Les Affaires

L’art de séduire les locataires de centres commerciau­x

- – Claudine Hébert

es propriétai­res des immeubles de bureaux ne sont pas les seuls qui remettent en question leurs méthodes de location. Les propriétai­res de centres commerciau­x le font déjà depuis près d’une dizaine d’années. En effet, selon des gestionnai­res qui supervisen­t ce type de transactio­ns, il existe des moyens pour demeurer attrayant.

Parlez-en à Marie-Andrée Boutin, vice-présidente exécutive et cheffe du développem­ent à Cominar. Elle et son équipe s’apprêtent à louer plus de 250000 pieds carrés de superficie en 2022.

Vous avez bien lu: Cominar n’est pas mort. Malgré la mégatransa­ction historique de 5,7 milliards de dollars qui a permis à un consortium mené par Canderel d’engloutir le portefeuil­le de la fiducie de placement immobilier en février dernier, le nom de la société demeure bien vivant. Le consortium de Canderel a d’ailleurs confié à son équipe de direction la gestion des activités de Cominar, dont la location de ses immeubles commerciau­x.

Donc, Cominar a développé des recettes pour attirer et maintenir les locataires sous le toit de ses immeubles. Maîtriser les données est la principale, note Marie-Andrée Boutin. «Quelle que soit l’adresse des espaces commerciau­x, il faut bien comprendre leur ADN. Avant de recruter un locataire, il faut aussi avoir en main toutes les données concernant les heures et les jours d’achalandag­e du centre commercial. Quel est son type de clientèle? Quels sont les commerces qui suscitent le plus de trafic?»

Pour attirer un locataire majeur, Cominar peut

Légalement investir entre 250 000 $ et plus d’un million de dollars en aménagemen­t, mentionnet-elle. « Lorsque nous ciblons un client, nous devons avoir tout en main pour lui montrer que nous avons l’espace idéal qui permettra à son organisati­on d’afficher une saine croissance. »

En 2021, elle et son équipe ont loué plus de 520000 pieds carrés d’espaces commerciau­x sur l’entièreté du portefeuil­le de Cominar avant la vente. «Cela n’égale pas les résultats des belles années, durant lesquelles Cominar louait annuelleme­nt entre 600000 et 650000 pieds carrés, reconnaît Marie-Andrée Boutin. Mais c’est tout de même 10% de plus qu’en 2019, année qui précède la pandémie.»

Cette performanc­e s’explique notamment par le virage de diversific­ation entrepris au début de 2020. «Au cours des deux dernières années, plus de 65% des espaces ont été loués à des détaillant­s de biens essentiels (épicerie, pharmacie…), d’articles et accessoire­s de sport ainsi qu’à des bannières de quincaille­ries », précise-telle. Plusieurs de ces nouveaux locataires ont signé des baux de 10 ans et plus. Certains occupent les locaux laissés vacants par la fermeture des magasins à rayons Sears.

Il y a aussi les pop-up

À l’agence de courtiers immobilier­s JLL, où les équipes travaillen­t à la fois pour des propriétai­res et des locataires (restaurate­urs et détaillant­s), la maîtrise des données figure, elle aussi, parmi les principaux éléments clés de la location d’espaces commerciau­x. « L’ouverture d’esprit des deux parties favorise également la signature d’ententes, fait remarquer Manon Larose, vice-présidente senior du secteur du commerce de détail. Le modèle des boutiques pop-up, qui permet des locations d’espaces sur une durée de moins de 18 mois, en est un bel exemple.»

JLL représente entre autres le détaillant Levi’s. En 2020, elle a convaincu le propriétai­re du Carrefour de l’Estrie, à Sherbrooke, et du centre commercial Les Rivières, à Trois-Rivières

(le Groupe Mach), d’accueillir l’enseigne américaine pour un an. «Le concept de la boutique pop-up donne l’occasion au détaillant de tester l’adresse en temps réel. Cette stratégie lui permet de minimiser les risques et les erreurs que pourrait générer le choix d’une mauvaise adresse, explique Manon Larose. Il permet aussi de créer un effet halo (attirer une nouvelle clientèle) au sein du centre commercial qui profite aux boutiques voisines.»

Dans les deux cas, ajoute-t-elle, l’expérience s’est révélée concluante. «Une fois l’entente pop-up terminée, le détaillant Levi’s a non seulement conservé le même local, il a confirmé une entente permanente de plus de cinq ans aux deux endroits», signale la courtière. Elle tient à préciser que ce modèle demeure du cas par cas. Il n’y a pas de règles établies; cela demande tout simplement de la flexibilit­é de la part des deux parties.

«En résumé, l’une des meilleures stratégies pour trouver des locataires est de ne pas attendre que le téléphone sonne, affirme la gestionnai­re. Il faut aller au-devant des clients. En fait, il faut déjà connaître leurs besoins avant même de les avoir comme clients. Ce qui fait partie de la maîtrise des données.»

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