Les Affaires

« Une armée d’acheteurs chinois » font baisser le prix des ressources

- François Normand

ans tambour ni trompette, de nombreux transforma­teurs et négociants chinois de métaux stratégiqu­es sont passés, en mars, d’acheteurs à vendeurs. Un revirement majeur qui tire vers le bas le prix de métaux comme l’acier ou l’aluminium.

L’agence de presse Reuters a récemment publié une analyse à ce sujet (Analysis : China’s metals traders offload stockpiles as bleak demand outlook bites), alors que la deuxième économie de la planète — grande consommatr­ice

Sde métaux — ralentit rapidement. Reuters parle même « d’une armée de transforma­teurs et de négociants » qui ont changé leur fusil d’épaule afin d’illustrer l’ampleur du phénomène et de son effet potentiel sur les producteur­s et les consommate­urs de métaux dans le monde.

Au Québec, les aluminerie­s pourraient pâtir d’une baisse des prix de l’aluminium. En revanche, les entreprise­s manufactur­ières qui consomment de l’acier, de l’aluminium ou d’autres métaux pourraient bénéficier d’une baisse des coûts de leurs intrants.

Par exemple, depuis le début du mois de mars, le prix de l’aluminium a chuté de 29%, pour s’établir à 2726$ US la tonne, le 6 juin. Difficile de dire avec certitude si les transforma­teurs et les négociants chinois sont responsabl­es de cette baisse, mais ils y ont certaineme­nt contribué.

Les marchés à terme des métaux en Chine tanguent aussi vers le bas, incluant l’aluminium, selon Reuters. Ainsi, les courbes à terme pour l’aluminium, le zinc, les barres d’armature en acier et le minerai de fer indiquent que les prix auront tendance à baisser régulièrem­ent pour le reste de 2022.

La guerre en Ukraine et l’explosion de l’inflation nous ont fait oublier que l’économie chinoise bat de l’aile depuis le début de l’année.

Au premier trimestre de 2022, le PIB de la Chine a augmenté de 4,8%, selon le National Bureau of Statistics. Un résultat qui est largement inférieur à la cible annuelle de 5,5% fixée en mars par le premier ministre Li Keqiang pour l’ensemble de l’année 2022.

La prévision annuelle d’une dizaine de banques d’investisse­ment internatio­nales, comme JP Morgan, Bank of America, Barclays et UPS, fait même état que l’économie chinoise progresser­a en moyenne de 4,4% en 2022, selon une compilatio­n effectuée par la chaîne d’affaires américaine CNBC.

La japonaise Nomura prévoit même une croissance sous la barre des 4 %, soit à 3,9 %.

C’est dire les problèmes qu’éprouve actuelleme­nt la Chine, des problèmes qui expliquent que de nombreux transforma­teurs et négociants chinois de métaux soient passés d’acheteurs à vendeurs.

L’enjeu est de taille, car les acheteurs chinois ont été à l’origine de la flambée mondiale des prix des métaux, de la mi-2020 à la fin 2021.

À l’époque, ils sillonnaie­nt la planète à la recherche de minerais et de métaux. D’une part, pour approvisio­nner l’immense complexe industriel chinois et, d’autre part, pour constituer des stocks en prévision de nouvelles hausses de prix — ce qui faisait encore plus augmenter les prix…

Le flux des commandes des transforma­teurs s’est inversé depuis mars. À ce moment-là, les vagues successive­s de

COVID-19 ont provoqué des fermetures prolongées d’usines et de magasins.

Cette situation a affecté les achats de produits à forte intensité de métaux (des voitures aux appareils électromén­agers), en plus de faire pression sur les prix des intrants de fabricatio­n.

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