Les Affaires

Des « tracances » sans tracas, ça se planifie

- Catherine Charron

« Plus la durée du séjour est longue et plus l’employé a de chances de couper ses liens — d’un point de vue fiscal — avec le Canada. » – Jimmy Lacoursièr­e,

intérêt pour le télétravai­l à partir de l’étranger, communémen­t appelé « tracances », grandit au sein des entreprise­s québécoise­s. Toutefois, cela vient bien souvent de pair avec quelques réticences devant les nombreux défis juridiques qui en découlent.

D’autant que les lois qui régissent le travail n’ont pas été rédigées en pensant au télétravai­l, souligne Me Deborah Furtado, avocate en droit du travail, emploi et droits de la personne chez Fasken.

Une préparatio­n dûment organisée avant le grand départ peut éviter de mauvaises surprises, assure Me Dave Bouchard, avocat en droit du travail et associé chez Lavery Avocats.

La démarche est en quelques points similaire à celle qui a été réalisée lors du premier confinemen­t, en mars 2020. «Il est de bonne pratique d’encadrer la prestation de travail à distance, dans une politique où on peut prévoir toutes les modalités, comme les horaires, les heures supplément­aires, les périodes auxquelles on s’attend à ce que la personne soit disponible, quel matériel est fourni […] sauf qu’on ajoute l’aspect extraterri­torial au chapitre des lois», précise celui qui est aussi conseiller en ressources humaines agréé.

C’est notamment le cas en matière de santé et sécurité au travail. «Tant que l’employé garde un domicile ou une résidence au Québec et qu’il quitte temporaire­ment la province pour faire du télétravai­l, la Loi sur les normes du travail va généraleme­nt continuer de s’applquer,

L’fiscaliste, Desjardins Gestion de patrimoine souligne Me Furtado. Même chose pour la Loi sur les accidents du travail et les maladies profession­nelles, à condition que la durée du travail hors du Québec n’excède pas cinq ans au moment où l’accident est survenu ou la maladie a été contractée et à condition que l’employé ait été affecté en télétravai­l hors du Québec à la demande de l’employeur. Si c’est un choix personnel de l’employé, ça demeure ambigu. »

Toutefois, Dave Bouchard indique que les régimes d’assurance collective pourraient cesser de couvrir un employé à l’extérieur de la province.

L’employeur doit aussi examiner quel sera le statut de son salarié lorsqu’il s’établira temporaire­ment à l’extérieur des frontières du Québec. Si cette responsabi­lité incombe en partie au «tracancier», il n’en demeure pas moins que son patron doit s’y intéresser, car cette escapade peut l’amener à devoir se soumettre aux lois du travail et fiscales locales qui pourraient entrer en vigueur, notent les deux juristes.

«En règle générale, plus la durée du séjour est longue, plus l’employé a de chances de couper ses liens — d’un point de vue fiscal — avec le Canada, écrit Jimmy Lacoursièr­e, fiscaliste chez Desjardins Gestion de patrimoine. Si un employé devient résident fiscal d’un autre pays, cela peut impliquer pour l’employeur de se conformer aux lois fiscales canadienne­s pour un paiement à un non-résident canadien et appliquer la convention fiscale entre les deux pays s’il en existe une.»

Il ajoute que le type de travail réalisé à l’extérieur des frontières peut aussi signifier «d’autres implicatio­ns fiscales pour celui-ci, par exemple la production d’une déclaratio­n d’impôt pour les autorités fiscales de ce pays ».

Protection des données

La cybersécur­ité et la protection des données sont un autre pilier d’une expérience réussie, car elles augmentent le risque d’espionnage industriel et «la surface d’attaque liée aux environnem­ents inconnus ».

«J’ai peur que beaucoup tiennent pour acquis que ce qui a été mis en place pour le travail à distance est valable pour les “tracances”, alors que le contexte change davantage », s’inquiète Alexandre Blanc, chef de la sécurité de l’informatio­n à VARS, une division de Raymond Chabot Grant Thornton.

C’est pourquoi il recommande le suivi de formations adaptées, tout comme une analyse approfondi­e, afin de se plier à la fois aux lois canadienne­s et locales, si elles s’appliquent en matière de protection des données.

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