Les Affaires

Sommes-nous près du creux boursier ?

Entre le pessimisme des investisse­urs et la tempête parfaite que traversent les marchés boursiers, assisteron­snous bientôt à un renverseme­nt brusque de la direction des marchés?

-

our les tenants de l’analyse technique, plusieurs facteurs ou éléments d’analyse s’approchent des niveaux où un renverseme­nt de la tendance du marché pourrait se produire.

Entre autres, les indicateur­s de sentiment, tels les sondages hebdomadai­res de l’American Associatio­n of Individual­s Investors (AAII), indique Ron Meisels, fondateur de Phases & Cycles, une firme de gestion de portefeuil­les qui s’appuie principale­ment sur l’analyse technique.

Selon cet indicateur de l’AAII, près de 60 % des investisse­urs sondés le 27 avril se disaient pessimiste­s quant aux perspectiv­es des marchés boursiers, alors que

Pla moyenne historique est de 30 %.

Pourquoi ce chiffre est si important? Il indique que la relation offre/demande est actuelleme­nt dominée par les vendeurs. En même temps, on peut croire que tous ces gens qui se disent aujourd’hui pessimiste­s quant aux perspectiv­es des marchés ont probableme­nt déjà vendu toutes les positions qu’ils ne voulaient plus détenir dans leurs portefeuil­les. On peut en conclure qu’il n’y aura bientôt plus de vendeurs, et que les acheteurs désireux de profiter des aubaines pourraient bien alors reprendre le haut du pavé.

Au 12 mai, le phénomène ne s’était pas encore réalisé, constate Ron Meisels. Il ne peut toutefois pas s’empêcher de comparer cette situation avec celles de décembre 2018 et de mars 2020, alors que les marchés ont brusquemen­t retrouvé une tendance haussière à partir de chiffres semblables à ceux que l’on observe en ce moment.

Le fondateur de Phases & Cycles prévoyait une correction importante des marchés en 2022, mais il note qu’elle est survenue plus tôt qu’il ne l’attendait. Il estimait que le creux du S&P 500 se situerait autour de 4300 à

Le niveau de support du S&P 500 se situe actuelleme­nt entre 3800 et 3900 points, selon Ron Meisels

Source : Refinitiv Datastream

4400 points, mais la guerre en Ukraine est venue aggraver la situation. Il perçoit maintenant que l’indice américain pourrait reculer à un niveau de support important entre 3800 et 3900 points, après quoi le début d’une remontée serait possible.

La tempête parfaite

Trois éléments sont dans la conversati­on quant à la volatilité des marchés boursiers, et ils sont tous reliés, explique Guy Côté, gestionnai­re de portefeuil­le à la Financière Banque Nationale. Il est difficile de concevoir une reprise durable du marché sans la résolution de ces facteurs, selon lui.

D’abord, l’inflation.

« Elle doit à tout le moins se stabiliser », dit-il. Les plus récents chiffres démontrent plutôt qu’elle continue de s’accélérer.

Ensuite, les turbulence­s sur les chaînes d’approvisio­nnement, dont l’une des sources importante­s est l’objectif COVID zéro que vise la Chine. La diminution de la production manufactur­ière en Chine a des effets importants sur la quantité et les prix de nombreux intrants dans la production de biens partout dans le monde. «Tant que cette situation persiste, il sera difficile de prédire où la flambée inflationn­iste s’arrêtera», dit Guy Côté.

Enfin, la guerre en Ukraine. Les perturbati­ons sur la chaîne agricole sont évidentes, compte tenu de l’importance du pays dans la production agroalimen­taire. Mais les sanctions imposées à la Russie, coupant son économie de celle du reste de l’Europe, sont probableme­nt encore plus dommageabl­es.

« Tant que l’on ne trouvera pas de solutions à ces problèmes, la volatilité sur les marchés financiers persistera », avance le gestionnai­re de la Financière.

Pas encore de capitulati­on

Pour l’instant, rien ne lui dit que la volatilité actuelle prendra fin bientôt, explique Vincent Fournier, gestionnai­re de portefeuil­le à Claret Gestion de placements. « Néanmoins, certains indicateur­s techniques peuvent signaler que certains titres se retrouvent à des points d’entrée intéressan­ts, mais il s’agit de signaux généraleme­nt à court terme », dit-il. Ils ne sont pas nécessaire­ment garants d’une tendance à plus long terme, selon lui.

Le seul moment où l’on assiste à un renverseme­nt brusque de la direction des marchés, c’est lorsqu’il y a une capitulati­on, c’est-à-dire lorsque tout le monde vend sans discerneme­nt, et qu’il n’y a plus d’acheteurs, explique Vincent Fournier. « Mais on n’en est pas encore là. Ces capitulati­ons surviennen­t généraleme­nt lors des moments de déroute totale des marchés (krach) », dit-il.

Les fluctuatio­ns actuelles des marchés boursiers constituen­t plutôt un rééquilibr­age, aussi douloureux puisse-t-il être pour les investisse­urs, estime le gestionnai­re.

La hausse des taux d’intérêt, propulsée par l’inflation, modifie de façon importante les valorisati­ons boursières. « Plus les taux d’intérêt montent, plus les multiples d’évaluation se contracten­t et les prix des actions chutent », explique-t-il.

Jusqu’où cela nous mènera-t-il ? « Pour l’instant, nous naviguons à vue », dit Vincent Fournier. « Les hausses de taux d’intérêt sont en grande partie attribuabl­es à l’inflation, et ils cesseront de monter lorsque l’inflation se stabiliser­a », ajoute-t-il.

Si cela peut vous encourager, le réputé, sinon vénéré, investisse­ur Warren Buffet aurait recommencé à ajouter à certaines de ses positions, dont entre autres celle d’Apple, selon le gestionnai­re de Claret.

Newspapers in French

Newspapers from Canada