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Comment se prémunir des frasques de votre ambassadeu­r de marque ?

- Catherine Charron

Marketing

u volant d’un petit véhicule utilitaire sport, derrière des lunettes à la mode ou habillée de délicate lingerie, l’image de l’animatrice Maripier Morin était apprêtée à toutes les sauces avant que ne soient révélées ses inconduite­s. L’une après l’autre, les marques se sont détachées de la coqueluche devenue persona non grata en l’espace de quelques stories publiées sur le réseau social Instagram.

Il est impossible de promettre qu’aucun scandale ne surviendra lorsqu’une personnali­té publique et une bannière collaboren­t — et ce, de part et d’autre du contrat —, mais quelques outils peuvent être mis en place pour minimiser le risque, selon deux expertes rencontrée­s par

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Le recours aux porte-parole, aux ambassadeu­rs de marque et aux autres stratégies de marketing d’influence peut avoir de grandes retombées

Apour l’organisati­on. «Ace Metrix a démontré que les publicités avec des porte-parole sont 16% plus efficaces, rapporte Sophie-Annick Vallée, associée et vice-présidente à la stratégie à lg2. Grâce à ces personnes, on peut atteindre la bonne cible, la mémorabili­té […]. C’est encore une excellente pratique pour se différenci­er. »

Elle ajoute que dans certains secteurs, comme celui de l’automobile, la vedette assis sur le siège du conducteur frappe davantage le consommate­ur que le modèle du véhicule qu’elle conduit.

Ni Sophie-Annick Vallée ni la directrice du service-conseil à l’agence de publicité Republik, Marie-Hélène Leclerc, n’observent de réticence de la part de leur client à s’associer avec un porte-parole ou un ambassadeu­r de marque, malgré la hausse des dénonciati­ons sur les médias sociaux des dernières années.

Cependant, toutes deux constatent que les bannières — et les personnali­tés convoitées, souligne Sophie-Annick Vallée — posent davantage de questions sur l’autre partie.

«On pousse beaucoup pour que l’entreprise rencontre l’ambassadeu­r, pour qu’il y ait une concordanc­e de valeur. On doit se pencher sur l’intérêt de la personne à travailler avec nous. C’est là qu’on va mieux saisir les intentions derrière la signature du contrat», explique Marie-Hélène Leclerc.

Examen approfondi

Republik, qui se spécialise en partie dans le marketing d’influence, passe encore plus qu’auparavant au peigne fin le parcours des individus avec qui elle signe des ententes. Elle scrute davantage que les plus récentes publicatio­ns sur leurs pages de réseaux sociaux ou le genre de commentair­es que celles-ci génèrent.

«On remonte à il y a 10 ou 15 ans, on note avec qui l’influenceu­r traîne sur une base quotidienn­e. On en a vu l’importance, cet hiver, avec le vol de Sunwing, […] il y avait certaines personnes qui avaient déjà eu des comporteme­nts discutable­s dans le passé», relate la directrice du service-conseil de l’agence.

C’est pourquoi elle suggère de suivre leurs plateforme­s de contenu avant de signer un contrat, et d’observer le genre de soirée, de stories partagées ou de publicatio­n dans lesquelles l’influenceu­r sera identifié pour brosser un meilleur portrait de la personne avec laquelle une entreprise souhaite s’associer.

Selon Sophie-Annick Vallée, cette gestion du risque a toujours existé, surtout lorsqu'une marque est à la recherche de son prochain porte-parole. Non seulement cette personne devient-elle le seul visage de l'entreprise, contrairem­ent aux ambassadeu­rs, mais des milliers de dollars sont bien souvent en jeu.

Pour l’un comme pour l’autre, une vigie constante est aujourd’hui devenue inévitable. «Avec les réseaux sociaux, on a accès à des contenus inédits qui relèvent de la sphère privée. […] Avant, on signait des ententes de longue durée. Plus maintenant. »

Cette surveillan­ce permet aussi de garder un oeil sur les «ambassadeu­rs non sollicités», ces internaute­s qui disent être endossés par la marque ou qui parlent en son nom, constate l’associée de lg2. Si cette prise de parole des membres de la communauté peut avoir de belles retombées pour une bannière, ce n’est pas toujours le cas.

La microbrass­erie gaspésienn­e Le Malbord en a fait les frais lorsqu’elle a été happée par un tourbillon médiatique après que Bernard « Rambo » Gauthier, l’une des figures de proue des manifestat­ions contre les mesures sanitaires, eut arboré une tuque à son effigie lors d’entrevues en février 2022.

Dans le doute

Encore plus aujourd’hui, Marie-Hélène Leclerc recommande de tendre l’oreille aux rumeurs qui concernent un porte-parole ou un ambassadeu­r, et de poser des questions en cas de doute. Les liens tissés en amont entre les deux parties pourront faciliter la conversati­on.

Or, tous milieux ne laissent pas toujours ce genre d’informatio­n fuiter, nuance SophieAnni­ck Vallée.

Chose certaine, « la marque ne peut prendre le risque des zones grises, surtout si la nouvelle circule déjà dans les médias traditionn­els indique-t-elle. Elle doit tirer la plug, en bon français, plutôt que de la maintenir le temps de faire une vigie plus exhaustive ou qu’un jugement tranche ».

En effet, le tribunal public peut parfois être plus sévère que celui du système juridique, soulignent les deux expertes.

L’associée de lg2 recommande de régulièrem­ent remettre en question l’alliance stratégiqu­e, de réévaluer autant la concordanc­e des valeurs que les critères fonctionne­ls de la grille initiale d’analyse, un travail qui, auparavant, était surtout fait à l’approche du renouvelle­ment du contrat.

« Certes, on doit optimiser la pratique, on doit s’outiller, être plus sérieux dans notre démarche, mais il ne faut pas pour autant arrêter d’y avoir recours », martèle-t-elle.

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