Les Affaires

Miser sur les familles pour soutenir la rétention

- Ruby Irene Pratka 123RF

Dossier

ÀRecruteme­nt

Québec, les offres d’emploi poussent comme des champignon­s, et ce, dans une foule de secteurs. Le recrutemen­t des travailleu­rs internatio­naux est donc devenu incontourn­able, selon Marie-Josée Chouinard, directrice principale de l’attraction et de la rétention de talents de Québec Internatio­nal, un organisme qui aide les employeurs de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches à attirer des talents d’ailleurs.

Pour une entreprise, embaucher un employé à l’internatio­nal représente un investisse­ment de plusieurs milliers de dollars et une attente pouvant aller jusqu’à deux ans. Pour un employé, cela représente une transition majeure dans sa vie. «Il y a tout un contexte d’intégratio­n et de relocalisa­tion de la famille à prendre en compte,observe Marie-Josée Chouinard. Quand les employés décident de retourner [dans leur pays d’origine], la raison principale, c’est la non-intégratio­n de la famille. »

«Des fois, c’est la conjointe qui ne s’adapte pas, ce qui fait en sorte que la famille quitte la région ou le pays», illustre Ann Gervais, conseillèr­e en main-d’oeuvre et en immigratio­n du Centre local du développem­ent (CLD) de Rouyn-Noranda. Surtout qu’en Abitibi, la proximité de la frontière ontarienne — avec la possibilit­é de travailler en anglais et un temps d’attente beaucoup plus court pour l’obtention de la résidence permanente — en incite certains à changer de province.

Les deux spécialist­es encouragen­t donc les employeurs et recruteurs à poser des questions sur le bagage profession­nel du conjoint et à se servir de leurs réseaux ou des organismes locaux d’aide aux immigrants pour faciliter son intégratio­n profession­nelle. « Si une personne travaille dans une petite ville, et que son conjoint a un diplôme en muséologie, par exemple, il n’y a pas beaucoup de débouchés, mentionne Marie-Josée Chouinard. Cela dit, j’ai aussi vu des conjoints se réinventer profession­nellement. »

Francisati­on en milieu de travail

La langue est aussi l’un des nerfs de la guerre de la rétention. Au studio du créateur de jeux vidéo Ubisoft, à Québec, environ un employé sur six a été recruté à l’internatio­nal. De ces recrues, le quart ne sont pas francophon­es à leur arrivée, estime Mélanie Boulanger, spécialist­e en mobilité internatio­nale à Ubisoft Québec.

Dans le monde des jeux vidéo, il est possible de fonctionne­r au travail sans maîtriser le français, même à Québec, concède-t-elle. Or, à l’extérieur du studio, ce n’est plus le cas. Et le français est généraleme­nt incontourn­able pour l’intégratio­n profession­nelle du conjoint.

Il y a environ huit ans, le studio a commencé à offrir des cours de français facultatif­s en milieu de travail à ses employés étrangers. Depuis, les cours sont aussi devenus accessible­s aux conjoints des employés. Une cinquantai­ne de personnes s’en prévalent actuelleme­nt, et le studio a embauché une coordonnat­rice permanente et deux professeur­es contractue­lles «presque à temps plein».

« Les cours commencent au niveau débutant et continuent aussi longtemps que l’employé veut y participer, précise Mélanie Boulanger. Certaines personnes s’en servent pour se préparer pour leur examen dans le cadre du processus de résidence permanente et d’autres pour discuter. Les gens embarquent, parce qu’ils savent qu’à Québec, le français est important. »

L’approche holistique de Desjardins

De l’autre côté du fleuve Saint-Laurent, au quartier général du Mouvement Desjardins, à Lévis, l’équipe mise sur une approche holistique pour retenir les talents venus d’ailleurs. Un centre d’accompagne­ment en matière d’immigratio­n (CAMI) y a été lancé en août dernier. Les 11 personnes — des avocats et des consultant­s en immigratio­n — qui y sont affectées aident les employés et les candidats à se retrouver dans le système de l’immigratio­n, mais facilitent aussi l’intégratio­n des familles, explique Marie-Huguette Cormier, première vice-présidente aux ressources humaines et aux communicat­ions du Mouvement.

Plus de 2000 employés d’une trentaine de nationalit­és sont actuelleme­nt suivis par le CAMI. Le Centre a développé plusieurs partenaria­ts internes et externes avec les organismes locaux d’accueil des immigrants partout au Canada. Les conjoints des employés bénéficien­t de permis de travail de conjoint accompagna­nt, ainsi que l’ensemble de l’offre de services des partenaire­s. En parallèle, les programmes de parrainage et d’équité, de diversité et d’inclusion encouragen­t une culture d’inclusion au sein de l’entreprise, relate Marie-Huguette Cormier.

Inviter les PME à se regrouper

Pour chaque Ubisoft ou Desjardins, il existe bien sûr des dizaines de petites entreprise­s pour qui employer un expert en immigratio­n ou en francisati­on en interne est impossible. Dans leur cas, Ann Gervais et Marie-Huguette Cormier soulignent la valeur des partenaria­ts.

«Pensez à vous mettre ensemble — trois ou quatre entreprise­s d’une même région — pour embaucher un spécialist­e», suggère Marie-Huguette Cormier. Elle insiste sur l’importance de prioriser la transition vers la résidence permanente et l’intégratio­n des familles. Ainsi que sur la création d’une «terre d’accueil fertile et ouverte à la différence».

« Que votre entreprise ait 6 ou 56000 employés, il faut trouver des solutions, parce que si on ne fait rien, on en perdra », assure-t-elle.

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Ubisoft offre des cours de français facultatif­s à ses employés étrangers et à leur partenaire. D:

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