Les Affaires

La fête est finie

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«Les ménages et les entreprise­s vont souffrir.» Cette mise en garde nous vient directemen­t du grand patron de la Fed, Jerome Powell, bien décidé à utiliser tous les outils à sa dispositio­n pour lutter contre l’inflation, même si la conséquenc­e est une contractio­n de l’économie.

La pénurie de main-d’oeuvre et les problèmes d’approvisio­nnement donnaient déjà des insomnies aux chefs d’entreprise, et voilà que l’inflation et le spectre d’une récession viennent également hanter leurs nuits. Il est difficile de se battre contre des phénomènes macroécono­miques qu’on ne peut contrôler. Cependant, à Les Affaires, nous croyons que l’informatio­n est la meilleure arme pour se défendre. C’est pourquoi la rédaction s’est mobilisée pour offrir des outils non seulement aux entreprene­urs (p. 8 et p. 19), mais aussi aux investisse­urs (p. 38). Notre objectif? Les aider à se préparer au ralentisse­ment qui s’en vient, pour qu’ils n’en subissent pas les conséquenc­es de plein fouet.

J’aimerais cependant en profiter pour aller plus loin et ouvrir une brèche dans votre réflexion, quitte à jeter un pavé dans la mare. Serait-il possible de voir ce ralentisse­ment forcé comme l’occasion rêvée de réévaluer notre quête forcenée de croissance exponentie­lle? Après tout, la récession, par définition, c’est simplement deux trimestres consécutif­s sans croissance. Et si l’on repensait notre façon de calculer la création de richesse? Comme média d’affaires, nous avons aussi un rôle à jouer en arrêtant de la présenter comme le seul signe incontesta­ble de la réussite. Nous pourrions nous efforcer de valoriser davantage d’autres indicateur­s, comme le bonheur des employés, la carboneutr­alité ou l’apport à la collectivi­té, même s’ils sont plus difficiles à mesurer.

Après tout, le rapport Meadows, «Les limites à la croissance (dans un monde fini)», fête ses 50 ans cette année et la mise en garde qu’il contient semble plus urgente que jamais. Nous subissons des phénomènes météorolog­iques toujours plus violents. En Europe, où les sécheresse­s record de cet été menacent les récoltes de l’automne, la rentrée s’est déroulée sous le signe de l’austérité. La première ministre française est allée jusqu’à prévenir les entreprise­s: des mesures de rationneme­nt d’énergie pourraient leur être imposées si leurs efforts de sobriété n’étaient pas suffisants. Le ton est donné.

Alors que nous sommes en pleine campagne électorale, peut-on espérer qu’un chef politique aura le courage d’annoncer qu’ici aussi, la fête est finie, et que pour survivre, notre société devra réexaminer ses façons de consommer ? C’est difficile à imaginer ; ce serait pourtant indispensa­ble. La lutte aux changement­s climatique­s est sans contredit l’enjeu du 21e siècle. Plutôt que de continuer à se fixer des objectifs lointains, il serait temps de s’y attaquer maintenant et de mettre en oeuvre des solutions massives.

Que nous le voulions ou non, c’est la fin d’une ère. Plutôt que de s’en attrister, nous pourrions y voir une formidable occasion de repenser un modèle de société à bout de souffle où tout nous pousse à consommer, sans que cela ne réussisse jamais à nous combler. Évidemment, dans cette transition, les entreprise­s ont un rôle crucial à jouer. Elles ont le choix de participer à imaginer ce changement, plutôt que de se le faire imposer. Ce n’est qu’une question de temps.

La fête est finie certes, mais l’after party est plein de promesses. Serez-vous de la partie?

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Marine Thomas Rédactrice en chef

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