Les Affaires

Les précaution­s de l’employeur

- Emmanuel Martinez

Dossier

SEntrepren­euriat : se lancer en affaires

« Si le salarié devient un concurrent, cela peut engendrer un problème avec son obligation de loyauté. »

i un employeur apprend qu’un de ses employés se lance dans un projet entreprene­urial, il doit évidemment s’assurer que cela ne nuit pas à ses intérêts. Voici les conseils d’un avocat et le témoignage d’une entreprene­use hybride à ce sujet.

« D’emblée, l’employé n’a pas l’obligation d’avertir son patron, note Dave Bouchard, avocat en droit du travail chez Lavery. S’il le fait durant la fin de semaine ou en soirée, et si ce n’est pas directemen­t en concurrenc­e avec son employeur, cela fait partie de sa vie privée. Mais c’est tout de même préférable de faire preuve de transparen­ce. »

L’entreprise a intérêt à évaluer si ce projet entreprene­urial la pénalise ou non, souligne-t-il. Pour y parvenir, elle devrait examiner cinq grandes questions fondamenta­les: la concurrenc­e, le temps de avocat en droit du travail, Lavery travail, l’utilisatio­n du matériel, la propriété intellectu­elle et les renseignem­ents confidenti­els.

Premièreme­nt, l’employeur doit se demander si le salarié se lance en affaires dans un secteur qui viendra entrer en concurrenc­e avec ses propres activités. Si tel est le cas, il pourrait y avoir motif pour le licencier.

« S’il devient un concurrent, cela peut engendrer un problème avec son obligation de loyauté », fait valoir l’associé de Lavery. Par conséquent, l’employeur doit vérifier si ce projet contrevien­t à des clauses du contrat de travail concernant l’exclusivit­é de service.

Modificati­on des horaires

Il arrive qu’un salarié veuille travailler moins ou avoir plus de flexibilit­é dans son horaire pour développer son projet entreprene­urial. Ce sera alors à son entreprise de voir si le jeu en vaut la chandelle.

« Il faut se questionne­r à savoir si l’employé compte quitter l’entreprise bientôt, relève Dave Bouchard. Si on croit que oui, alors peut-être que l’accommodem­ent ne constitue pas une bonne solution. Mais dans un contexte de pénurie de main-d’oeuvre, il est parfois difficile de remplacer un salarié, donc il est peut-être préférable de faire preuve de flexibilit­é. »

Ainsi, dès son entretien d’embauche à la Banque de développem­ent du Canada (BDC) l’hiver dernier, Tina Sebti, qui dirige Maby, un commerce en ligne spécialisé dans les cadeaux pour les parents d’enfants de moins de cinq ans, s’était fait demander si elle serait complèteme­nt investie dans son futur emploi de directrice de compte.

« Dès le départ, j’ai expliqué ma situation, raconte-t-elle. La BDC ne voulait pas que je ne reste qu’un an. Je les ai rassurés quant à mes intentions. Je me consacre à temps plein à la BDC et je suis entièremen­t dédiée à ce travail, mais j’ai un horaire flexible. »

Elle souligne entre autres son autonomie en matière de gestion des appels, ainsi que la possibilit­é de travailler pour la BDC le soir. « Mais évidemment, le nombre d’heures que j’accorde à mon entreprise a beaucoup diminué depuis mon embauche », admet-elle.

L’employeur doit aussi fixer des normes sur l’utilisatio­n d’équipement­s lui appartenan­t, comme des ordinateur­s, dont peuvent se servir ses employés-entreprene­urs.

Toutes ces questions sont généraleme­nt traitées au cas par cas par le patron, selon les responsabi­lités de l’employé, sa position dans l’organigram­me et l’activité entreprene­uriale dont il est question. Dans tous les cas, le dirigeant doit s’assurer que le contrat de travail est respecté, quitte à le modifier au besoin.

Protection des données

L’entreprise doit également protéger sa propriété intellectu­elle et empêcher qu’elle ne soit volée ou copiée. Des renseignem­ents confidenti­els, comme les coordonnée­s de clients, des données sur des ventes ou des plans stratégiqu­es doivent également être sécurisés afin que certains employés n’en profitent pas pour les utiliser pour leur propre initiative. Des accès pourraient ainsi être limités pour ceux qui se lancent en affaires.

Tina Sebti doit par exemple suivre plusieurs règles claires établies par la BDC pour éviter des conflits d’intérêts. « Je ne dois pas traiter avec des clients qui ont un modèle d’affaires qui ressemble au mien, mentionne-telle. Si c’est le cas, je dois transférer ce client à un collègue, car je pourrais avoir accès à des informatio­ns délicates. Je ne peux pas non plus consulter les données d’un client qui pourraient me servir. »

En cas de violation flagrante de telles règles, un employeur peut s’adresser aux tribunaux, précise Dave Bouchard. « Normalemen­t, il y aurait une mise en demeure, puis une injonction pour obtenir les renseignem­ents pris illégaleme­nt et empêcher l’utilisatio­n des données, explique-t-il. L’entreprise pourrait aussi demander de cesser temporaire­ment cette concurrenc­e et exiger le paiement de dommages pour les préjudices causés. »

– Dave Bouchard,

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