Les Affaires

Le CELI de Michel Gauthier : un pipeline de dividendes

Pleins feux sur mon CELI est une rubrique où des investisse­urs individuel­s partagent avec nous leurs bons et mauvais coups en investisse­ment tout en soumettant leur portefeuil­le à l’analyse d’un pro.

- Jean Décary

e natif du Lac-SaintJean, aujourd’hui domicilié à Québec, est un gars profession­nellement occupé. Après avoir travaillé 10 ans dans le secteur des mines et du pétrole, notamment à Fort McMurray, en Alberta, il vient de terminer un cours de plomberie et travailler­a cet été à la réfection du réseau d’aqueduc de la Capitale-Nationale.

L’hiver, il fait partie de l’équipe de déneigemen­t de l’aéroport JeanLesage. Il est aussi réserviste dans les Forces armées canadienne­s. Et c’est sans compter le temps qu’il passe à bonifier sa chaîne YouTube «MG Finance» et sa page Facebook du même nom, deux passe-temps consacrés à l’investisse­ment. « Mes occupation­s surprennen­t un peu les gens. Disons que je me garde très occupé.»

Quand il ne travaille pas à l’un de ses trois emplois, Michel

Gauthier s’entraîne et fait des triathlons.

L’homme de 43 ans avoue être arrivé sur le tard dans le monde des valeurs mobilières.

C« Jeune, j’aurais aimé être mieux renseigné en matière de finances personnell­es. Comprendre tôt, par exemple, l’importance des intérêts composés. » Il va développer sa frugalité avec les années et rapidement combler ses lacunes en investisse­ment à compter de 2013, entre autres grâce aux conseils de Tom Sosnoff, un ancien teneur de marché

(market maker) à la Bourse des produits dérivés de Chicago. « Il a créé la plateforme transactio­nnelle Thinkorswi­m, qui a été vendue en 2009 à TD Ameritrade. C’est lui qui va le plus influencer mon parcours financier. » Il porte aussi un vif intérêt aux enseigneme­nts de l’animateur, auteur et homme d’affaires Dave Ramsey, qui prêche notamment (à la radio et dans ses livres) l’importance de ne pas traîner de mauvaises dettes.

Le nouvel investisse­ur va suivre une formation avec DayTrader Canada et se plonger le nez dans plusieurs livres, dont Get Rich with Dividends de Marc Lichtenfel­d. Intéressé à pousser plus loin son apprentiss­age, il explorera le secteur des produits dérivés et lira des livres sur la négociatio­n d’options d’achat, comme

How to Price and Trade Options, d’Al Sherbin, et

Positional Option Trading, d’Euan Sinclair.

Michel Gauthier attendra la vente de son immeuble à revenus en 2016 avant d’ouvrir un CELI et d’y investir. « J’avais été échaudé par mon expérience en immobilier et je voulais prendre le temps de bien m’éduquer avant de déployer mon argent sur les marchés boursiers. »

Il décide d’axer son CELI strictemen­t sur le marché canadien afin d’éviter la retenue à la source de 15% pour les dividendes étrangers. «Je me suis concentré sur les entreprise­s canadienne­s qui versent des dividendes: les pétrolière­s, les sociétés de télécommun­ication et les banques.» Il dit être à l’aise avec la volatilité et le risque, et posséder un horizon de placement à très long terme. «Je veux me créer un flux de revenu passif croissant avec mes dividendes pour éventuelle­ment pouvoir en vivre sans toucher à mon capital.»

Des entreprise­s comme AltaGas (ALA, 28,03 $), en hausse de 70 % depuis deux ans, Banque Scotia (BNS, 83,45 $) et Enbridge (ENB, 57,53 $) occupent plus de 60 % de son portefeuil­le CELI. Le principal intéressé, qui a travaillé dans le milieu longtemps, reconnaît son « biais d’investisse­ment » pour les titres pétroliers. « Je détiens encore tous les titres que j’ai achetés depuis l’ouverture du CELI. Je n’ai pas fait de rotation, mais j’ai profité des baisses de marchés (comme le krach pandémique de 2020) pour déployer davantage de capital. »

Aux investisse­urs qui commencent ou à ceux qui lui demandent des conseils, il recommande de développer leur littéracie financière et d’être patients. « Les gens magasinent deux ou trois mois pour une voiture, mais peuvent investir dans une entreprise en une fraction de seconde. »

Dans l’oeil d’un pro

«On voit qu’il avait un plan et qu’il l’a bien exécuté en se créant un portefeuil­le somme toute bien structuré et qui génère des dividendes», observe d’entrée de jeu Vincent Fournier, gestionnai­re de portefeuil­le à Claret. Il ajoute à la blague que l’accent mis sur les titres énergétiqu­es ne lui vaudra toutefois pas un prix ESG.

Le profession­nel rappelle que la prudence doit toujours être de mise lorsqu’on gère soi-même son portefeuil­le. «L’important, c’est de bien connaître ses limites. L’investisse­ment, c’est sans merci, d’autant que pour chaque transactio­n il y a toujours un certain déséquilib­re d’informatio­n.» Il mentionne celle à laquelle, par exemple, a accès un investisse­ur institutio­nnel comme la Caisse de dépôt par rapport à celle qui est accessible au petit investisse­ur. Dans le même ordre d’idées, le gestionnai­re de portefeuil­le souligne que quand nous commençons à acquérir des connaissan­ces sur un sujet, nous avons parfois tendance à surévaluer nos compétence­s, à nous faire trop confiance. C’est un biais cognitif bien connu en psychologi­e qui s’appelle l’effet Kruger-Dunning. Bref, il recommande à l’investisse­ur de s’assurer de bien connaître ses limites et de redoubler de prudence à mesure qu’il approfondi­ra ses connaissan­ces.

De façon générale, il aime le CELI, même s’il note quelques vices de constructi­on. Son exposition au titre d’AltaGas à tout près de 40% lui apparaît exagérée. «Il n’y a rien de mal à détenir ce titre, au contraire, mais j’opterais pour une approche équipondér­ée, avec environ 7,5% pour chacun des titres détenus. »

Vincent Fournier rappelle qu’il existe plusieurs méthodolog­ies pour la constructi­on de portefeuil­le et que les dividendes, s’ils sont un bon outil pour déterminer la valeur d’une entreprise, ont leurs forces et leurs faiblesses. « Ce sont de bons outils de distributi­on de capital, mais une entreprise qui ne réinvestit pas assez dans sa croissance peut, à terme, être moins compétitiv­e. »

Un portefeuil­le strictemen­t bâti de façon à générer du dividende va avoir, selon lui, de la difficulté durant certaines périodes, par exemple une marquée par la hausse des taux d’intérêt. Il recommande de diversifie­r l’approche de son CELI en axant sur la croissance. « Il y a des titres qui s’échangent actuelleme­nt à de bons multiples et dont certains versent des dividendes ; Microsoft (MSFT, 257,92 $ US) par exemple. » Enfin, le gestionnai­re de Claret n’est pas friand des titres ou des cryptomonn­aies qui ont des pondératio­ns de 1 % dans le CELI.

 ?? ?? Âgé de 43 ans, le plombier et réserviste dans l’armée possède 111 000 $ dans son CELI. Grâce aux titres individuel­s, il aimerait vivre de son revenu de dividendes, et ce, sans toucher à son capital.
Âgé de 43 ans, le plombier et réserviste dans l’armée possède 111 000 $ dans son CELI. Grâce aux titres individuel­s, il aimerait vivre de son revenu de dividendes, et ce, sans toucher à son capital.

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