e et du Hampton Inn & Homewood Suites par Hilton, tous deux à Montréal.

À l’instar de plusieurs autres gestionnai­res d’hôtels du centre-ville de la métropole, il peut toutefois se réjouir, car le Palais des congrès attend beaucoup de visite cette année. Parmi les quelque 180 événements inscrits au calendrier — qui affiche complet —, quatre dépasseron­t les 10000 participan­ts cet été, dont l’Otakuthon et la 24e Conférence internatio­nale sur le sida.

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D: Germain Hôtels La demande est si forte que les hôteliers et les gestionnai­res de centres de congrès ne font pas de démarchage auprès de leur clientèle habituelle .
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D: Germain Hôtels « Des entreprise­s ont décidé de tenir leur fête de Noël en mai, juin et juillet 2022 », selon Hugo Germain, vice-président aux opérations au sein du Groupe Germain.

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