Nos conseils nutrition
Quand manger plus fait perdre du gras
La croyance populaire veut que pour perdre du poids, il faille limiter la quantité de calories ingérées, souffrir et avoir faim. En procédant ainsi, toutefois, c’est plutôt l’inverse qui se produit : notre métabolisme ralentit au point de diminuer sa dépense énergétique quotidienne afin de protéger le corps et de lui permettre de survivre. Résultat ? On ne perd pas de gras. C’est plutôt lorsqu’on offre au corps des aliments en quantité suffisante et de qualité que la magie se met à opérer. Pourquoi alors se priver ?
Malgré qu'ils soient populaires et fort attrayants, les nombreux régimes restrictifs médiatisés ont un taux d'échec de 95%, si on en croit la nutritionniste, autrice et conférencière Stéphanie Côté, qui précise que les individus reprennent tout le poids perdu, voire plus dans l'année suivante ou la deuxième année.
«Les études scientifiques sont unanimes: les régimes amaigrissants ne sont pas bons pour la santé. […] Ils entraînent une spirale de mal-être psychologique et physique. C'est ce que la science nous dit. Alors, les témoignages comme: “J'ai perdu du poids en mangeant de telle façon”, il y en aura toujours, mais ça ne fait pas le poids devant ce que nous dit la science », met-elle en relief.
Le corps en mode économie
Si certains abandonnent rapidement devant le caractère limitatif et insoutenable des régimes restrictifs, d'autres se laisseront emporter dans leur cercle vicieux. Ainsi, après avoir repris le poids perdu à la suite d'un régime, ils ressentiront un sentiment d'échec et en essaieront un deuxième. Ils verront les livres fondre au départ, mais de façon éphémère, puisque le corps aura à peine suffisamment de calories pour subsister et que le métabolisme réduira le rythme auquel il brûle des calories pour permettre au corps de survivre.
«Il se mettra en mode économie. Quand on va manquer de batterie, notre téléphone nous demande si on souhaite passer en mode économie d'énergie. Il baisse alors la luminosité, coupe les applications énergivores, image Stéphanie Côté. C'est la même chose qui se passe avec notre corps. Quand il manque d'énergie, que la batterie est faible, le corps ralentit la vitesse à laquelle il brûle des calories par crainte de manquer de quelque chose. C'est un mécanisme de défense.»
Ce phénomène s'apparente à celui que l'on appelle communément la «famine». «C'est une façon de vulgariser, explique Mme Côté. Ce phénomène est aussi vieux que le monde. L'homme préhistorique n'avait pas accès aussi facilement que nous aux aliments. Il n'y avait pas de dépanneurs ni d'épiceries à tous les coins de rue. Il devait chasser son mammouth pour manger et il s'en nourrissait pendant plusieurs jours, parce que ça pouvait être long avant qu'il chasse une autre bête. C'était un genre de famine, un entre-deux qui fait que le corps devait faire des réserves et vivre sur celles-ci. Notre corps se place dans un état de famine. Ce n'est pas zéro. Ce n'est pas un état de famine sans rien manger, mais c'est un stress certain pour le corps», confirme-t-elle.
C'est l'une des raisons pour lesquelles les régimes ont un faible taux de réussite, alors qu'ils «bousillent» littéralement le métabolisme de base, selon la nutritionniste. Ainsi, lorsque la personne se remet à manger normalement, alors que son métabolisme de base est abaissé comparativement à ce qu'il était avant le régime, l'apport «normal» devient un surplus calorique… Donc, c'est pour cela que c'est plus «facile» de prendre du poids. De plus, le corps, qui s'était placé en mode économie, ne souhaite pas se faire prendre une seconde fois et emmagasine des réserves par mesure préventive. Il faut dire que certains régimes draconiens suggèrent d'ingurgiter tout juste 1200 calories par jour, ce qui est à peine suffisant pour répondre aux besoins de notre corps, à savoir faire fonctionner nos cellules et nos organes, assurer les battements du coeur et la respiration et maintenir notre métabolisme de base. Brûler du gras devient donc le dernier des soucis, sans mentionner les sentiments de faiblesse, d'étourdissement, de fatigue et d'irritabilité ainsi que le manque d'énergie.
« Vraiment intéressante, la comparaison entre notre métabolisme et le mode économie d’énergie de nos téléphones. Ça permet de mieux comprendre ce qui se passe quand on se prive de manger. J’en retiens qu’il faut être patient, viser le long terme et écouter les messages que nous envoie notre corps. » – Caty
Manger plus, perdre davantage ?
Sans vouloir s'avancer sur un chiffre en particulier, puisque chaque personne est unique et a des besoins énergétiques différents, les spécialistes s'entendent pour dire qu'il faut manger pour perdre du poids, pour perdre du gras. Il est donc impératif de fournir suffisamment de nourriture à notre organisme, en plus d'opter pour une alimentation variée qui répond à nos besoins. À cet effet, consulter une nutritionniste n'est pas à négliger.
