L’épée de Damoclès au-dessus de la tête des distillateurs
« Les clés sont dans les mains des gouvernements pour la question de la rentabilité. La règlementation n’a pas encore évolué pour suivre le mouvement des microdistilleries. Pourtant, ça a changé pour les vins et les vignobles, les cidreries, les microbrasseries… En plus, cet argent-là resterait dans l’économie régionale et aiderait à l’emploi, au développement, à l’achat d’équipements, etc. » – Daniel Corriveau,
es deux tiers des distilleries du Québec sont présentement déficitaires : c’est ce que révèlent les résultats préliminaires d’une étude commandée par l’Union québécoise des microdistilleries (UQMD). Pour l’organisme, il y a urgence d’agir pour simplifier le cadre règlementaire et encourager la vente sur place, qui pourrait être un véritable levier de développement pour ces PME.
« La difficulté qu’on a pour les spiritueux, c’est qu’on n’est pas considérés au même titre règlementaire que la bière, le vin et le cidre, explique Geneviève Laforest, agente de développement à l’UQMD, qui représente 85 % des microdistilleries de la province. Notre seul et unique distributeur est la Société des alcools du Québec (SAQ). »
Lorsque les distillateurs vendent sur leurs lieux de production, les mêmes règles s’appliquent. C’est-à-dire qu’ils doivent verser à la SAQ l’équivalent d’un peu plus de
50 % du prix de vente d’une bouteille à 40 $, soit 20,30 $. Un « service non rendu » que l’UQMD revendique d’abolir depuis quatre ans.
« Ce qu’on dénonce, c’est de payer pour les frais opérationnels des succursales. La SAQ ne touche pas au produit ! » s’exclame Geneviève Laforest, qui qualifie la situation actuelle de si critique qu’elle pourrait mener à des faillites.
LQuelles conséquences pour les distillateurs ?
« C’est décourageant, quand tu compares avec d’autres provinces, c’est cofondateur, Spiritueux Alpha Tango illogique. Il n’y a aucune dépense faite par la SAQ , donc pourquoi reçoivent-ils un morceaude la vente?» s’indigne Michael Briand, copropriétaire de la distillerie O’Dwyer, en Gaspésie. Il est tout de même persuadé que la situation va changer à l’issue de ce «long» combat que mène l’UQMD.
D’ici là, les entrepreneurs doivent s’armer de patience… et surtout de créativité. Lancer un appel à la solidarité pour les corvées d’embouteillage, par exemple. Ou carrément repousser certains investissements. Le copropriétaire de la distillerie Shefford, Hugo Bourrassa, parle d’un « frein immense », dont le manque à gagner équivaut selon lui à plus qu’un salaire à temps plein.
« C’est le plus gros défi qu’on a, note-t-il. On souhaite développer l’agrotourisme, mais présentement, on n’est pas ouvert la semaine parce ça ne justifie pas de payer un employé. La journée où on n’aura pas à payer la majoration, on va passer d’une distillerie qui fait ses frais, qui vivote, à une entreprise rentable qui va pouvoir se développer. » Il ajoute qu’il s’agit aussi d’une question d’équité avec les autres producteurs d’alcools.
« Les clés sont dans les mains des gouvernements pour la question de la rentabilité. La règlementation n’a pas encore évolué pour suivre le mouvement des microdistilleries. Pourtant, ça a changé pour les vins et les vignobles, les cidreries, les microbrasseries… En plus, cet argent-là resterait dans l’économie régionale et aiderait à l’emploi, au développement, à l’achat d’équipements, etc. », résume Daniel Corriveau, cofondateur de Spiritueux Alpha Tango, à Val-d’Or.
Le PDG de la Fédération des chambres de commerce du Québec, Charles Milliard, a joint sa voix à celle des distillateurs début mai, dans le quotidien Le Nouvelliste. L’UQMD en a remis avec une sortie publique début juin.
Le cabinet du ministre de l’Économie et de l’Innovation du Québec, aussi responsable du
Développement économique régional, a précisé par courriel que les distilleries ont accès au Programme d’appui au positionnement des alcools québécois. Sur les 7,5 millions de dollars (M$) injectés, 3,8 M$ ont été accordés en 2020-2021.
Un comité regroupant le ministère des Finances, la SAQ et la Régie des alcools, des courses et des jeux doit se pencher sur d’autres allègements. Ainsi, un « projet de loi devrait être déposé dans les prochaines semaines ».