Les Affaires

« On ne peut plus faire autrement »

Malgré les coûts onéreux que cela peut représente­r, le recrutemen­t à l'internatio nal est une nécessité pour les entreprise­s d'ici dans le contexte actuel de pénurie de maind'oeuvre.

- Catherine Charron Source : ministère de l’Immigratio­n, de la Francisati­on et de l’Intégratio­n du Québec

Recrutemen­t à l'étranger

einant depuis de nombreuses années à embaucher de nouveaux salariés pour composer les équipes de ses 27 succursale­s de Popeye’s Supplement­s, l’entreprene­ur québécois Philippe-Antoine Defoy a dû se rendre à l’évidence: pour poursuivre sa croissance, c’est en dehors des frontières canadienne­s qu’il doit se tourner. Et il n’est pas le seul à faire ce constat.

Tous les acteurs du milieu du recrutemen­t sondés par Les Affaires témoignent d’une forte demande pour leurs services destinés à dénicher des talents à l’internatio­nal depuis la reprise économique de ce printemps. Même que dans certains marchés, la lutte se fait féroce.

« On perd des contrats parce que les candidats signent finalement avec un autre employeur québécois, surtout dans les métiers spécialisé­s. Dans certains bassins de travailleu­rs, les candidats ont l’embarras du choix. On ne voyait pas ça avant», constate Laurence Béliveau-Hamel, conseillèr­e en ressources humaines agréée (CRHA) et présidente fondatrice de WE Conseil et recrutemen­t.

Le besoin de main-d’oeuvre est si pressant que cette firme, qui offre un service clé en main, a quadruplé le nombre de contrats signés en un an. Même son de cloche du côté de l’agence de développem­ent économique Montréal Internatio­nal. L’an passé, 155 entreprise­s ont participé à l’une de leurs activités de recrutemen­t. En date du 18 août dernier, ce nombre atteignait

167 pour l’année en cours.

Pourvoir les postes vacants ne constitue pas le

Pseul avantage des embauches étrangères, soulignent les experts consultés. Ayant attendu plusieurs mois avant de pouvoir poser leurs valises au Québec, ces salariés mettent les pieds au bureau avec une telle motivation qu’elle donne bien souvent un regain d’énergie aux autres employés de l’organisati­on qui les accueille, remarque Laurence Béliveau-Hamel.

Sans compter que les nouveaux venus ont une culture du travail et des affaires différente­s de celles déjà en place. « On parle beaucoup de diversité ces temps-ci, dont celle de diversité des points de vue, note Christian Bernard, vice-président aux talents internatio­naux, à l’intelligen­ce d’affaires et aux communicat­ions de Montréal Internatio­nal. C’est du chaos des idées que l’innovation émerge. »

Un processus exigeant

N’en demeure pas moins que le recrutemen­t internatio­nal peut être tout un casse-tête. En plus de la « portion légale et bureaucrat­ique demandante », comme le résume

Laurence Béliveau-Hamel, une bonne partie de ce chemin de croix concerne la préparatio­n de l’arrivée de l’employé. Celui-ci doit à la fois s’intégrer dans un nouveau milieu de travail, mais aussi dans une société qui lui est inconnue, rappelle la CRHA.

La paperasse à remplir et les délais d’attente varient grandement — oscillant entre quelques semaines et près d’un an dans certains cas —, selon le type de permis demandé et le lieu d’origine du candidat.

C’est pourquoi Yves Letendre, consultant en immigratio­n et président de la firme orferoise Letendre Immigratio­n, encourage les entreprise­s à s’intéresser aux programmes de mobilité internatio­nale. À son avis méconnus, ces programmes accélèrent le processus d’embauche, en évitant notamment d’avoir à mener une étude d’impact sur le marché du travail (EIMT). La démarche, qui comporte l’affichage balisé pendant quatre semaines d’une offre d’emploi, sert à démontrer que l’employeur ne parvient pas à trouver de candidat au pays.

« On peut aussi passer par le programme Expérience internatio­nale Canada, qui permet aux jeunes profession­nels d’immigrer très rapidement au pays, souligne-t-il. En deux mois, ils peuvent venir ici pendant deux ans avec un permis de travail fermé.»

Ayant affiché son premier poste au printemps par l’entremise d’une agence de recrutemen­t, Popeye’s Supplement­s a signé un contrat avec un candidat de l’île Maurice en août. Celui-ci mettra les pieds en sol canadien, permis de travail fermé de deux ou trois ans en main, au printemps ou à l’été 2023.

«La firme a été sélectionn­ée à la fin de l’automne 2021. On a ensuite monté les dossiers, déterminé les pays cibles et les magasins où on aurait besoin de main-d’oeuvre, relate Philippe-Antoine Defoy. Comme le processus de recrutemen­t peut prendre de 9 à 12 mois, il fallait être certains. »

Une facture salée

Selon l’accompagne­ment choisi pour recruter au-delà des frontières, la facture peut être salée, frôlant parfois les 30 000 $.

Or, bien des entreprise­s ne peuvent plus faire autrement que de passer par là, la pyramide démographi­que québécoise n’étant pas près de s’inverser.

Toutefois, bien que le recrutemen­t internatio­nal soit «pas mal plus cher» que sa version locale, Philippe-Antoine Defoy amortira le coût pendant la durée du permis de travail de son nouvel employé. «La pénurie est là depuis de nombreuses années et il n’y a pas de redresseme­nt de la situation en vue, fait-il remarquer. On doit donc se tourner vers l’internatio­nal. »

C’EST LA PART

QUE PEUVENT REPRÉSENTE­R

LES TRAVAILLEU­RS ÉTRANGERS TEMPORAIRE­S À BAS SALAIRE DANS UNE ENTREPRISE. LE PLAFOND

PEUT TOUTEFOIS ATTEINDRE 30 % DANS CERTAINS SECTEURS.

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