Être dans le vent
Société. Alors que la jeunesse queer s’éloigne de plus en plus du Village, le quartier branché aux racines multiculturelles du Mile-End devient depuis quelques années le nouveau lieu d’accueil de la diversité sexuelle et de genre.
Le quartier branché aux racines multiculturelles du Mile-End devient de plus en plus un lieu d’accueil de la diversité sexuelle et de genre, délaissant le Village, jugé dépassé.
Selon la professeure adjointe affiliée à la Faculté des arts et des sciences de l’Université Concordia, Julie Podmore, qui a étudié cet aspect il y a quelques années, de plus en plus de Montréalais s’identifiant comme queers s’installent hors du Village gai.
Mme Podmore a recruté des personnes queers étudiant aux cycles supérieurs, qui ont interviewé des membres de leur communauté pour recueillir leurs impressions sur le quartier.
Résultat : plusieurs préfèrent s’établir dans le Mile-End, situé à trois kilomètres au nord du Village. «Pour eux, il y avait un sentiment que le Mile-End est plus ouvert. Ce n’est pas nécessaire d’être identifié comme gai ou lesbienne. Ces identités-là sont plus associées avec des générations plus âgées», explique la professeure.
Débuts du Mile-End queer
L’arrivée de jeunes personnes queers dans le Mile-End a coïncidé avec l’émergence de ce quartier comme épicentre de la culture indépendante, explique Victor Junior Roberge.
Âgé de 33 ans, l’homme gai a grandi dans le Mile-End et a été témoin de cette transformation alors qu’il se produisait comme Drag Queen au niveau de la scène underground du quartier.
Attiré par l’effervescence des nuits festives, des personnes de la communauté LGBTQ+ ont commencé à s’intégrer au quartier du Mile-End. « Peuplez votre village et votre village se peuplera. Les gens se sont un peu rabattus vers nous », poursuit-il.
Dans son désir de fournir une tribune à sa communauté, Victor Junior Roberge a eu l’intuition de fonder au sein de Radio Centre-Ville, située au coeur du Mile-End, l’émission de radio Fraîchement Jeudi en 2019.
Il s’agit de la seule émission de radio francophone exclusivement consacrée aux défis de la communauté LGBTQ+ du Québec.
Le Mile-End, lieu d’accueil diversifié
Par ailleurs, si la jeunesse queer trouve le Mile-End plus accueillant, c’est aussi parce que c’est un quartier très multiculturel. En effet, en 2016, la population immigrante représentait le quart des résidents.
Membre de la communauté gaie, Jules Lessard s’est récemment installé dans le Mile-End après s’être fait évincer de son logement dans Rosemont–La Petite-Patrie.
Son choix a été motivé par le fait que plusieurs autres personnes queers y habitent, mais aussi par la diversité du quartier. «Il y a beaucoup de communautés qui cohabitent, remarque-t-il. Il y a des juifs hassidiques, des communautés anglophones, des francophones, des immigrants d’un peu partout et beaucoup d’étudiants aussi.»
Jules Lessard est d’avis qu’une communauté marginalisée comme une communauté éthnique a tendance à accepter davantage les autres communautés marginalisées comme la communauté queer. C’est une observation que fait aussi Julie Podmore.
Toutefois, la chercheuse remarque que le Mile-End connaît un embourgeoisement. La hausse importante des loyers a forcé certains établissements dirigés par des personnes queers, comme le Café Cagibi et le Royal Phoenix Bar, à déménager ou à fermer leurs portes.
Le Village en baisse
En tant que bisexuelle, Mira Sophia a décidé de s’établir dans le Mile-End parce que plusieurs de ces amis y habitaient déjà. Elle trouve effectivement que les jeunes issus de la communauté LGBTQ+ préfèrent ce quartier au Village qui est plutôt «vieille école» et qui s’adresse davantage aux hommes homosexuels.
« L’environnement n’est pas très convivial et invitant non plus. Je me souviens qu›il ya à peine quelques années, c›était mitigé... Mais encore plus depuis l›arrivée de la COVID et le manque de culture du club, les gens préfèrent être dans un quartier plus accueillant», évoque-t-elle.
Mme Podmore veut surtout mettre en lumière l’existence de quartiers qui comportent une densité croissante de personnes queers affirmées. « Nous devons prendre cela en compte en tant qu’urbaniste, gestionnaires municipaux et responsables des politiques au lieu de consacrer toute notre énergie aux villages gais », pense-t-elle.