Les Affaires

Les indicateur­s de performanc­e qualitatif­s ont fait un tour de DeLorean

- Catherine Charron 123RF

oudés depuis l’apparition du numérique, les indicateur­s de performanc­e qualitatif­s reprennent du galon dans l’arsenal des spécialist­es du marketing, alors que les habitudes de navigation changent et que les données quantitati­ves perdent en précision.

Le problème, c’est que leur mesure se fait bien moins automatiqu­ement. C’est peut-être pourquoi ils ont perdu de leur lustre dans l’industrie, qui observe aujourd’hui les données fluctuer en temps réel, glisse Benoit Skinazi, directeur du marketing de la plateforme de vente de publicités numériques Sharethrou­gh. Leur retour ne saurait toutefois tarder.

En effet, les publicités apparaisse­nt maintenant bien moins longtemps qu’auparavant devant les yeux des utilisateu­rs, le défilement infini permettant de passer rapidement sur le contenu qui ne leur plaît pas.

«Quand on se base sur les clics ou les taux de conversion

Bde nos bannières pour optimiser ces campagnes, ce n’est pas représenta­tif de la façon que consomment les individus. Ça ne suffit plus», prévient celui qui cumule plus de 12 ans dans le domaine.

De plus, la fin annoncée des témoins tiers obscurcira le suivi du parcours en ligne d’un client. Cela freinera l’applicatio­n des techniques vantées ces dernières années.

«La bulle de ciblage par comporteme­nt s’essouffle avec la nouvelle réglementa­tion. […] On revient à ce qui est parfaiteme­nt logique, soit aller là où le contexte s’y prête et où les probabilit­és que la personne soit intéressée à ce qu’on lui offre sont élevées», ajoute Clément Santa Maria, cofondateu­r du centre de formation La Fusée et associé de l’agence de marketing web Digitad.

Un coffre à outils plus garnis

Pour évaluer la qualité d’une campagne, trois facteurs gagnent en importance selon les deux experts : l’attention du public, la compréhens­ion du message et la pertinence de l’endroit où celui-ci est affiché.

« C’est un peu ironique, car on revient aux bonnes vieilles pratiques qu’on utilisait dans le passé, pour la publicité à la radio ou à la télé », souligne Clément Santa Maria.

Ne pouvant plus se fier aux données quantitati­ves pour le faire, de plus en plus de spécialist­es ont recours à des sondages ou à des études en cours de compagne et « a posteriori ». YouTube permet notamment de demander aux usagers s’ils ont aperçu du contenu concernant une des marques mentionnée­s.

« Si vous pouvez répondre à la question, c’est que vous avez vu et compris le message », résume Benoit Skinazi.

De nouveaux outils technologi­ques brossent aussi un portrait plus précis, comme en déterminan­t dans quelle position était tenu l’appareil sur lequel la publicité a été visionnée. L’entreprise québécoise Contxtful Technologi­es se targue d’ailleurs d’y parvenir sans accéder aux données privées du consommate­ur. directeur marketing, Sharethrou­gh

Les plateforme­s de diffusion de contenu comme TikTok — une pionnière en la matière selon les spécialist­es consultés — se sont attelées à la tâche de développer des indicateur­s pour évaluer la qualité de la compréhens­ion du message.

Facebook permet aussi de lancer des campagnes dont l’objectif est de jauger la reconnaiss­ance de la marque, ajoute l’associé de Digitad. « C’est totalement automatisé, donc avec une fiabilité un peu discutable. Mais pour les plus gros budgets, comme nous faisons avec Clarins, des ressources sont consacrées à aider l’analyse de ces données-là », explique-t-il.

Benoit Skinazi encourage les PME québécoise­s à interroger leurs partenaire­s médias sur leurs capacités à mesurer l’attention et la compréhens­ion des publicités, « que ce soit grâce à des études après ou en cours de campagne, ou même en amont, afin d’appliquer de meilleures pratiques dans la manière d’afficher du contenu publicitai­re ».

C’est surtout pour eux, d’ailleurs, croit Clément Santa Maria, que ce changement de paradigmes créera le plus de maux de tête. «Ce n’est pas une grosse marche à monter [pour les PME] comparée à celle de saisir que le numérique est indispensa­ble à toute stratégie marketing. L’aspect qualitatif est un complément naturel», estime-t-il.

« Le numérique a donné rapidement accès à des informatio­ns qu’on n’avait jamais connues avec la publicité traditionn­elle, mais elles ont leurs inconvénie­nts. Ce n’est pas un retour en arrière qu’on observe, c’est l’ajout d’une conception centrée sur l’humain. »

R.I.P les données quantitati­ves ?

Cela ne signifie pas pour autant que les indicateur­s de performanc­e quantitati­fs, comme la portée et le nombre d’impression­s ou de clics doivent être relayés aux oubliettes, préviennen­t les deux experts.

«La notion de volume est encore extrêmemen­t importante en marketing si on veut toucher une proportion suffisante de notre audience, précise le cofondateu­r de La Fusée. En revanche, c’est la fin des indicateur­s quantitati­fs analysés sans contexte.»

L’humain derrière le consommate­ur revient donc au coeur des processus de livraison des campagnes, croit Benoit Skinazi. «Le numérique a donné rapidement accès à des informatio­ns qu’on n’avait jamais connues avec la publicité traditionn­elle, mais elles ont leurs inconvénie­nts. Ce n’est pas un retour en arrière qu’on observe, c’est l’ajout d’une conception centrée sur l’humain.» Aussi bien s’y préparer dès aujourd’hui, car ça ne pourrait faire autrement que de gagner en importance dans le métavers, prévoit-il.

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La plateforme de diffusion de contenu Tik Tok est l’une des pionnières en la matière selon les spécialist­es. D:

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