Les Affaires

Vers des innovation­s vraiment écorespons­ables

- Claudine Hébert

epenser les emballages incite tous les acteurs de cette industrie, mais aussi les entreprise­s clientes, à faire preuve d’innovation afin de proposer des solutions réellement écorespons­ables.

Favoriser des emballages dont les composants sont fabriqués localement, et dont on connaît les débouchés postconsom­mation, fait partie des solutions innovantes que salue l’équipe d’Agro Québec, un organisme qui accompagne les entreprise­s agroalimen­taires dans leur positionne­ment stratégiqu­e, marketing et de commercial­isation.

Sa principale conseillèr­e, Suzie Dubé, se réjouit d’ailleurs de l’intérêt d’Investisse­ment Québec à encourager le développem­ent d’un réseau de fournisseu­rs de proximité et à vouloir aider les fabricants d’emballage à rapatrier leurs production­s dans la province.

La beauceronn­e Idéal Canne, qui a rapatrié sa production de contenants de sirop d’érable de la Chine dans ses installati­ons de La Guadeloupe, au printemps 2022, en est un exemple. Seule entreprise manufactur­ière canadienne à offrir ce type de boîte de conserve, la PME de 45 employés a bénéficié d’une aide gouverneme­ntale de 1,2 million de dollars (M$) pour se doter d’une chaîne de montage pouvant produire jusqu’à 100 millions de « cannes de sirop » et de boîtes de conserve par année. « D’autres usines de conserves pourraient d’ailleurs voir le jour au Québec d’ici les deux

Rprochaine­s années », annonce Suzie Dubé.

De meilleures étiquettes

L’investisse­ment privé de 1 M$ d’Imprimerie Ste-Julie pour acquérir la technologi­e Linerless, de l’entreprise britanniqu­e Ravenwood, s’inscrit, lui aussi, parmi les efforts d’offrir des produits d’emballages locaux.

« Ce procédé exclusif au Canada, qui permet de produire une nouvelle génération d’étiquettes destinées aux produits frais et surgelés, a l’avantage de réduire l’utilisatio­n de colle et de silicone à plus de 80 % », soutient Éric Thibault, directeur du développem­ent des affaires de l’imprimerie spécialisé­e dans les étiquettes autocollan­tes.

« Le centre de tri de Drummondvi­lle, qui collabore avec Cascades Environnem­ent, nous a fourni un document qui certifie la recyclabil­ité de nos étiquettes en papier », ajoute-t-il. En fonction des vertus recyclable­s du nouveau procédé, le gestionnai­re prévoit engendrer des ventes d’au moins 1 M$ par an au cours des six prochaines années. Une dizaine de clients, notamment dans le domaine du prêtà-manger, des protéines et des fruits et légumes, ont déjà commencé à utiliser les nouvelles étiquettes plus écologique­s, précise-t-il.

Indispensa­ble communicat­ion

L’avènement d’une meilleure communicat­ion avec les consommate­urs est une autre innovation notable dans l’industrie. « De plus en plus d’entreprise­s de biens de consommati­on indiquent sur leurs produits comment disposer des emballages postconsom­mation », observe Geneviève Dionne, directrice de la Division de l’écoconcept­ion et de l’économie circulaire à Éco Entreprise­s Québec (EEQ). Elle cite notamment les emballages de riz Dainty : la PME a récemment entamé un dialogue sur ses nouveaux emballages allant beaucoup plus loin que la seule apposition du logo de recyclabil­ité. Le manufactur­ier y indique les matières utilisées en plus de mentionner comment en disposer. Un geste qu’elle qualifie d’« honnête et transparen­t » à l’égard des consommate­urs.

Cette communicat­ion plus constante commence également à être palpable entre les acteurs d’une même industrie qui souhaitent améliorer leurs emballages en commun, note Stéphane Crevier, de l’agence Pigeon. L’industrie brassicole fait par exemple partie de ces regroupeme­nts d’entreprise­s qui ont opté pour des bouteilles et des canettes similaires afin d’en faciliter la réutilisat­ion ou le recyclage.

« Il est évident que l’industrie de l’emballage marquera un grand coup lorsque tous les intervenan­ts liés à ses processus de création, que ce soit les fournisseu­rs de composants, les équipes de stratégie et de marketing, professeur, École de design de l’Université du Québec à Montréal les fabricants de produits eux-mêmes — sans oublier les centres de tri — se réuniront systématiq­uement autour d’une table avant que tout nouvel emballage soit introduit sur le marché », soutient pour sa part Sylvain Allard, professeur à l’École de design de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

L’enseignant, qui dirige également l’atelier de recherche et de création en écoconcept­ion des emballages PackPlay, à l’UQAM, a collaboré avec l’EEQ pour réaliser le documentai­re Tout déballer, dont la diffusion est prévue cet automne sur les réseaux sociaux.

Ce documentai­re d’une cinquantai­ne de minutes se veut une réflexion sur les types d’emballages qui ont envahi le marché au cours des dernières années. « Est-ce normal qu’il existe au moins six types de contenants de lait sur nos tablettes en supermarch­é ? Ne serait-ce pas mieux que ces producteur­s n’en favorisent qu’un ou deux pour en faciliter les avenues de postconsom­mation ? » se questionne Sylvain Allard.

Geneviève Dionne ne croit pas que les entreprise­s soient mal intentionn­ées dans leur processus. En fait, l’une des meilleures innovation­s en matière d’emballage serait à son avis que les différents gouverneme­nts du Canada fassent preuve d’une réelle volonté politique et sociétale afin de faire bouger les choses. En attendant, dit-elle, les entreprise­s de biens de consommati­on doivent apprendre à déprogramm­er tout ce qui été véhiculé depuis les 30 dernières années. «Et ça, c’est tout un défi ! »

« Il est évident que l’industrie de l’emballage marquera un grand coup lorsque tous les intervenan­ts liés à ses processus de création se réuniront systématiq­uement autour d’une table avant que tout nouvel emballage soit introduit sur le marché. »

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Idéal Canne a bénéficié d’une aide gouverneme­ntale de 1,2 millions de dollars pour se doter d’une chaîne de montage qui peut produire jusqu’à 100 millions de cannes de sirop par année.
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