Les Affaires

La force du réseau de Princecraf­t

- Emmanuel Martinez

e roi de Princevill­e, c’est Bateaux Princecraf­t. Avec ses quelque 390 employés répartis dans quatre installati­ons de cette ville d’environ 6000 habitants du Centre-du-Québec, ce fabricant d’embarcatio­ns en aluminium pèse lourd dans l’économie locale. Et c’est sans compter ses nombreux fournisseu­rs situés dans la municipali­té.

La PME fondée en

1954 a le vent dans les voiles depuis le début de la pandémie.

« Si on produisait 60 % de plus que présenteme­nt, on écoulerait la marchandis­e facilement, explique Jean-Philippe Martin-Dubois, directeur du marketing et de l’expérience client. On a de la demande de partout, c’est incroyable. » Il précise qu’au Canada, « il se vend de 10 000 à

12 000 pontons par année », et qu’un nombre encore plus élevé est distribué au Wisconsin et au Minnesota, respective­ment. « Aucun manufactur­ier n’est en mesure de répondre à ça ! »

LMiser sur l’entraide

En cette période de difficulté­s d’approvisio­nnement et de rareté de main-d’oeuvre, Princecraf­t et ses fournisseu­rs locaux ont donc dû faire preuve d’agilité pour répondre à l’engouement. Son modèle d’affaires repose sur une relation étroite avec ses collaborat­eurs, qui lui fournissen­t les pare-brise, les toiles, les toits et l’ameublemen­t pour les embarcatio­ns. Le fabricant se charge de découper l’aluminium et de bâtir l’armature de ses navires, avant de mettre en place les composants livrés en mode « juste-à-temps ».

« On a la chance d’avoir vendu la production au complet à l’avance, précise Jean-Philippe Martin-Dubois. En ce moment, on planifie la fabricatio­n pour 2023. Nos fournisseu­rs savent déjà ce qui s’en vient et peuvent sécuriser leur approvisio­nnement. »

Il arrive cependant que tout n’aille pas comme prévu. C’est là que la proximité favorise l’entraide.

«On consomme parfois les mêmes matériaux, dont le bois de placage, illustre Jacques Thibodeau, président et copropriét­aire de Wes Industrie et de Découpage Axis, qui font notamment les viviers, les tableaux de bord et les bases des sièges en plastique. Si Princecraf­t manque de bois, on va leur en fournir et vice-versa. Il arrive que ce soit une tempête en hiver qui retarde une livraison d’une semaine, mais il ne faut pas que cela nous empêche de travailler. »

Le grand aide le petit

Princecraf­t appartient au groupe américain Brunswick Corporatio­n depuis 2001. Cela lui procure un pouvoir d’achat beaucoup plus grand que ce qu’elle avait à titre de PME québécoise, tout en lui donnant accès à un carnet de contacts inégalé. Remeq, un constructe­ur de remorques de Princevill­e qui livre un de ses produits avec presque chaque bateau vendu par Princecraf­t, en a d’ailleurs profité.

« L’approvisio­nnement en roues a été un gros problème durant la pandémie, car on en consomme environ

10 000 par année, mentionne Frédéric Martel, son directeur général. Princecraf­t nous a aidés à trouver des fournisseu­rs, puisque leur groupe a plusieurs partenaire­s fabricants. On a de la chance, car on a eu des occasions qu’on n’aurait pas pu avoir autrement. »

Le partage d’informatio­n est aussi très utile, fait valoir Jacques Thibodeau. Puisque Brunswick

Corporatio­n consomme énormément certains matériaux, comme de l’aluminium, il est en mesure de refiler à ses partenaire­s des données précieuses sur les délais de livraison.

En raison de la taille de sa maison-mère, Princecraf­t acquiert également des matériaux pour ses fournisseu­rs, afin de profiter d’économies d’échelle.

Tissés serré

De 50% à 80% du chiffre d’affaires des fournisseu­rs de Princecraf­t dépend de leur «grand frère». Mais cette symbiose va plus loin. Par exemple, ANP a été créé par un ancien employé.

«Mon père a travaillé 25 ans pour Princecraf­t avant de démarrer l’entreprise en 1985, alors qu’il était contremaît­re, parce que le rembourreu­r n’arrivait pas à répondre aux besoins, explique le propriétai­re et président, Sébastien Noreau. On a à coeur le sort de Princecraf­t, avec qui on a une super belle entente. »

L’avantage de la proximité est indéniable quand vient le temps de trouver des moyens d’économiser et de régler des problèmes. S’il y a un bris sur une pièce, pas besoin de s’échanger des photos et de subir les délais de livraison. Un simple appel et le fournisseu­r arrive sur place cinq minutes plus tard pour remplacer le morceau endommagé.

«Tous les jours, ils livrent en juste-à-temps, ajoute Jean-Philippe MartinDubo­is. Ils ne sont pas pris dans le trafic. Pour des rencontres, c’est facile: pas besoin de prendre l’avion ou de faire de la route.»

Cette formule permet ainsi à Princecraf­t d’éviter de gérer des stocks, car elle n’a pas besoin d’entreposer tout ce qui provient de ses partenaire­s locaux. S’il y a de pépins d’approvisio­nnement ou de production, il est aussi beaucoup plus aisé de s’adapter pour ne pas ralentir la cadence.

«Cela a pris 30 ans pour bâtir ce réseau-là, résume le porte-parole du fabricant. La maison-mère a d’autres entreprise­s d’embarcatio­ns et elle voit que c’est une histoire à succès qu’on a ici.»

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