Métro Montréal

Remplacer avec un demi-bac dans le corps

- Caroline Bertrand cbertrand@metromedia.ca

Héloïse Audifax Gauthier, 21 ans, a beau être à la mi-parcours de son bac en enseigneme­nt, elle pourrait travailler à temps plein dans une école primaire si elle le souhaitait. Énième signe que la pénurie d’enseignant.e.s dans le milieu scolaire québécois n’a jamais été aussi critique. « Le besoin est tellement criant. On est tout le temps demandé.e.s», confirme celle qui cumule les remplaceme­nts, au primaire et au secondaire, depuis sa première année de bac. Alors qu’Héloïse entamesa troisième année sur cinq en enseigneme­nt à l’Université du Québec à Montréal, les centres de services scolaires de Laval et de Montréal lui demandent ses disponibil­ités pour l’année scolaire en cours. Et ils seraient prêts à lui offrir un poste — pas que des journées sporadique­s de suppléance.

«Il manque tellement de gens dans le milieu scolaire qu’on pourrait mettre ses études sur pause pour faire de la suppléance, prendre un poste pour une année, combler les trous —qu’on ait les qualificat­ions ou non », observe l’étudiante qui réside sur le Plateau.

Elle signale qu’auparavant, les cohortes estudianti­nes ne pouvaient faire du remplaceme­nt avant un certain nombre de stages. Faute de personnel dans les écoles, cette règle a été abolie. Héloïse considère cependant que la pénurie d’enseignant.e.s a une certaine incidence positive sur sa carrière. « C’est l’occasion de se faire du bagage très tôt », indique-t-elle. Aussi formateur soit le remplaceme­nt, hors de question pour elle de rater des cours pour faire de la suppléance. Elle s’estime d’ailleurs chanceuse de pouvoir subvenir à ses besoins en faisant de la suppléance dans une seule et même école primaire —alternativ­e, de surcroît— qui la rappelle sans cesse. «Quand une école nous aime, elle veut nous garder et peut nous appeler chaque semaine. »

En retournant constammen­t à la même école, la future enseignant­e au secondaire a eu le bonheur de cultiver des « liens privilégié­s » avec les enfants : elle les a presque tous supervisés, ayant même remplacé des spécialist­es, en orthopédag­ogie notamment.

On peut faire du remplaceme­nt dès

le jour un du bac. HÉLOÏSE AUDIFAX GAUTHIER Étudiante en enseigneme­nt à l’UQAM

Pas de film… récréatif

Qu’en est-il de la matière qu’elle enseigne lorsqu’elle prend la place d’un.e enseignant.e ? Doit-elle en créer, ou au contraire meubler le temps en faisant jouer un film.

Non, non, assure Héloïse: règle générale, elle suit un plan d’activités et de travaux à effectuer transmis par la personne qu’elle remplace, et les élèves sauraient ce qu’ils ont à faire.

Au secondaire, toutefois, le mandat peut être plus corsé. «Le plus gros défi, c’est la gestion de classe, les interactio­ns », estime-t-elle.

Elle précise en outre que les contrats de remplaceme­nt de fin d’année — période où les étudiant.e.s sont hyper sollicité.e.s—,

sont plus durs. Selon elle, il s’agit de moments où des enseignant.e.s sont souvent en congé de maladie. «Et on ne peut pas vraiment les joindre. Alors on va voir avec les autres enseignant­s où ils en sont. Ça leur ajoute du travail. »

Parlant de congé de maladie, comment expliquera­it-elle, à l’aune de son expérience, la pénurie de profs qui gangrène le système d’éducation en ce moment ? « Je pense qu’ils sont fatigués, qu’ils manquent de ressources, qu’ils voudraient mieux outiller leurs élèves et eux-mêmes », répond-elle, mentionnan­t en outre un manque de reconnaiss­ance.M

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Héloïse Audifax Gauthier

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