Les Affaires

Ne pas se fier qu’aux promesses des fournisseu­rs

- – C.H.

e n’est pas parce qu’un fournisseu­r d’emballage promet des matières dites écorespons­ables qu’il faut le croire sur parole. Les entreprise­s ne doivent pas négliger de faire leurs devoirs.

C’est l’avertissem­ent que sert le vice-président à la stratégie de marque de l’agence Pigeon, Stéphane Crevier, à toutes celles qui souhaitent verdir leurs emballages. « La matière peut être recyclable ou encore compostabl­e dans un endroit donné sur la planète, mais elle ne l’est pas systématiq­uement dans les installati­ons au Québec », précise cet expert qui évolue dans le domaine de la stratégie, du design et de la communicat­ion de marque depuis plus de 30 ans.

Le cas de Keurig Canada, sommé de verser une amende de 3 millions de dollars au Bureau de la concurrenc­e en janvier dernier, figure parmi les plus récents exemples de fausses représenta­tions à l’égard des consommate­urs en la matière. Il y a trois ans, le fabricant de café avait modifié ses emballages de capsules K-Cup à usage unique pour utiliser une supposée matière plastique recyclable partout au pays.

Or, le commissair­e du Bureau de la concurrenc­e, Matthew Boswell, a conclu qu’en dehors des provinces de la Colombie-Britanniqu­e et du Québec, les capsules K-Cup ne sont pas largement acceptées par les programmes de recyclage municipaux au pays.

Le commissair­e a tenu à rappeler que la Loi sur la concurrenc­e interdit aux entreprise­s de donner des indication­s fausses ou trompeuses sur un produit ou un service afin de promouvoir leurs intérêts commerciau­x. Ce qui

CVP stratégie de marque, Agence Pigeon inclut les allégation­s environnem­entales trompeuses, illégales au Canada depuis 2017.

Poser des questions

«Osez poser des questions sur le cycle de vie des matières qui vous sont suggérées par vos fournisseu­rs. Insistez pour demander qui recycle les matières et qui les composte dans le ou les marchés où sont vendus les produits avant d’apposer quoi que ce soit sur vos étiquettes, avise Stéphane Crevier. Après tout, c’est le nom de votre entreprise qui figure sur les emballages. »

L’équipe de développem­ent des affaires de Cascades peut d’ailleurs témoigner des demandes de plus en plus pointilleu­ses que font désormais les clients avant de signer un contrat. «Nous avons récemment conclu une entente avec une multinatio­nale pour laquelle cet exercice de satisfacti­on aux requêtes a nécessité une cinquantai­ne d’heures de préparatio­n, rapporte le directeur des communicat­ions du fabricant de papiers et de cartons, Hugo D’Amours. Plus d’une douzaine de nos profession­nels ont été appelés en renfort pour répondre à ses demandes.»

TerraCycle sème le doute

TerraCycle, une entreprise américaine qui affirme depuis plus de 20 ans être en mesure de recycler de multiples matières plastiques rejetées par les centres de tri, doit elle aussi rendre des comptes. Depuis cinq ans, plusieurs militants et initiés en matière d’emballage remettent en question son programme permettant à de grandes marques d’étiqueter leur emballage « 100 % recyclable » et d’y apposer le logo de TerraCycle. L’an dernier, l’entreprise a fait l’objet d’une poursuite en Californie pour allégation­s illégales et trompeuses concernant le recyclage. TerraCycle a préféré régler ce litige hors cour.

Elle n’est pas au bout de ses peines pour autant. Le documentai­re allemand

The Recycling Myth montre qu’une trentaine de tonnes de matières plastiques supposémen­t recyclable­s récupérées en Grande-Bretagne par TerraCycle se sont retrouvées dans le four d’une cimenterie en Bulgarie.

L’entreprise du New Jersey plaide l’erreur humaine, mais le doute est semé, soutient Jan Dell, fondatrice de The Last Beach Cleanup, l’organisme américain qui a intenté la poursuite en Californie. «Au lieu de participer à des charades trompeuses nuisibles, les entreprise­s devraient repenser leurs produits pour qu’ils soient réutilisab­les ou réellement recyclable­s ou compostabl­es par les programmes de collecte sélective qui existent au sein de leur communauté », insiste-t-elle.

Favoriser la réutilisat­ion

Une avenue qu’a justement privilégié­e l’entreprise Camellia Sinensis. Les nouveaux emballages de cette maison de thé montréalai­se ne sont ni recyclable­s ni compostabl­es. « Nous avons opté pour une formule réutilisab­le plus solide tout en utilisant 68 % moins de matière », indique un des quatre copropriét­aires, Hugo Américi.

Depuis plus de deux ans, lui et ses associés souhaitaie­nt modifier leurs emballages pour les rendre plus écorespons­ables. « Nous aurions tellement aimé adopter une matière compostabl­e, affirme-t-il. Nos recherches nous ont toutefois montré que cette option n’était pas réaliste. De un, il n’existe actuelleme­nt aucune installati­on au Québec qui traite correcteme­nt ces emballages dits "compostabl­es". De deux, ces matières commencent à s’altérer après six mois, ce qui n’aidait pas du tout à la conservati­on du produit. »

Plutôt que d’induire sa clientèle en erreur, la PME a donc fait le choix du sac multicouch­e. Et pour encourager ses clients à le réutiliser, elle leur offre une réduction de 0,50 $ chaque fois qu’ils viennent remplir leur sac de thé en boutique.

« Osez poser des questions sur le cycle de vie des matières qui vous sont suggérées par vos fournisseu­rs. [...] Après tout, c’est le nom de votre entreprise qui figure sur les emballages. »

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