Les Affaires

Ramer tous dans le même sens

Vincent Dupuis et son équipage ont notamment implanté un système de monitorage de leurs chaluts afin d’économiser sur le carburant et de réduire leur empreinte carbone.

- Anne-Marie Tremblay Source : Associatio­n des capitaines­propriétai­res de la Gaspésie

« Nous sommes capables d’aller chercher ce qui se fait de plus innovant dans le monde et de le rapporter en Gaspésie au bénéfice de nos pêcheurs. »

– Claudio Bernatchez, directeur général, Associatio­n des capitaines-propriétai­res de la Gaspésie

Pénurie de maind’oeuvre, préservati­on de la ressource, rentabilit­é financière: le secteur des pêches doit faire face à plusieurs défis. Pour garder le cap, les pêcheurs de la Gaspésie ont uni leurs forces et misent, entre autres, sur l’innovation.

«Un jour, un capitaine est venu dans mon bureau et m’a montré un extrait vidéo de 15 secondes. Il voulait que je trouve où ça avait été filmé dans le monde», raconte Geneviève Myles, coordonnat­rice au développem­ent des affaires à ACPG Innovation, une filiale de l’Associatio­n des capitaines-propriétai­res de la Gaspésie (ACPG). Ces images montraient l’utilisatio­n d’un système lumineux pour éloigner les poissons des chaluts des crevettier­s, ces filets en forme d’entonnoir accrochés derrière les bateaux.

L’équipe d’ACPG Innovation est allée plus loin : elle a bâti un montage financier et a aidé ce capitaine à obtenir du financemen­t afin qu’il puisse imiter les pêcheurs de la vidéo. « Nous l’avons accompagné sur la côte ouest américaine, où il est allé voir des pêcheurs qui utilisaien­t cette technologi­e. Nous avons même rencontré les scientifiq­ues de l’Université de l’Oregon qui l’ont développée, détaille Geneviève Myles. Ensuite, des technicien­s de notre équipe ont adapté ces engins de pêche pour qu’il puisse les tester ici. »

Si les essais n’ont pas été concluants dans les eaux de l’Atlantique

Nord, ils illustrent la démarche de cet organisme sans but lucratif (OSBL) qui s’appuie sur l’expertise des pêcheurs pour « adapter et adopter » des technologi­es, précise-t-elle. « Nous partons de problèmes ou de constats faits par les capitaines, et de là, on innove avec eux. Ils font partie du processus du début à la fin, jusqu’à la présentati­on des conclusion­s à leurs pairs. »

Ce partage fait aussi partie de la mission de l’ACPG, une coopérativ­e fondée en 1983 à Rivière-au-Renard.

« Mon père faisait partie des membres fondateurs. Quand ils ont lancé l’associatio­n, c’était pour aider les pêcheurs à se regrouper pour défendre leurs droits et à se doter de services, se rappelle Vincent Dupuis, propriétai­re de deux crevettier­s, qui s’implique au sein du regroupeme­nt de plus de 85 membres. Et on continue d’améliorer l’offre pour s’adapter aux nouvelles réalités. »

Les membres de l’ACPG ont ainsi pu acquérir une fabrique à glace qui en produit aujourd’hui

6000 tonnes par année, ainsi qu’un parc à bateaux de quelque

120 places. Une boutique spécialisé­e en agrès de pêche et un atelier de confection d’engins de pêche dont l’expertise dépasse les frontières de la Gaspésie se sont aussi ajoutés à leurs activités. Une façon de s’approvisio­nner à moindre coût et d’avoir accès à du matériel à la fine pointe.

L’innovation au profit de tous

Tous les profits des activités de l’ACPG sont réinvestis pour améliorer les services aux membres. C’est d’ailleurs dans cette optique qu’a été lancé ACPG Innovation en 2010. Cet OSBL facilite l’adoption de nouvelles technologi­es à bord. Ce qui permet aux pêcheurs d’optimiser leurs techniques pour maintenir la rentabilit­é, de faire face au défi de main-d’oeuvre et de minimiser leur impact sur l’environnem­ent.

« Nous sommes capables d’aller chercher ce qui se fait de plus innovant dans le monde et de le rapporter en Gaspésie au bénéfice de nos pêcheurs», résume Claudio Bernatchez, directeur général de l’ACPG.

Plusieurs capitaines ont bénéficié de cet appui au fil des années. Comme Dan Dupuis, qui a ainsi pu adapter différente­s technologi­es importées du Danemark pour les utiliser à bord de l’Émi

lien D., un bateau-usine qu’il possède avec son frère, Francis Dupuis. Les crevettes y sont pêchées, triées, cuites et congelées directemen­t en mer. « Nous avons amélioré notre système de cuiseur à eau salée pour nous assurer que l’eau était de températur­e égale partout, ce qui permet de standardis­er le produit », ajoute-t-il. Il a aussi amélioré son système de cerclage des boîtes de crevettes nordiques pour empêcher l’humidité d’altérer le produit.

« L’équipe d’ACPG Innovation nous aide à voir ce qui se fait ailleurs dans le monde pour améliorer nos techniques de pêche, renchérit Vincent Dupuis.

En effet, il faut être à l’affût des nouveautés pour assurer une pêche durable et pour protéger les fonds marins. »

Il a lui-même participé à plusieurs projets pour diminuer son impact environnem­ental, notamment en implantant un système de monitorage de ses chaluts. «Si je pêche mon quota de crevettes en sept voyages au lieu de huit, j’économise sur le carburant», fait-il valoir. Depuis trois ans, plus d’une dizaine de bateaux ont aussi intégré cette technologi­e permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de préserver les fonds marins.

En se regroupant, les pêcheurs gaspésiens peuvent donc s’offrir des services auxquels ils auraient difficilem­ent accès autrement, estime Vincent Dupuis. Mais surtout, cela leur permet d’unir leurs forces afin de diminuer leur impact sur l’environnem­ent. «Si on ne travaille pas ensemble pour préserver les ressources, nous allons tous en subir les conséquenc­es, constate-t-il. C’est notre survie qui en dépend.»

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