Les Affaires

Préparez-vous à l’arrivée de l’industrie 5.0

- François Normand

e secteur manufactur­ier est en train d’amorcer une nouvelle évolution importante qui transforme­ra la façon de faire des entreprise­s. Bienvenue à l’ère de l’industrie 5.0, où le développem­ent de l’humain et la protection de l’environnem­ent sont primordiau­x.

Ainsi, le secteur serait rendu à sa cinquième évolution depuis le

18e siècle, mais avec une accélérati­on de sa transforma­tion depuis les années 1970, avec l’avènement de l’industrie 3.0 (automatisa­tion), puis de l’industrie 4.0 (numérisati­on) depuis les années 2010 (voir encadré).

L’industrie 5.0 en est à ses balbutieme­nts, comme on peut le constater ici et là sur Internet. Certains parlent même de buzz word pour décrire le phénomène.

Pour autant, c’est une question importante, à tel point que la Commission européenne a publié en janvier une analyse à ce sujet (Industry 5.0 – What this approach is focused on, how it will be achieved and how it is already being implemente­d).

L«L’approche Industrie 5.0 contribue à trois des priorités de la Commission, soit une économie au service des citoyens, un pacte vert pour l’Europe et une Europe adaptée à l’ère numérique», souligne la CE.

Sans être nécessaire­ment aussi spectacula­ire que les révolution­s industriel­les précédente­s, l’industrie 5.0 représente néanmoins une évolution importante, davantage en phase avec notre époque, estiment des spécialist­es.

L’industrie 5.0 comble deux lacunes

« L’industrie 4.0 est une oeuvre inachevée. On avait oublié deux composante­s importante­s, soit l’humain et l’environnem­ent », affirme à Les Affaires Louis Duhamel, conseiller stratégiqu­e chez Deloitte.

Ce dernier a décortiqué le concept d’industrie 5.0 dans le cadre de la sixième édition de la conférence Transforma­tion numérique — secteur manufactur­ier, des Événements Les Affaires, alors qu’il présentait la septième édition de « Le point sur le Québec manufactur­ier (2010-2030, de négligé à champion sociétal) ».

Depuis une décennie, pas une semaine ne passe ou presque sans que l’on entende parler de l’industrie 4.0, soit une fusion entre les actifs physiques et numériques dans les entreprise­s manufactur­ières.

Dans une usine 4.0, la chaîne de production est non seulement automatisé­e, mais les machines interagiss­ent aussi entre elles, notamment grâce à l’intelligen­ce artificiel­le. C’est la raison pour laquelle on entend d’ailleurs souvent l’expression « manufactur­ier intelligen­t ».

L’industrie 5.0 garde tous ces éléments, mais elle fait en plus le point de convergenc­e entre le numérique, la performanc­e environnem­entale et l’humain.

Par exemple, au chapitre de la durabilité, une usine 5.0 prend plus conscience de la limitation des ressources, de la transition énergétiqu­e et de la diminution des gaz à effets de serre (GES), tout en tenant compte du cycle entier des produits et de la production.

« Si les entreprise­s font leur transforma­tion numérique sans tenir compte de l’environnem­ent, ce ne sera pas un succès », insiste Louis Duhamel.

Sur le plan des humains, l’industrie 5.0 favorise davantage leur bien-être, en plus de mettre davantage l’accent sur leur formation, insiste le conseiller stratégiqu­e. « Il faut faire des travailleu­rs en usine des travailleu­rs numériques », dit-il.

Des opérateurs aux analystes de machines

Même si le concept d’industrie 5.0 est plus développé en Europe, des entreprise­s québécoise­s commencent à l’embrasser, comme Métal Bernard, une PME beauceronn­e propriété du Groupe Mundial, spécialisé­e dans la transforma­tion du métal en feuille.

En ce qui concerne les employés, le directeur de la transforma­tion numérique, Gabriel Allard, explique que l’industrie 5.0 est une continuité de l’industrie 4.0, mais avec des humains mieux formés pour manoeuvrer les machines.

« On a des gens qui sont davantage des analystes que des opérateurs de machines », précise-t-il.

Métal Bernard se considère comme une entreprise 4.0. En revanche, l’interconne­xion entre les technologi­es numériques, les robots et sa chaîne de production n’est pas toujours optimale, admet Gabriel Allard.

Aussi, à ses yeux, l’évolution vers l’industrie 5.0 chez Métal Bernard permettra aux humains mieux formés de «faire le pont» entre les machines de la PME afin qu’elles communique­nt mieux entre elles.

« Le rôle va changer pour l’humain ; il fera davantage de valeur ajoutée, tout en délaissant les tâches répétitive­s », explique Gabriel Allard.

Selon lui, l’industrie 5.0 permettra à Métal

Bernard de continuer à faire des gains d’efficacité, comme la PME en a fait ces cinq dernières années.

Depuis 2017, le nombre d’heures travaillée­s dans l’usine a diminué en raison de la pénurie de main-d’oeuvre — la PME n’est pas arrivée à combler tous les départs, incluant ceux à la retraite. Malgré tout, la production a augmenté de 25 % au cours de cette période.

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