Les maisons où nous vivons reflètent qui nous sommes —
nos goûts, nos valeurs, ce que nous possédons. Mais les maisons dont nous rêvons ? Elles sont des expressions plus pures de nous-mêmes, sans contraintes géographiques ni financières. Alors, on imagine facilement ce qu’a ressenti Scott Yetman, designer de Montréal, collectionneur d’antiquités et bon vivant, lorsqu’il a traversé le portail de cette propriété de Knowlton, au Québec, il y a deux ans.
Trouver un château à vendre dans les Cantons-de-l’Est, c’est un peu comme déguster le croissant parfait au Machu Picchu : pratiquement impossible. Et pourtant… Scott est tombé sur cette version d’un mini-château des années 1960, avec plafonds voûtés, cheminées, grand portail de fer forgé et tourelles, le tout entouré de sept hectares de collines ondoyantes avec vue sur le lac Brome. Ce fut le coup de foudre.
« C’était comme voyager à une autre époque, dans les maisons de campagne et les châteaux de Normandie », explique Scott au sujet de cette demeure de 465 m2 comptant trois chambres. Mais ce n’était pas un de ces manoirs prétentieux ; celui-ci avait quelque chose de sensible et de délicat. Après l’avoir vu, nous ne pouvions plus l’oublier. »
En mai 2019, Scott et son mari, Jean Michel Lavoie, cadre dans le domaine de la santé et de l’assurance, venaient de vendre leur maison Régence de Knowlton, qu’ils avaient rénovée et aimée pendant dix ans (en pensant ne jamais la quitter). Ils ont alors commencé à réfléchir à leur nouvelle demeure d’un autre temps.
Une maison qui a un passé a besoin d’un propriétaire pouvant imaginer son avenir. Bâtie en 1966 pour un avocat, Jean Raymond, membre du Conseil législatif du Québec,
LE MÉLANGE DU CLASSIQUE ET DU CONTEMPORAIN DÉGAGE UNE BELLE ÉNERGIE : ENSEMBLE, ILS FONT DES ÉTINCELLES.
et sa femme, Jacqueline, la maison a été conçue par la firme d’architectes de Montréal Humphrey & Seguin. On dit même que Pierre Elliott Trudeau aurait dormi un Noël dans cette demeure au cadre de bois finement détaillé. « Plus le temps passait, plus il devenait évident que ce projet relevait davantage de la restauration que de la rénovation », explique Scott.
Mais pas de tapisseries poussiéreuses, de chandeliers de cristal ni de meubles Louis XVI dans ses plans. « Nous voulions simplement réparer et restaurer les éléments d’origine. Ce qui devait être remplacé l’a été par du moderne au lieu d’imitations du passé, ajoute Scott. Le mélange du classique et du contemporain dégage une belle énergie : ensemble, ils font des étincelles. »
Cette joyeuse juxtaposition est très réussie dans le grand salon aéré, où des fenêtres à cadre noir, résolument modernes, ont été découpées dans le mur. Dans la cuisine, les armoires à la française d’origine contrastent avec l’îlot de chêne noir, aussi lustré qu’une Citroën DS.
La maison est remplie de ces nuances subtiles, dégageant opulence et confort. Inspiré par le motif de renard d’origine — les anciens propriétaires avaient un heurtoir à l’effigie de cet animal, ainsi que des luminaires et des sculptures en fer forgé l’évoquant sur les colonnes du portail avant —, le designer a changé l’ancien nom français de la demeure pour Fox Hill.
Même si Scott et Jean Michel ont un grand pied-à-terre à Montréal (présenté dans le numéro de M&D de février 2017) et un appartement moderne à Palm Beach, en Floride, c’est ici qu’ils se détendent les fins de semaine. En été, on y fait du vélo ou on joue au tennis avec des amis, pour ensuite visiter le marché fermier en prévision des repas. Scott et Jean Michel adorent cuisiner et recevoir ; il y a deux lave-vaisselle dans l’îlot, sans oublier un grand réfrigérateur et plusieurs services Wedgwood dans les armoires du salon.
En hiver, on opte plutôt pour le ski et le cinéma devant la cheminée. Mais les dimanches après-midi, l’ambiance de la maison change. Vixen, le foxterrier, vient tenir compagnie à son maître. « Il y a des plans étalés sur la table de la salle à manger, un poulet qui rôtit dans le four et Yo-Yo Ma en fond musical, pendant que je prépare ma semaine, dit Scott. Cette maison a changé notre vie. Ici, je me sens plus protégé, plus serein. Il y a encore beaucoup à faire, mais ça fait partie de la beauté de trouver la maison de ses rêves. »