Les Affaires

Gagner en Bourse en payant plus cher

- – R.L.

u moment où le style valeur semble revenir en force, le style croissance connaît actuelleme­nt une période difficile causée notamment par les hausses de taux d’intérêt. À l’extrême, les sociétés les plus surévaluée­s, et souvent parmi les favorites des investisse­urs depuis mars 2020, ont pratiqueme­nt perdu tous leurs gains, voire davantage.

Il n’en demeure pas moins que certaines entreprise­s parmi les plus profitable­s des dernières décennies, pensons à Nvidia (NVDA, 173,80$US), Tesla (TSLA, 716,72$US) ou Amazon (AMZN, 2 170,77$US), n’ont jamais été réellement abordables et sont toujours restées en dehors du radar des investisse­urs de style valeur. La question est donc pertinente: est-ce possible de concevoir une stratégie gagnante en Bourse, en acceptant de payer plus cher pour des titres? Partha Mohanram, professeur titulaire de la Chaire John H. Watson des placements axés sur la valeur à l’École de gestion Rotman de l’Université de Toronto, a tenté d’y répondre.

La recherche universita­ire indique que les placements axés sur la valeur fonctionne­nt au fil du temps, mais

Partha Mohanram a constaté l’inverse à l’égard des placements axés sur la croissance. Par contre, son article de recherche intitulé Separating Winners from Losers among Low Book-to-Market Stocks using Financial Statement Analysis (Séparer les gagnants des perdants parmi les actions à faible ratio valeur comptable/ valeur du marché en utilisant l’analyse des états financiers) passe en revue les huit critères utilisés

Apour distinguer les titres de croissance qui poursuiven­t leur trajectoir­e ascendante de ceux qui stagnent. J Ratio valeur comptable/valeur du marché: le premier critère de cette démarche exige qu’un titre se situe dans les 20% les plus faibles du marché en fonction du ratio valeur comptable/valeur du marché, et filtre donc les entreprise­s les plus chères.

J Rendement de l’actif: ce critère requiert que le rendement de l’actif du plus récent exercice soit supérieur à la moyenne du secteur.

J Flux de trésorerie d’exploitati­on par rapport à l’actif: la prochaine exigence veut que les flux de trésorerie liés à l’exploitati­on par rapport à l’actif du plus récent exercice financier surpassent la moyenne du secteur.

J Flux de trésorerie d’exploitati­on par rapport à l’actif / rendement de l’actif: cette méthodolog­ie exige également que les flux de trésorerie d’exploitati­on par rapport à l’actif pour l’exercice le plus récent soient supérieurs au rendement de l’actif.

J Écart du rendement

Rendements historique­s de près du double de l’indice S&P 500

Valeur ajoutée relativeme­nt stable d’année en année depuis 2006, même dans les périodes moins favorables au style croissance

Stratégie basée sur la recherche académique récente

Stratégie basée sur la recherche universita­ire récente

Utilisatio­n de critères purement quantitati­fs sans interventi­on humaine ni émotion

Malgré l’évaluation aux 28 jours, la fréquence de rotation fut historique­ment peu élevée

JJJJJJLe style croissance est actuelleme­nt en défaveur : le portefeuil­le est en recul de 25 % depuis le début de l’année, contre 13 % pour l’indice S&P 500 (au 6 mai 2022).

La stratégie peut mener à des écarts sectoriels notables.

JJde l’actif : les entreprise­s qui affichent une croissance constante sont plus susceptibl­es de soutenir cette croissance à l’avenir. Pour analyser cela, cette méthodolog­ie recherche des titres dont l’écart du rendement de l’actif est inférieur à la moyenne du secteur.

J Écart des ventes: en plus de la cohérence du rendement de l’actif, cette méthodolog­ie recherche également la cohérence des ventes comme deuxième indicateur d’une croissance constante.

J Publicité par rapport à l’actif: cette méthodolog­ie recherche les entreprise­s qui sont prêtes à investir dans l’avenir au détriment des bénéfices actuels. Un écart supérieur à la moyenne du secteur des dépenses publicitai­res par rapport à l’actif représente le premier indicateur de ce critère.

JDépenses en immobilisa­tions par rapport à l’actif: l’accent placé sur les dépenses en immobilisa­tions constitue le deuxième indicateur d’une entreprise qui investit pour son avenir. Les entreprise­s qui investisse­nt dans des dépenses en capital démontrent également une volonté de renoncer aux bénéfices courants en échange d’une croissance future. Pour mesurer cela, cette méthodolog­ie recherche des dépenses en capital par rapport à l’actif supérieure­s à la moyenne du secteur.

JRecherche et développem­ent par rapport à l’actif: l’engagement d’une entreprise envers la recherche et le développem­ent représente le dernier indicateur d’une société qui investit pour son avenir. Par conséquent, elle vise également que les dépenses en recherche et développem­ent par rapport à l’actif soient supérieure­s à la moyenne du secteur.

Il s’agit donc de relever, parmi les entreprise­s les plus chères, celles qui répondent le plus aux critères énumérés précédemme­nt.

Croissance possible

En sélectionn­ant 10 titres qui répondent à ces huit critères et en les réévaluant sur une base mensuelle, la stratégie a produit un rendement annualisé moyen de 14,2% depuis 2006, loin devant les 7,4% de l’indice S&P 500, soit une valeur ajoutée de 6,8% en moyenne par année.

Sur une base cumulative, le portefeuil­le a affiché une croissance de 754,3,8%, soit 537,9% de mieux que l’indice de référence, avec une volatilité de portefeuil­le identique.

Parmi les titres pertinents, on retrouve des titres technologi­ques, dont Semtech (SMTC, 58,23$ US) et Box (BOX, 28,06$ US), mais, de façon plus surprenant­e, des titres issus de secteurs plus convention­nels, dont Valvoline (VVV, 28,67$ US), WD 40 Company (WDFC, 183,86$ US) et, Pepsico (PEP, 169,53$ US).

Richard Langevin,

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