Les Affaires

Une discussion sur les robots financiers s’impose

- Emmanuel Martinez

Des leaders et des mots

ui se soucie des robots financiers ? Pas grand monde, à en croire l’auteur Michel Mailloux, qui a écrit le livre Robots financiers et I.A. afin de montrer les défis éthiques et pratiques qui apparaîtro­nt bientôt. Le cofondateu­r et dirigeant du Collège des profession­s financière­s souligne le danger de rester les yeux fermés alors que l’intelligen­ce artificiel­le (IA) s’apprête, selon lui, à s’étendre dans les services financiers.

« Il y a beaucoup d’imprécisio­n et d’incompréhe­nsion

Qconcernan­t les robots financiers », souligne-t-il en entrevue téléphoniq­ue. Il précise tout d’abord que son propos ne porte pas sur les robots financiers qui construise­nt un portefeuil­le en fonction de paramètres simple comme l’âge, le revenu et la tolérance au risque. Il s’inquiète plutôt du manque de réflexion autour de l’IA qui permettrai­t d’optimiser une planificat­ion financière complète. Cette machine ne ferait pas que suggérer des placements, mais aussi des assurances ou des transactio­ns dans une optique successora­le qui tient compte du profil socioécono­mique du client, de ses dépenses, de ses besoins personnels, etc., tout en s’appuyant sur des facteurs externes, qu’ils soient conjonctur­els ou structurel­s.

« C’est faire de la planificat­ion financière en intégrant tous les éléments de manière automatisé­e, note-t-il. La machine a des capacités que pas un profession­nel n’a. Avec la masse de données qu’il peut traiter, le robot pourra offrir de meilleurs conseils à des clients. »

Michel Mailloux n’est donc pas contre l’IA dans les services financiers. Il l’estime même inéluctabl­e. « On n’en est pas encore là, mais on doit en parler. On va avoir de plus en plus d’algorithme­s. C’est un fait et il ne faut pas se battre contre ça. »

Problème de transparen­ce

Celui qui a cofondé et dirigé l’Institut québécois de planificat­ion financière constate que l’IA est très opaque, ce qui crée des problèmes éthiques et pratiques. « Les dangers se trouvent dans tous les algorithme­s, affirme-t-il. Par définition, l’IA nous empêche de voir les différente­s étapes entre le début de l’analyse et son résultat, c’est sa qualité et son défaut. »

«Comme conseiller, je dois avoir la capacité de refaire ces étapes-là, poursuit-il. Sinon, je ne serais pas en mesure de justifier mes recommanda­tions, ce qui doit toujours être fait en vertu de mon code de déontologi­e.»

Évidemment, Michel Mailloux comprend que l’IA se met à jour au fur et à mesure que s’accumulent des expérience­s et des données. Impossible, donc, de vérifier chaque code qui serait de toute façon appelé à changer. D’après lui, ces machines devraient être encadrées par des normes profession­nelles reconnues comme celles qui guident les conseiller­s et les sociétés financière­s.

Pas de règlements

Michel Mailloux prône davantage un cadre général et des directives, plutôt que des lois et des règlements.

«Il faudrait amener une plus grande transparen­ce sur la compositio­n des algorithme­s, croit-il. Cela nécessite davantage d’engagement de la part des autorités, lesquelles n’exercent pas pour le moment leur rôle de supervisio­n. Elles sont en mode «on attend de voir ce que cela donner et on agira ensuite». J’en ai ma claque des nouveaux règlements, mais cela prend plus de surveillan­ce. »

Par conséquent, l’auteur préconise la mise sur pied d’un comité ou d’une table ronde traitant de ces sujets au Québec.

« Après le scrutin provincial, il faudrait que le ministère des Finances se penche sur l’avenir des robots financiers en réunissant des gens de tous les domaines. En plus de ce ministère, ce grand remue-méninge devrait inclure l’Autorité des marchés financiers ainsi que Finance Montréal. « Cela nécessite de la volonté politique, ajoute-t-il. Les élus doivent s’en préoccuper. Je ne crois pas que les institutio­ns financière­s puissent s’autorégule­r, car elles se préoccupen­t avant tout de faire de l’argent. »

Michel Mailloux précise que les conseiller­s financiers devront considérab­lement augmenter leurs connaissan­ces pour travailler avec les robots.

« Il faudra apprendre à les connaître, mentionne-t-il. Il y a de multiples aspects philosophi­ques à ça. Cela va aussi prendre davantage de compétence­s financière­s, mais aussi technologi­ques. »

L’auteur ne fournit pas les réponses concernant l’encadremen­t de ce phénomène, mais il a le mérite de poser des questions qui devront tôt ou tard être abordées.

Robots financiers et I.A. est publié aux Éditions Arnaud Franel.

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Michel Mailloux, cofondateu­r et dirigeant du Collège des profession­s financière­s
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