«Mes clientes émettent souvent le commentaire qu'elles ont l'impression qu'elles mangent plus qu'auparavant, et maintenant, elles perdent du poids, indique la nutritionniste et collaboratrice à notre bookazine, Catherine Lepage. Les aliments à favoriser, comme les végétaux et les protéines, sont idéalement plus volumineux, denses en fibres et en protéines et gorgés d'eau, mais ils sont finalement moins caloriques. Donc, mes clientes ont l'impression qu'elles mangent davantage, elles se sentent plus soutenues et le risque de perte de masse musculaire est ainsi réduit.»
Il s'agit également d'une façon de «rassurer notre corps», selon Stéphanie Côté, puisqu'on lui fournit ce dont il a besoin. Il sera donc plus enclin à perdre ou à maintenir le poids pour lequel il est programmé. «Ça veut dire en perdre et, parfois, en rester là, et il faut l'accepter. Des conseils quant au volume et à la quantité d'aliments peuvent nous amener à manger plus. On mange plus, mais pour ce qui est des calories, ça convient encore tout à fait. Essentiellement, il ne faut pas se battre contre notre corps, mais être en harmonie avec lui et lui fournir ce dont il a besoin. Il va se situer où il doit être.»
Il ne faut donc pas se concentrer uniquement sur les calories ingurgitées, bien qu'il soit important de les conserver dans notre vision périphérique, puisqu'il s'agit d'un seul facteur dans l'équation. L'accent devrait plutôt être mis sur la macronutrition, selon les spécialistes, à savoir si on consomme suffisamment de protéines, de glucides et de lipides. Chacun de ces groupes doit idéalement être présent à tous les repas et chaque groupe a un rôle à jouer une fois ingurgité. Le Guide alimentaire canadien recommande de remplir la moitié de notre assiette de légumes, alors que les protéines et les glucides devraient respectivement représenter un quart de celle-ci.
«Les protéines, on les oublie, mais c'est tellement un allié important dans la perte de poids, dit Catherine Lepage. Ça fait toute la différence sur le sentiment de satiété de l'individu, sur le contrôle de sa glycémie. Les protéines sont incroyables! On a faim moins rapidement, on est plus rassasié. Je vulgarise, mais ça a un effet coupe-faim et ça stimule légèrement le métabolisme aussi, parce qu'ils sont un peu plus difficiles à digérer que les lipides et les glucides.»
Bien qu'ils soient souvent boudés, les glucides ne sont pas à rejeter de notre alimentation, bien au contraire. Tout est une question de quantité, selon les nutritionnistes, qui précisent qu'aucun aliment n'est «fait pour engraisser». «C'est une vision dichotomique, dit Mme Lepage. [Les gens] se privent d'un aliment et, finalement, quand ils veulent manger des frites, ils tombent dedans. Si on a envie de manger des frites, il suffit de faire des ajustements dans ses autres choix alimentaires durant la journée, en augmentant sa consommation de légumes, par exemple. On peut manger des frites de temps en temps sans prendre de poids ni avoir de répercussions sur ses progrès. Cette vision flexible de l'alimentation est beaucoup plus viable et plaisante à long terme.»
Stéphanie Côté abonde dans le même sens et aborde, par la même occasion, le sujet de l'alimentation intuitive, c'est-à-dire se fier à nos sensations de faim et de satiété plutôt que de calculer nos calories. «Il faut arrêter de voir les aliments comme étant bons pour maigrir ou engraissants, parce que dans cette catégorisation, on développe une obsession envers les aliments que l'on voudrait manger, mais qui sont interdits. Le désir augmente», avance-t-elle. Elle ajoute même que tout est permis et que le plaisir doit toujours être au rendezvous. «Je tiens à préciser que ça ne s'appelle pas `'tricher'', ça s'appelle juste `'manger, s'écouter et respecter nos envies''. Le terme `'tricher'' vient avec de la culpabilité et on ne veut pas ça», martèle-t-elle.
Ainsi, trouver l'équilibre est essentiel, mais il faut aussi essayer d'atteindre un certain déficit calorique à la fin de la semaine. C'est ce qui permet de perdre du poids, de perdre du gras. Or, certains autres facteurs tels que la motivation, le stress, le sommeil et l'activité physique peuvent venir brouiller les cartes. Il importe donc de moduler notre apport calorique quotidien selon notre niveau d'activité physique afin que le corps ait l'énergie nécessaire à son bon fonctionnement et afin d'éviter qu'il ne se place en mode économie d'énergie.
«Notre corps nous en fera la demande. Je n'ai pas à calculer ce que je dépense en faisant de la raquette, en faisant ma promenade... Généralement, l'appétit s'ajuste à cette dépense et le corps fait la demande. Si on ressent la faim, on doit manger. Le corps est fait comme ça. Il nous demande et la meilleure chose à faire, c'est de lui répondre », conclut Mme Côté.