Les Affaires

Diversifie­r ses fournisseu­rs pour préserver la marge de profit

- Karl Rettino-Parazelli

Dossier

PSecteur manufactur­ier

our faire face à la hausse du coût des matières premières, une solution s’impose aux entreprise­s manufactur­ières dans presque tous les secteurs d’activité : diversifie­r leurs fournisseu­rs. C’est ainsi qu’elles seront en mesure de sécuriser leurs approvisio­nnements et d’obtenir des prix plus avantageux.

C’est ce qu’a décidé de faire Moderco, une entreprise spécialisé­e dans la fabricatio­n de cloisons mobiles établie à Bouchervil­le, sur la rive sud de Montréal. Avant la pandémie, son président, Stephan Julien, ne voyait pas la nécessité de multiplier systématiq­uement ses fournisseu­rs, même pour les matières premières sur lesquelles il compte le plus, comme l’acier et l’aluminium. Sa vision a changé lorsque les prix se sont mis à bondir, particuliè­rement en 2021.

« Au lieu d’avoir seulement deux fournisseu­rs, nous sommes allés en chercher un troisième ou un quatrième, selon l’importance de la matière première en question. Ça nous a permis de mettre les fournisseu­rs en compétitio­n et de réduire la volatilité des prix », explique-t-il.

Pour l’entreprise Cuisi-n-art, qui conçoit et fabrique des comptoirs et des armoires de cuisine et de salles de bain sur mesure à Gatineau, en Outaouais, cette diversific­ation est devenue indispensa­ble lorsque son unique fournisseu­r de portes en thermoplas­tique s’est retrouvé en difficulté.

« Ça nous a forcés à nous tourner vers d’autres fournisseu­rs et à créer de nouvelles alliances, affirme Anya Baumberger, copropriét­aire et présidente de l’entreprise. Je suis maintenant capable d’avoir deux ou trois fournisseu­rs par type de produits dont j’ai besoin, ce qui me permet d’avoir de meilleurs prix. »

Les nouveaux fournisseu­rs qui se sont ajoutés au cours des dernières années sont depuis devenus des partenaire­s de confiance. « Ils nous ont aidés une fois. On ne les a pas laissés tomber par la suite », dit Anya Baumberger.

La réduction des coûts est aussi passée par un régime minceur. Les dirigeants, qui avaient l’habitude de commander plusieurs modèles de pièces de base, comme des pentures ou des coulisses de tiroirs, ont modifié leur approche.

Leur stratégie a rapidement porté ses fruits.

« Au lieu d’avoir dix modèles de coulisses de tiroirs, on essaie d’en avoir trois et d’acheter en vrac avec des fournisseu­rs directs, sans intermédia­ire. Ça nous permet d’économiser, affirme Anya

Baumberger. Dix sous d’économie sur une coulisse de tiroir, ça ne paraît pas beaucoup, mais quand tu achètes un conteneur qui vaut

100 000 $, ça fait une grosse différence. »

S’approvisio­nner plutôt qu’acheter

Selon l’associée et leader de la pratique 4.0 chez Raymond Chabot Grant Thornton, Nancy Jalbert, les deux stratégies — la diversific­ation des fournisseu­rs et la rationalis­ation des approvisio­nnements — peuvent se révéler payantes, à condition de bien les appliquer.

Le plus important, à son avis, est de s’« approvisio­nner », plutôt que d’« acheter ». Plusieurs entreprise­s, en particulie­r des PME, « achètent » leurs intrants, c’est-à-dire qu’elles passent des commandes par habitude avec les mêmes fournisseu­rs, sans trop se poser de questions sur le prix payé, dit-elle. La plupart des entreprise­s auraient pourtant avantage à s’« approvisio­nner », en sélectionn­ant minutieuse­ment leurs fournisseu­rs et en effectuant régulièrem­ent des soumission­s pour les mettre en compétitio­n les uns avec les autres.

« Si une entreprise est habituée à faire affaire avec les mêmes fournisseu­rs clés, avec lesquels elle a bâti une belle relation, pourquoi ne pas s’asseoir avec eux et négocier pour avoir des partenaria­ts plus forts ? » ajoute Nancy Jalbert.

« Plusieurs entreprise­s n’ont jamais négocié avec leurs fournisseu­rs, même si elles achètent en grande quantité. C’est peut-être le moment de le faire », renchérit Sylvain Tessier, président de ST Marketing, une firme du groupe EPSI qui conseille notamment des entreprise­s manufactur­ières dans leurs décisions d’affaires.

Quand vient le temps de trouver de nouveaux fournisseu­rs ou de choisir lesquels conserver, la proximité peut aussi être un atout, constate par ailleurs la présidente-directrice générale de Manufactur­iers et exportateu­rs du Québec, Véronique Proulx.

« On voit certaines entreprise­s qui cherchent à réduire leur chaîne d’approvisio­nnement, à la rendre plus résiliente. Ça peut vouloir dire de se tourner davantage vers l’Amérique du Nord pour trouver certains fournisseu­rs », affirme-t-elle.

Le prix du produit vendu par le fournisseu­r local est peut-être plus élevé que celui du fournisseu­r asiatique, mais il est important de calculer l’ensemble des coûts d’approvisio­nnement, en particulie­r les coûts de transport, fait remarquer Nancy Jalbert. « Si je calcule seulement le coût de l’intrant, il me manque un morceau. » associée et leader de la pratique 4.0, Raymond Chabot Grant Thornton

« Si une entreprise est habituée à faire affaire avec les mêmes fournisseu­rs clés, avec lesquels elle a bâti une belle relation, pourquoi ne pas s’asseoir avec eux et négocier pour avoir des partenaria­ts plus forts ? »

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L'entreprise Cuisi-n-art s’est tournée vers de nouveaux fournisseu­rs qui sont depuis devenus des partenaire­s de confiance.
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