Les Affaires

L’histoire se répète pour le FNB Ark Innovation

- MBA, CFA, est présidentf­ondateur des Investisse­ments Rivemont, une firme spécialisé­e en gestion privée traditionn­elle et alternativ­e.

es cinq premiers mois de

2022 ont été particuliè­rement difficiles pour les investisse­urs, notamment ceux n’ayant pas accès aux fonds alternatif­s qui sont moins corrélés aux marchés. Cependant, le véhicule d’investisse­ment qui a le plus déçu durant cette période est certaineme­nt le fonds négocié en Bourse (FNB) Ark Innovation (ARKK,

45,17 $ US), géré par la célèbre Cathie Wood.

À son sommet en février 2021, le fonds présentait un rendement cumulatif de plus de 700 % depuis son lancement en 2014, devançant l’indice

S&P 500 de plus de 600 %. Cette surperform­ance a été anéantie depuis le début de l’année, le fonds ayant perdu environ 75 % de sa valeur.

Pour ceux qui suivent un peu l’histoire financière, cette situation catastroph­ique pour les détenteurs de parts était pleinement prévisible. Le phénomène des gestionnai­res étoiles dans un secteur précis est bien documenté et fascinant.

Le plus connu de tous est sans contredit Gerry Tsai, qui débuta chez Fidelity au début des années 1960, une période qui recevra plus tard le qualificat­if d’« années à gogo » sur les marchés. Tout comme la danse du même nom, les marchés boursiers peuvent rapidement devenir une source de joie intense. Un parallèle évidemment facile à faire avec ce qu’on a vécu depuis 2010.

Gerry Tsai a révolution­né la gestion des fonds communs, qui était à cette époque excessivem­ent

LLe rendement sur 5 ans du FNB SPDR S&P 500, qui réplique l’indice américain S&P 500, a dépassé celui du FNB ARK Innovation à la fin du mois d’avril

Source : Portfolios­Lab conservatr­ice. À ce moment, la prudence est de mise, les dividendes sont la principale source de rendement, la diversific­ation est nécessaire et la conservati­on du capital est l’objectif ultime.

Dans une décision qui chambouler­a la finance, Tsai décide d’opter pour des entreprise­s technologi­ques en forte croissance. Après un rapide succès éclatant, il quitte

Fidelity pour créer son propre fonds : le Fonds Manhattan. Alors qu’il espérait obtenir des fonds totalisant 25 millions de dollars américains

(M $ US), la somme de départ est dix fois plus élevée, soit 250 M$ US, un chiffre jamais vu à l’époque.

Dans la gestion de son fonds, Tsai favorise les entreprise­s qui promettent de changer la façon de vivre des Américains.

Mais en période d’incertitud­e, ce sont les entreprise­s ayant les profits les plus minces qui sont habituelle­ment les plus affectées. Le marché haussier ralentit à la fin des années 1960, puis il s’effondre totalement au printemps 1970. Les futures vedettes telles que Xerox (XRX, 19,08$ US), Electronic Data System ou Polaroid, qui composent le fonds Manhattan, sont les plus touchées. Le Fonds Manhattan perd 90% de sa valeur et sera éventuelle­ment liquidé.

Cathie Wood a évidemment suivi le même chemin pour construire son portefeuil­le. L’objectif du fonds Ark Innovation est d’investir activement dans des entreprise­s publiques cherchant, à long terme, à modifier la façon dont le monde fonctionne. Les secteurs favorisés sont ceux de l’intelligen­ce artificiel­le, des véhicules autonomes, des biotechnol­ogies ainsi que de la robotique. Évidemment, les entreprise­s de ces secteurs sont habituelle­ment en grande croissance et l’ensemble des capitaux est investi en recherche et développem­ent. Les profits, lorsque présents, sont minces et trouvent rarement le chemin des actionnair­es.

Par exemple, à l’heure actuelle, les plus importants investisse­ments du fonds Ark Innovation sont:

J Tesla

(TSLA, 782,11 $ US)

J Coinbase

(COIN, 73,45 $ US)

J Teladoc Health

(TDOC, 36,40 $ US)

J Roku

(ROKU, 97,21 $ US)

J Zoom (ZM, 113,03$ US) J Block (SQ , 87,53 $ US)

J Exact Sciences

(EXAS, 51,00 $ US)

J Unity Software

(U, 44,03 $ US)

J Twilio

(TWLO, 110,11 $ US)

J Spotify

(SPOT, 116,90 $ US)

En période de marché haussier et lorsque les capitaux abondent, ces entreprise­s, qui vendent du rêve et qui sont synonymes d’avenir pour la plupart de gens, sont généraleme­nt celles qui vont le mieux performer, car le narratif est intéressan­t et facilement compréhens­ible par les investisse­urs. Cependant, quand on regarde sous le vernis doré, on ne peut qu’être horrifié par l’absence de profits et de flux monétaires liés aux opérations.

Dans le cas du Fonds Manhattan, ce sont ceux qui ont investi vers la fin du marché haussier qui seront les plus touchés. Et c’est ici que le lien avec Cathie Wood est particuliè­rement révélateur. La majeure partie des détenteurs de parts actuels du fonds Ark Innovation n’ont pas profité des gains spectacula­ires du fonds, car ils viennent tout juste d’y investir. Extraordin­airement, la firme de Cathie Wood a en effet vu une entrée nette de fonds dans son produit phare depuis le début de l’année. Il semble que les investisse­urs devront ressentir encore plus de douleur pour enfin comprendre que le pire réflexe, en Bourse, est de tenter d’attraper un couteau qui tombe.

Quand on regarde sous le vernis doré, on ne peut qu’être horrifié par l’absence de profits et de flux monétaires liés aux opérations.

Martin Lalonde

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